Marque et idées reçues

Marque et idées reçues

Publié le : 12/06/2018 12 juin juin 06 2018

La marque et les droits qui s’y attachent font l’objet de nombreuses idées reçues. Si le dépôt d’une marque peut sembler peu coûteux et rapide, cela ne doit pas occulter l’importance d’une telle démarche et de ses conséquences juridiques, fiscales et commerciales.
Cet article présente une liste non exhaustive d’idées reçues attachées au dépôt d’une marque, en France.

1- « L’INPI va refuser ma demande de marque si quelqu’un l’a déjà déposé avant moi »  

L’INPI procède à un certain nombre de vérifications de fond et de forme dont notamment la conformité à l’ordre public.

En revanche, l’INPI ne vérifie pas la disponibilité d’une marque. Il appartient au déposant de s’assurer que sa demande de marque ne porte pas atteinte aux droits antérieurs de tiers étant rappelé que «  Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue ».[1] L’INPI n’a pas d’obligation d’aviser un déposant si la demande de marque a déjà fait l’objet d’un dépôt identique ou similaire auparavant.

2- « Une fois enregistrée, la marque est incontestable »  

La délivrance du certificat d’enregistrement est l’aboutissement de la procédure de dépôt et une preuve des droits du titulaire de la marque. Le titre ne confère cependant pas un droit « incontestable » à son titulaire. Toute personne justifiant d’un intérêt peut saisir l’un des Tribunaux compétents pour contester la validité d’une marque. Si le titulaire d’une marque prend l’initiative d’une procédure judiciaire contre un tiers, ce dernier peut, en défense, tenter de contester la validité de la marque.
 
De même, si une marque n’est pas exploitée sérieusement pendant une période ininterrompue de 5 ans, son titulaire peut « perdre » ses droits. Il s’agit de la « déchéance des droits pour non exploitation ».[2]
 
Enfin, si le titulaire d’une marque ne s’oppose pas à l’utilisation de celle-ci par des tiers à titre de nom usuel, il peut « perdre » ses droits par « dégénérescence ».[3] 
 
L’obtention d’un certificat d’enregistrement ne confère donc pas un droit incontestable. Il appartient au titulaire de s’assurer de la validité de sa marque et de se donner les moyens de conserver ses droits.

3- « Si quelqu’un dépose une marque similaire à la mienne, l’INPI m’avisera »  

L’INPI n’assure pas de service de surveillance automatique des marques enregistrées. Si le titulaire d’une marque souhaite s’assurer que des tiers ne déposent pas des demandes de marques similaires à la sienne, il lui appartient de mettre en place une surveillance.

Rappelons que, sauf dépôt de mauvaise foi, le titulaire d’une marque ne peut agir en contrefaçon contre une marque postérieure dont il a toléré l’usage pendant 5 ans[4] et cela, même s’il n’a pas « vu » l’inscription de la marque au Registre national.

4- « Il suffit de payer une taxe de renouvellement tous les dix ans pour conserver ses droits »  

La marque ne peut se résumer à un paiement de taxe par décennie. Les événements qui affectent une marque et/ou son titulaire doivent être publiés au Registre National des Marques de manière régulière.

Cette obligation concerne notamment les changements de forme juridique, de siège social, de dénomination sociale du titulaire de la marque mais aussi les cessions de marque (même si cette cession intervient dans le cadre d’une opération plus complexe telle qu’une transmission d’entreprise), les licences de marques, les gages et nantissements…A défaut, ces modifications et opérations sont inopposables aux tiers et à l’INPI.

5- « J’ai tapé mon projet de marque sur le site de l’INPI. Il n’y a aucun résultat, je ne risque rien »  

Les résultats obtenus à partir du moteur de recherche de cette base de données sont des résultats dits « à l’identique ». Le moteur de recherche ne va pas identifier, à partir du ou des mots mentionnés, les marques qui sont similaires (et qui représentent un risque potentiel) sans être identiques.
 
Prenons un exemple : si le terme « nike » est mentionné dans le moteur de recherche de la base, les différentes marques déposées par le célèbre fabricant/vendeur d’articles de sport apparaissent. Si le terme « nyke » est mentionné dans le moteur de recherche de la base, le résultat indique (à ce jour) « 0 résultat obtenu pour votre recherche nyke, dans les marques en vigueur en France ». Pour autant, déposer une marque « nyke » pour désigner des articles de sport pourrait constituer une atteinte aux marques « nike », même si l’orthographe est différente.
 
A ce titre, notons que le site de l’INPI précise clairement « ATTENTION ! Ne déposez pas votre nom de marque sur la base de ce seul résultat. Ceci est une première étape dans votre recherche de disponibilité de nom de marque, cependant elle n’est pas suffisante. » Une recherche dite « de similitudes » permet d’identifier des marques antérieures « gênantes » bien que non identiques et 
d’apprécier le risque juridique qui en résulte. Pour cela, il convient de tenir compte de la similitude des produits et services ainsi que de la similitude des signes (comparaison visuelle, phonétique et intellectuelle des signes).

6- « Avant de déposer une marque, il faut uniquement vérifier les marques antérieures »  

S’il est important de vérifier les marques antérieures, il ne faut cependant pas limiter les recherches à cette seule catégorie de droits antérieurs. En effet, un dépôt de marque est susceptible de porter atteinte à d’autres droits antérieurs tels que des dénominations sociales, des noms commerciaux ou enseignes, des noms de domaine, des œuvres de l’esprit, des appellations d’origine, des noms patronymiques… Il est possible d’effectuer des recherches d’antériorités pour plusieurs de ces catégories de droit antérieurs.

7- « J’ai déposé une marque en classe 9 et l’adversaire en classe 42, je ne risque rien »  

Le classement des produits et services par catégorie a une fonction purement administrative. Comme le souligne l’INPI à juste titre « pour plus de facilité, les différents produits et services ont été “rangés” par classes. Les vêtements appartiennent ainsi à la classe 25. Cette classification administrative est un outil pratique, notamment pour effectuer des recherches de disponibilité, mais elle n’a aucune valeur juridique. »
 
L’appréciation du risque de confusion tient compte des produits et services effectivement sélectionnés par un déposant au sein des différentes classes, sans tenir compte de la numérotation. Ainsi, il est possible, dans certaines circonstances, qu’une marque désignant « logiciel » en classe 9 présente un risque de confusion avec une marque désignant les services « conception et développement d'ordinateurs et de logiciels » en classe 42.

8- « J’ai perdu mon certificat d’enregistrement. Ce n’est pas grave, je vais imprimer un extrait du site de l’INPI ».  

La base de données publique de l’INPI est une source d’informations utile mais uniquement une source d’informations. La première page de ce site précise clairement « Les données sont fournies à titre indicatif. Elles ne doivent en aucun cas servir de base à des décisions juridiquement ou économiquement déterminantes. Seules font foi les copies officielles délivrées par les services de propriété industrielle compétents. »

Captures d’écran ou impressions effectuées à partir de ce site ne peuvent constituer de preuves recevables notamment dans le cadre d’une procédure judiciaire. En cas de perte du certificat d’enregistrement, il est possible de solliciter une copie des informations publiées au Registre National des Marques.

9- « Le plus sûre, c’est de déposer la marque au nom du dirigeant »  

Il n’est pas rare que des marques soient déposées au nom du dirigeant de l’entreprise qui exploite effectivement la marque. Cela n’est pas interdit mais il est important de s’interroger sur la pertinence et les conséquences d’une telle décision. En procédant ainsi, le dirigeant prive de droit opposable l’entreprise qui exploite de manière effective la marque.

Le dépôt au nom du dirigeant doit donc être accompagné de certaines mesures telles que (par exemple) la signature d’un contrat de licence au profit de l’entreprise qui exploite effectivement la marque puis la publication de cette licence. Il convient également de s’intéresser à la valorisation de la licence (et donc de la marque), au montant des redevances et aux conséquences fiscales pour chaque partie. Par ailleurs, dans le cadre d’une cession d’entreprise, l’acquéreur potentiel pourrait s’étonner qu’une entreprise ne soit pas titulaire de la marque qu’elle exploite ou, a minima, bénéficiaire d’une licence d’exploitation. L’absence de droit opposable peut impacter la valorisation d’une entreprise ou l’intérêt de l’acquéreur potentiel de l’entreprise.

10- « Il y a 7 (ou 9) différences, donc il n’y a pas de contrefaçon »  

Il s’agit probablement de l’idée reçue la plus répandue et peut être l’une des plus « dangereuses ». La contrefaçon s’apprécie au regard des ressemblances, non des différences.

Ce principe est régulièrement rappelé par les juridictions françaises. Il convient, pour apprécier la contrefaçon, de rechercher si « les ressemblances existantes ne créaient pas un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux ». [5]
 
Parfois, une seule différence entre deux signes va permettre d’écarter le risque de confusion et parfois une multitude de différences s’avérera totalement insuffisante pour écarter le grief de contrefaçon. Il importe donc peu de compter les différences.  
 
Le dépôt d’une marque est un acte important. Il est conseillé de prendre attache auprès de professionnels spécialisés en propriété intellectuelle. Pour toute question concernant vos projets de marques ou la gestion de vos marques, n’hésitez pas à contacter les équipes LEXCAP.

[1] Article L711-4 du Code de la propriété intellectuelle
[2] Article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle
[3] Article L714-6 du Code de la propriété intellectuelle
[4] Article L716-5 du Code de la propriété intellectuelle
[5] En ce sens not. Cass com 24.03.2014 RG 13-13690



Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Karen SAMMIER
Avocate
LEXCAP ANGERS
ANGERS (49)
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