Construction

Prescription et empiètement – attention au fondement invoqué !

Publié le : 13/02/2023 13 février févr. 02 2023

L'arrêt de la cour de cassation du 8 février 2023 (3e chambre civile, n° 21-20.535) nous donne l’occasion de rappeler le point de départ de l’action en responsabilité contractuelle en matière d’empiétement. 
En l’espèce, une SCI a consenti à une société un bail emphytéotique portant sur un terrain lui appartenant, afin d’y construire une clinique de rhumatologie alimentée en eau thermale depuis la source située sur une parcelle voisine, appartenant également à la SCI.

Constatant un empiètement sur cette parcelle, en édifiant une extension de la clinique au-delà des droits conférés par le bail, la SCI a assigné la société preneuse en résiliation du bail, en expulsion et en paiement de redevances et de dommages-intérêts.

Le tribunal a jugé irrecevable, au titre de la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil car l'empiètement dénoncé est invoqué à titre de grief dans le cadre d'une action en résiliation de bail et non dans le cadre d'une action en revendication immobilière.

 La Cour d’appel (Cour d'appel, Aix-en-Provence, 1re et 5e chambres réunies, 3 juin 2021 – n° 20/01746), rejeta la demande tendant l’octroi de dommages-intérêts au motif que le point de départ de la prescription de l'article 2224 susvisé est la date à laquelle la partie qui s'en prévaut, a connu ou aurait dû connaître le manquement qu'elle dénonce et non la date de cessation du manquement dénoncé.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi au motif « que l'empiétement dénoncé par la SCI était invoqué au titre d'un manquement contractuel du preneur à ses obligations issues du bail emphytéotique conclu le 25 septembre 1963 et modifié par avenant du 6 novembre 1978, la cour d'appel a exactement retenu que cette action en responsabilité contractuelle était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit à la date de la connaissance de l'empiétement et non à celle de la cessation de celui-ci.

Ayant constaté que la SCI connaissait l'existence de l'empiétement au moins depuis le 22 avril 2008, date à laquelle elle avait assigné en référé la société Provençale d'investissements, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'action exercée le 3 septembre 2018 était prescrite. »

Il convient donc d’être particulièrement vigilant quant au fondement invoqué ! En effet, la SCI ne dénonçait l'empiètement qu'au titre d'un manquement commis par son preneur dans le cadre du bail emphytéotique et sollicitait la résiliation du bail pour ce manquement en se référant à l'article L451-5 du bail rural, de sorte que les juges ont analysé son action comme une action personnelle et mobilière se prescrivant par 5 ans en vertu de l'article 2224 du Code civil !

De sorte que, l’action est nécessairement encadrée dans un délai de 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit en l’espèce, à la date de la connaissance de l'empiétement et non à celle de la cessation de celui-ci, or en se fondant sur une action réelle immobilière, le droit de propriété est imprescriptible et cette action est alors soumise à un délai de prescription de 30 ans (article 2227 du Code civil) ! 


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Karen VIEIRA

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