L’application du principe « silence vaut acceptation » aux collectivités locales

L’application du principe « silence vaut acceptation » aux collectivités locales

Publié le : 05/01/2016 05 janvier janv. 01 2016

Aux termes de la loi n°2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, le silence gardé par l’administration pendant deux mois sur une demande vaut désormais acceptation.Ce principe, applicable depuis le 12 novembre 2014 aux administrations de l’État et de ses établissements publics, s’impose désormais également aux collectivités territoriales, depuis le 12 novembre 2015. De nombreuses exceptions sont toutefois prévues.


Des listes de cas dans lesquels silence vaut toujours rejet
► Les décisions non soumises au principe par leur nature :

L’article 21 de la loi de 2013 prévoyait déjà que, d’une manière générale, le silence gardé pendant deux mois valait toujours décision de rejet dans le cas de demandes qui:

- tendent à l’adoption d’une décision non individuelle ou règlementaire : La réforme porte en effet sur les décisions rendues par l’administration mais exclut, par exemple, les renseignements et informations fournis sur la demande d’un administré;

- présentent le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif : Ainsi, le seul silence gardé par l’Administration sur un recours administratif (qu’il soit obligatoire ou non, gracieux ou hiérarchique) ne pourra signifier son acceptation ;

- ne s’inscrivent pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou règlementaire : Le législateur a ici eu pour objectif d’éviter la naissance de décisions implicites d’acceptation sur des demandes fantaisistes ou de pur confort ;

- présentent un caractère financier : Ainsi, les demandes tendant directement à faire naître une dette, une créance, ou à modifier leur montant – à titre d’exemple, une demande indemnitaire, tendant à l’allongement d’un délai de paiement, à une remise de dette, à la délivrance d’une aide ou d‘une subvention – ne peuvent être accueillies qu’explicitement;

- s’inscrivent dans le cadre des relations entre les autorités administratives et leurs agents : Il convient de préciser que, cette exception ne visant que les relations entre un agent et son administration d’emploi, les procédures de recrutement n’entrent pas dans le champ d’application de cette exception.


► Les exceptions prévues par décret :

Deux décrets (n°2015-1459 et n°2015-1461) entrés en vigueur le 12 novembre 2015 établissent à leur tour plusieurs listes de cas précis dans lesquels le silence gardé par les collectivités locales et leurs établissements publics continuera de valoir rejet.

Ainsi, 44 exceptions sont mentionnées par le décret n°2015-1459, lesquelles se rattachent à des domaines variés de compétences des collectivités territoriales. Sont par exemple exclus du principe instauré par la loi du 12 novembre 2013 :

- Les autorisations d'utilisation des locaux communaux par des associations, syndicats ou partis politiques;

- Les autorisations de rejet d’eaux usées ;

- Les agréments à l’adoption - pour lesquels le délai antérieur d’instruction de 9 mois est maintenu;

- Les autorisations d’utilisation des locaux scolaires ;

- Les permissions de voirie ;

- Les différentes décisions relatives au droit funéraire – demandes d’inhumations, d’exhumations et de crémations;

- Les autorisations d’occupation du domaine public.


Le décret n°2015-1461, lui, prévoit 40 exceptions et notamment :

- Certaines décisions relatives aux services sociaux et médico-sociaux ;

- Les décisions relatives à la communication d’archives publiques ou privées ;

- Les délivrances de permis de construire, d’aménager ou de démolir, en site classé ou en instance de classement.

Des délais aménagés
Pour certains types de décisions – au nombre de 23 – le silence gardé par une collectivité territoriale ou l’un de ses établissements publics sur une demande ne vaudra décision d’acceptation qu’au terme d’un délai différent de celui de deux mois prévu par les dispositions de la loi de 2013.

Le décret n°2015-1460 précise ainsi que, pour des motifs tenant à l’urgence ou à la complexité de la procédure, seront réputées avoir été acceptées à l’expiration d’un délai de trois mois les demandes concernant la plupart des décisions relatives à la gestion du personnel des établissements et services d'accueil d'enfants de moins de six ans.


Le maintien des règle antérieures relatives au silence valant acceptation
Une circulaire en date du 12 novembre 2014 précise par ailleurs que les textes et règles jurisprudentielles qui régissaient les procédures dans lesquelles le silence valait déjà acceptation demeurent en vigueur. Ainsi :

Lorsque l’administration a notifié au demandeur une décision expresse de rejet postérieurement à la date de naissance d’une décision implicite, ce rejet s’analyse comme une décision de retrait (CE 30 mai 2007 n°28819 SCI AGYR). Or, les décisions implicites d’acceptation ne peuvent être retirées que pour illégalité et pendant un délai de deux mois à compter de leur naissance – et doivent par ailleurs être motivées si la décision implicite d’acceptation était créatrice de droits, en application des dispositions de l’article 23 de la loi du 12 avril 2000 ;

Le délai ne commence à courir qu’à la réception de la demande par l’autorité compétente, lorsque le dossier de demande est considéré comme étant complet. Si l’Administration informe le demandeur qu’il n’a pas fourni l’ensemble des informations ou pièces exigés, le délai ne commencera à courir qu’à compter de la réception des éléments complémentaires.

***

Selon le gouvernement, le principe du « silence vaut acceptation » devrait finalement concerner 260 procédures applicables aux collectivités territoriales, soit environ 70% des procédures éligibles.

Au total, 42 décrets avaient été rendus nécessaires pour aménager l’application du principe selon lequel « silence vaut acceptation » à l’Etat et ses établissements publics. A ce jour, trois décrets sont intervenus pour l’application du principe aux collectivités locales (n°2015-1459, n°2015-1460 et n°2015-1461), ainsi que quatre pour les organismes chargés d’une mission de service public (n°2015-1451 et n°2015-1452) et pour les autorités publiques indépendantes (n°2015-1454 et n°2015-1455).

Au travers des innombrables aménagements dont ce principe fait l’objet, on ne peut s’empêcher de constater que la lisibilité de la réforme se trouve fortement entachée.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © laurent hamels - Fotolia.com

Auteur

GEISSMANN Hélène

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