Divorce d’un couple binational ou le casse-tête des divorces internationaux

Divorce d’un couple binational ou le casse-tête des divorces internationaux

Publié le : 19/03/2014 19 mars mars 03 2014

Quel est le tribunal compétent ? Quel est le droit applicable ? Depuis le règlement dit « Rome III », les époux peuvent choisir le droit applicable à leur divorce pour toute action engagée à compter du 21 juin 2012.

Petit cas pratique :

Madame est française, Monsieur est belge. Ils se sont mariés en France.

Ils ont deux enfants majeurs et habitent en Espagne.

Ils souhaitent aujourd’hui divorcer.

Nous sommes dans un cas de divorce international pur et dur !

Un divorce est effectivement considéré comme international lorsque :
 
  • les époux sont tous deux français mais vivent à l'étranger,
  • les époux sont de nationalité étrangère mais vivent en France,
  • un seul des époux est français, mais tous deux vivent en France,
  • un seul des époux est français mais tous deux vivent à l’étranger,
  • les époux sont des ressortissants de l'Union Européenne….
Dans ce genre d’hypothèse, deux problèmes se posent :

- le juge compétent (A)
- la loi applicable (B)

Toutefois, depuis le règlement dit « Rome III » (1), les époux peuvent choisir le droit applicable à leur divorce pour toute action engagée à compter du 21 juin 2012 (art. 18).

A défaut d’accord entre les parties, le débat se corse et seuls des avocats avisés pourront aider les époux à divorcer en appliquant les règles de droit international pertinentes !

A) La détermination du tribunal compétent

Pour déterminer le tribunal compétent, il convient de se référer au Règlement dit « Bruxelles II Bis » (2) qui prime sur le droit national.

Au regard de l’article 3 de ce règlement, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, les juridictions de l’Etat membre :

a) sur le territoire duquel se trouve :

  • la résidence habituelle des époux, ou
  • la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou
  • la résidence habituelle du défendeur, ou
  • en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux, ou
  • la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou
la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son "domicile";

b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du "domicile" commun.

Les chefs de compétence sont mis sur le même plan : ce sont des chefs de compétence alternatifs et il n’y a aucune hiérarchie entre eux.

Si les juridictions françaises ne sont pas compétentes au regard de cet article, il convient de vérifier si la juridiction d’un autre Etat Membre n’est pas compétente.

C’est seulement dans l’hypothèse où la juridiction d’un autre Etat membre n’est pas compétente, qu’il sera alors possible de se référer au droit national (à savoir les critères retenus par l’article 1070 du Code de procédure civile et, subsidiairement, le privilège de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil).


Que faire si un autre tribunal est saisi ?

Nous sommes dans un cas dit de litispendance régi par l’article 19 du règlement II Bis :

« 1. Lorsque des demandes en divorce, en séparation de corps ou en annulation du mariage sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie.

(…)

3. Lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci. ».
 

B) La détermination du droit applicable

1) Le droit applicable au divorce

Pour déterminer le droit applicable au divorce, il convient de se référer au Règlement dit « Rome III » (3).

Ce règlement a une application universelle : la loi désignée par les époux sera applicable même si celle-ci est issue d’un Etat non participant (Article 4).

En revanche, ce règlement ne s’applique qu’aux cas de divorce et de séparation de corps.

Il ne s’applique pas aux autres cas tels que le nom des époux ou encore, les effets patrimoniaux du mariage; la responsabilité parentale; les obligations alimentaires… (Article premier).

Sachez-le ! Désormais, depuis l'entrée en vigueur du règlement ; il est possible de choisir le droit applicable en cas de séparation de corps ou divorce.

En revanche, seuls les choix suivants sont possibles (article 5) :
 
  • Loi de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention.
  • Loi de la dernière résidence habituelle des époux pourvu que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention.
  • Loi nationale de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention.
  • Loi du for (loi du lieu où la juridiction a été saisie).
Le choix peut être effectué avant la saisine du juge du divorce et même en cours de procédure de divorce si la loi du for le permet.

Sinon, à défaut d’accord entre les parties, le juge appliquera la loi (article 8) :

« a) de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
b) de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
c) de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
d) dont la juridiction est saisie.
»
 

2) Le droit applicable en matière de prestation compensatoire

Aux termes de l’article 15 du règlement (CE) du Conseil n° 4/2009 du 18 décembre 2008, la loi applicable en matière d’obligations alimentaires est déterminée conformément au Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 pour les Etats membres liés par cet instrument, dont la France.
Aux termes de l’article 3 du Protocole de La Haye du 23 novembre 2007, sauf disposition contraire du Protocole, la loi de l’État de la résidence habituelle du créancier régit les obligations alimentaires.

Cependant, aux termes de l’article 5 du Protocole, en ce qui concerne les obligations alimentaires entre des époux, l’article 3 ne s’applique pas lorsque l’une des parties s’y oppose et que la loi d’un autre État, en particulier l’État de leur dernière résidence habituelle commune, présente un lien plus étroit avec le mariage.
 

3) Le droit applicable au régime matrimonial

En droit international privé français, la détermination de la loi applicable en matière de régime matrimonial dépend de la date du mariage.

En effet, le régime matrimonial des époux mariés avant le 1er septembre 1992, date d'entrée en vigueur de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, est déterminé par les règles du droit commun. Les époux mariés après le 1er septembre 1992 sont soumis au droit conventionnel.

- Si les règlements précités ont pour avantage d’harmoniser le droit international privé du divorce au sein de l’Union Européenne et de simplifier les procédures, il n’en demeure pas moins que les règles précitées peuvent devenir un véritable casse-tête !

- Il convient donc de faire appel à des avocats particulièrement chevronnés dans le domaine !


Index:
(1) Le Règlement (UE) n°1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (Règlement Rome III)
(2) Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000
(3) Règlement n°1259/2010 du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (Règlement Rome III)





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Richard Villalon - Fotolia.com

Auteur

Jean-David GUEDJ
Avocat Associé
Jean-David GUEDJ & Associés
PARIS (75)
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