Etat d'urgence sanitaire : quelles règles sont applicables aux entreprises en difficulté ?
Publié le :
02/07/2020
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Le droit des entreprises en difficulté est temporairement impacté par une série d’ordonnances prises par le Gouvernement suivant la loi d’habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020, laquelle lui permet de prendre dans un délai de trois mois à compter de sa publication toute mesure visant, notamment, à adapter les dispositions du livre VI du Code de commerce et celles du chapitre Ier du titre V du livre III du Code rural et de la pêche maritime, afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations.
- l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale ;
- l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
- l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale.
I. Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale
L’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 adapte de manière temporaire les procédures de traitement des difficultés des entreprises au regard de l’état d’urgence sanitaire actuel (ci-après « l’Etat d’Urgence »).La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 appelée loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit en son article 4 que la durée était de deux mois, et que l’Etat d’Urgence expirait donc le 23 mai 2020. Cette durée a été prolongée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, qui prévoit en son article 1er que l’Etat d’Urgence « est prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus ».
Par ailleurs, l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 est venue préciser et compléter l’ordonnance du 27 mars n° 2020-341, avec une précision importante : les références à l’état d’urgence sanitaire ont été remplacées par des dates fixes.
Cette ordonnance est importante car elle clarifie le droit transitoire mais pas seulement : elle modifie également le livre VI du code de commerce par des mesures applicables jusqu’au 31 décembre 2020 voire jusqu’en juillet 2021 / transposition de la directive Insolvabilité.
L’ordonnance du 27 mars 2020 avait prévu que certaines dispositions seraient applicables jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire + 3 mois (article 1 de l’ordonnance) et que d’autres le seraient jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois (article 2 de l’ordonnance).
Compte tenu de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020, cela aboutissait à envisager l’application de ces dispositions jusqu’au 10 octobre 2020 (article 1 de l’ordonnance) ou 10 août 2020 (article 2 de l’ordonnance). Pour remédier à cette situation, l’ordonnance du 20 mai 2020 déconnecte ces délais de l’état d’urgence sanitaire.
- Les dispositions de l’ordonnance du 27 mars 2020 qui avaient vocation à s’appliquer jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire majoré de 3 mois s’appliqueront jusqu’au 23 août 2020 inclus,
- Les dispositions de l’ordonnance du 27 mars 2020 qui avaient vocation à s’appliquer jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire majoré de 1 mois s’appliqueront jusqu’au 23 juin 2020 inclus.
- pour les mesures dont la durée était prolongée de l’état d’urgence sanitaire + 3 mois (article 1 de l’ordonnance du 27 mars 2020), ce terme a été remplacé par « une durée de cinq mois »
- pour les mesures dont la durée était prolongée de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois (article 2 de l’ordonnance du 27 mars 2020), ce terme a été remplacé par « une durée de trois mois »
La date d’appréciation de l’état de cessation des paiements est figée au 12 mars 2020 (I), les délais de procédure et plans sont prolongés (II), de même que certaines modalités de la garantie AGS sont modifiées (III). Enfin, certaines règles de procédure sont adaptées (IV) afin de tenir compte de l’Etat d’Urgence actuel.
A. Cristallisation de la date d’appréciation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020 (Article Ier, I,1e de l’ordonnance du 27 mars 2020 et article 9 de l’ordonnance du 20 mai 2020)
L’article 1er, I, 1e de l’ordonnance du 27 mars 2020 « fige » la date d’appréciation de l’état de cessation des paiements d’une entreprise au 12 mars 2020 et ce jusqu’au 23 août inclus.
Concrètement une entreprise dont l’état de cessation des paiements se déclare à compter du 13 mars 2020 et jusqu’au 23 août 2020 inclus ne sera pas considérée comme étant en état de cessation des paiements puisque sa situation sera appréciée au 12 mars 2020 (1) .
Il est cependant possible de « renoncer » au bénéfice de cette disposition et solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement/liquidation judiciaire en se fondant sur la situation financière « réelle à date » de l’entreprise.
L’intérêt principal de cette disposition est de (i) permettre un accès plus souple aux procédures de conciliation et de sauvegarde et (ii) protéger le chef d’entreprise d’une sanction en cas de déclaration tardive de l’état de cessation des paiements.
(i) Un accès plus souple aux procédures de conciliation et de sauvegarde judiciaire
Procédure de sauvegarde
La procédure de sauvegarde est instituée au bénéfice des entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements (2) . L’Article Ier, I de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 actualisé par l’Article 9 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 permet à une entreprise qui n’était pas en état de cessation des paiements le 12 mars 2020 de solliciter jusqu’au 23 août 2020 inclus, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde et ce, quand bien même elle se trouverait en pratique en état de cessation des paiements à compter du 13 mars 2020.
Ex. une entreprise en état de cessation des paiements au 2 avril 2020 pourra bénéficier d’une procédure de sauvegarde si celle-ci n’était pas en état de cessation des paiements au 12 mars 2020.
Procédure de conciliation
La procédure de conciliation est une procédure amiable que seules peuvent solliciter les entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours (3) . L’Article Ier, I de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 actualisé par l’Article 9 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, permet ainsi, en l’absence d’état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours à la date du 12 mars 2020 et même si après cette date l’entreprise se trouve en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours, de solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation, jusqu’au 23 août inclus.
Ex. une entreprise en état de cessation des paiements depuis le 2 mars 2020 (10 jours avant le 12 mars 2020) pourra solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation jusqu’au 23 août inclus. A l’inverse, les entreprises en état de cessation des paiements antérieurement au 27 janvier 2020 (soit plus de 45 jours avant le 12 mars 2020) ne pourront pas bénéficier d’une procédure de conciliation.
(ii) Protection du chef d’entreprise
Une lecture combinée de l’ordonnance n° 2020-341 « procédures collectives » du 27 mars 2020 avec l’ordonnance n° 2020-306 « délais » du 25 mars 2020, actualisée par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 protège le chef d’entreprise de sanctions éventuelles en cas de déclaration tardive de l’état de cessation des paiements.
L'ordonnance « délais » du 25 mars 2020 n° 2020-306 prévoit que les actes prescrits par la loi, à peine notamment de sanctions (comme l'obligation de déclarer l'état de cessation des paiements) devant être accomplis durant la période dite de « protection juridique » soit du 23 mars 2020 au 23 juin inclus, seront réputés avoir été faits dans les délais légaux, s'ils sont réalisés dans le délai légal à compter du 23 juin 2020 inclus. Le chef d'entreprise sera donc protégé d’une éventuelle sanction pour manquement à l’obligation de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours si ce dernier déclare l’état de cessation des paiements avant le 8 août 2020 (4) .
B. Prolongation de certains délais de procédure
(i) Prolongation de la durée de la procédure de conciliation (Article 1er, II de l’ordonnance du 27 mars 2020 et Article 9 de l’ordonnance du 20 mai 2020)
La procédure de conciliation, en principe ouverte pour une durée de 4 mois (5) renouvelable 1 mois, est prolongée de plein droit pour une durée de 5 mois. Sa durée pourra donc atteindre 10 mois. Cette prolongation s’applique à toutes les procédures en cours au 23 mars 2020 ou aux procédures ouvertes entre le 23 mars 2020 et le 23 août inclus, ce qu’a expressément confirmé la circulaire du 30 mars 2020 de présentation des articles 1er, 2, 3 et 5 de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020.
Ex. une procédure de conciliation ouverte le 1er mars 2020 pour une durée de 4 mois et devant prendre fin le 1er juillet 2020 sera prolongée de plein droit jusqu’au 1 er décembre 2020, portant ainsi la durée totale de la procédure de conciliation à 9 mois.
Ex. une procédure de conciliation ouverte le 28 avril 2020 pour une durée de 4 mois soit jusqu’au 28 août 2020 sera prolongée jusqu’au 28 janvier 2021. Aussi, il est possible en cas de procédure de conciliation n’ayant pas abouti, d’ouvrir une seconde procédure de conciliation sans respecter le délai de carence de 3 mois.
Ex. si une entreprise a été soumise à une procédure de conciliation ayant pris fin le 1er mars 2020 sans aboutir à un accord, celle-ci peut solliciter l’ouverture d’une nouvelle procédure de conciliation sans respecter le délai de carence de 3 mois dès le 23 mars 2020 et jusqu’au 23 août 2020 inclus.
En revanche, aucune disposition spécifique n’a été prévue en matière de mandat ad hoc, sans doute parce que cette procédure n’est enfermée dans aucun délai maximum particulier. En conséquence, le mandataire ad hoc sera contraint de solliciter sur requête la prolongation de la procédure le cas échéant.
(ii) Prolongation de durée de la période d’observation / poursuite d’activité en liquidation judiciaire / liquidation judiciaire simplifiée (Article 1er, IV et Article 2, II de l’ordonnance du 27 mars 2020 et Article 9 de l’ordonnance du 20 mai 2020)
Les périodes d’observation et poursuites d’activité en liquidation judiciaire dont l’échéance intervient pendant la période « protection juridique » soit entre le 23 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, sont prolongées de plein droit pour une durée de 3 mois. Ex. une procédure de redressement judiciaire dont le terme de la période d’observation interviendrait le 12 avril 2020 sera prolongée jusqu’au 12 juillet 2020.
(iii) Prolongation générale des délais de procédure pour les mandataires de justice (Article 1er, IV de l’ordonnance du 27 mars 2020 et Article 9 de l’ordonnance du 20 mai 2020)
Le Président du Tribunal a la faculté de prolonger les délais de procédure du Livre VI du Code de commerce imposés à l’Administrateur Judiciaire, au Mandataire Judiciaire, au Liquidateur ou au Commissaire à l’exécution du plan, pour une durée de 5 mois.
(iv) Prolongation de la durée des plans de sauvegarde et de redressement judiciaire (Article 1er III, Article 2 II de l’ordonnance du 27 mars 2020 et Article 9 de l’ordonnance du 20 mai 2020)
Les possibilités de report d’échéance/prolongation des plans obéissent à un mécanisme à trois « paliers » suivant la période visée par les dispositions de l’ordonnance.
- Période 1 (Article 2 II): report d’échéance de plein droit pour les plans dont l’échéance intervient pendant la période de « protection juridique » soit entre le 23 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. Ainsi, les plans de sauvegarde et de redressement judiciaire dont une échéance intervient entre le 23 mars 2020 et le 23 juin 2020 (Période 1) sont prolongés de plein droit pour une durée de 3 mois. Ex. une échéance de plan intervenant le 1er avril 2020 sera reportée au 1er juillet 2020.
- Période 2 (Article 1er III 1°) : Prolongation des plans sur requête du Commissaire à l’exécution du Plan ou du Ministère Public par le Président du Tribunal entre le 23 mars et le 23 août 2020 inclus
- Requête du Commissaire à l’exécution du plan Le Président du Tribunal peut, sur requête du Commissaire à l’exécution du plan, prolonger les plans dans la limite d’une durée de 5 mois. Ex. un plan de sauvegarde dont l’échéance annuelle intervient le 4 mai 2020 sera de plein droit reportée jusqu’au 4 août 2020 et sur requête du Commissaire à l’exécution du plan pourra être prorogé pour une durée de 5 mois soit jusqu’au 4 janvier 2021, augmentant ainsi la durée totale du plan de 8 mois, sans qu’il soit nécessaire de saisir le Tribunal aux fins d’une modification du plan.
- Requête du Ministère Public Le Président du Tribunal peut, sur requête du Ministère Public, prolonger les plans pour une durée maximale d’un an.
- Période 3 (Article 1er III 2°) : Prolongation du plan sur requête du Commissaire à l’exécution du plan ou du Ministère Public par le Tribunal entre le 24 août 2020 et le 23 février 2021
- Requête du Commissaire à l’exécution du plan ou du Ministère Public Le Tribunal peut, à la demande du Ministère Public ou du Commissaire à l’exécution du plan, prolonger le plan pour une durée maximale d’un an.
Ex. un plan de sauvegarde dont l’échéance annuelle intervient le 4 mai 2020 sera de plein droit reportée au 4 août 2020 et sur requête du Commissaire à l’exécution du plan pourra être prorogée pour une durée de 5 mois soit jusqu’au 4 janvier 2021, puis sur nouvelle requête du Commissaire à l’exécution du plan pour une durée d’un an soit jusqu’au 4 janvier 2022. Ainsi et suivant la période à laquelle la décision de prolongation doit être prise, la compétence pour statuer revient soit au Président du Tribunal (Période 2 du 23 mars au 23 août 2020 inclus) soit au Tribunal (Période 3 du 24 août 2020 au 24 février 2021).
Aussi, la circulaire du 30 mars 2020 de présentation des articles 1er, 2, 3 et 5 de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, est venue préciser que les prolongations de plan prévues par les textes « justifieront, le cas échéant, un rééchelonnement des échéances prévues par le plan exigibles après la date de la décision ou après le 12 mars ». Il en résulte que, suivant l’appréciation du juge, un rééchelonnement du plan dans son ensemble pourra être ordonné. Cette circulaire ne précise pas si ce rééchelonnement concerne également le report d’échéance de plein droit visée à la période de « protection juridique » (Période 1). Selon nous, un rééchelonnement concernant la Période 1 ne devrait pas s’appliquer dès lors que la Formulation « le cas échéant » de la circulaire du 30 mars 2020 indique que l’opportunité de ce rééchelonnement devra être appréciée par le juge, ce qui implique qu’un juge soit saisi pour statuer sur ce rééchelonnement, ce qui n’est pas le cas en Période 1 puisque le report d’échéance s’effectue de plein droit.
Enfin la circulaire du 30 mars 2020 précise que ces dispositions doivent être interprétées de manière stricte :
« Ces dérogations, justifiées par l’urgence et le risque d’engorgement des juridictions, doivent être d’interprétation stricte, même si le texte de l’ordonnance permet une application cumulative, et être mises en œuvre avec prudence. Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 626-26 demeurent applicables. Ainsi, c’est à titre tout à fait exceptionnel que des délais pourraient être accordés par le président, puis, la situation de l’entreprise ou de l’exploitation
s’étant encore aggravée, de nouveau par le tribunal. »
En d’autres termes et au-delà des possibilités de prolongation des plans offertes par l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, il sera toujours possible de solliciter une modification du plan dans les conditions classiques de l’article L.626-26 du Code de commerce (6)
.
(v) Prolongation générale des délais de procédure pour les mandataires de justice
(Article 1er, IV de l’ordonnance du 27 mars 2020 et Article 9 de l’ordonnance du 20 mai 2020) Le Président du Tribunal a la faculté de prolonger les délais de procédure du Livre VI du Code de commerce imposés à l’Administrateur Judiciaire, au Mandataire Judiciaire, au Liquidateur ou au Commissaire à l’exécution du plan, pour une durée de 5 mois.
C. Modification des règles applicables en matière de prise en charge par les AGS
(i) Périodes garantiesDurant la période de « protection juridique » soit entre le 23 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, les périodes de couverture des créances salariales par l'AGS sont prolongées en cohérence avec les prolongations des durées des périodes d'observation, des plans, des périodes de poursuite d'activité en liquidation judiciaire, et des périodes de liquidation judiciaire simplifiée, soit pour une durée de 3 mois.
En effet et en principe le 2° de l’article L. 3253-8 du Code du travail subordonne la garantie de l’AGS au respect de délais stricts pour la rupture des contrats de travail :
- dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession;
- dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation, et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et ;
- dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité. Le 2° du II de l’article 2 de l’ordonnance du 27 mars 2020 prolonge ces délais. Ainsi, si la rupture du contrat de travail d’un salarié intervient plus de quinze après le jugement qui prononce la liquidation judiciaire mais avant l’expiration du délai correspondant à la durée de la période de « protection juridique », les indemnités de rupture pourront être prises en charge par l’AGS, et la limite de 45 jours prévue au 5° sera portée à une durée de trois mois incluant ladite période. ex. dans le cas d’une liquidation judiciaire prononcée le 15 avril 2020 le liquidateur judiciaire pourra licencier les salariés jusqu’au 15 juillet 2020 sans que ce report ne préjudicie aux salariés au regard des plafonds de garantie AGS.
(ii) Réduction des délais permettant la prise en charge des créances salariales par l'AGS (article 1er, I, 2 de l’ordonnance du 27 mars 2020 et Article 9 de l’ordonnance du 20 mai 2020)
Les relevés de créances salariales seront transmis par le Mandataire Judiciaire à l’AGS « sans délai », et ce jusqu’au 23 août inclus. Le Mandataire Judiciaire n’est pas tenu de soumettre au préalable ce relevé au représentant des salariés ni de le faire viser par le Juge-commissaire (ce relevé sera visé ultérieurement).
D. Adaptation de certaines règles de procédure et de communication avec les tribunaux (Article 2, I de l’ordonnance du 27 mars 2020 et Article 9 de l’ordonnance du 20 mai 2020)
Durant la période de « protection juridique » soit du 23 mars au 23 juin 2020 inclus, certaines règles de procédure seront adaptées au contexte sanitaire actuel.(i) Audience intermédiaire en redressement judiciaire
L’audience dite « intermédiaire » prévue par l’article L 631-15, I du Code de commerce dans les deux mois suivant l’ouverture de la procédure devant le Tribunal aux fins d'ordonner la poursuite de la période d'observation n'est plus applicable, et est donc purement et simplement supprimée.
(ii) Saisine du Tribunal
La saisine par le débiteur du Tribunal ou de la juridiction du Président s’effectue par acte remis au greffe, accompagné d’une attestation mentionnant qu'il ne se présentera pas à l'audience et qu'il formulera ses prétentions et moyens par écrit (article 441-6 du Code de procédure civile).
(iii) Communication avec le Greffe
Les communications entre le Greffe du Tribunal, l’Administrateur Judiciaire et le Mandataire Judiciaire, mais aussi entre les organes de la procédure, s’effectuent par tout moyen.
II. Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période
L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 prévoit que les actes prescrits par la loi ou le règlement et qui devaient être accomplis pendant la période de « protection juridique » soit jusqu’au 23 juin 2020 inclus, pourront être réalisés dans un délai de deux mois après l’expiration de la période « juridiquement protégée » soit jusqu’au 23 août 2020 inclus. Cette ordonnance impacte un certain nombre de délais en procédures collectives et notamment (A) le délai de déclaration de créance et (B) le délai de revendication.
A. Le délai de déclaration de créance
Ce délai est prévu à peine de forclusion par l’article L. 622-24 du Code de commerce et précisé par l’article R. 622-24 du même code. Il est de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. ex. si un créancier devait déclarer sa créance au passif d’une procédure de redressement judiciaire avant le 15 avril 2020, le créancier pourra déclarer sa créance jusqu’au 23 août 2020 inclus.La circulaire du 30 mars 2020 précise néanmoins qu’à l’inverse, si le délai de déclaration commence à courir après la période « juridiquement protégée », soit après le 23 juin 2020, et même si la publication concerne un jugement rendu pendant cette période, le créancier ne bénéficiera pas d’une quelconque suspension ou interruption des délais que l’ordonnance n’institue aucunement.
B. Le délai de revendication des biens meubles
Le délai de 3 mois pour revendiquer les meubles, prévu par l’article L. 624-9 du code de commerce, entre également dans le champ d’application de l’article 2 de l’ordonnance 2020-306. Si ce délai expire entre le 12 mars 2020 et l’expiration de la période de « protection juridique » soit entre le 23 mars et le 23 juin 2020 inclus, la revendication devra se faire avant l’expiration du délai de deux mois suivant la fin de cette période, soit avant le 23 août 2020 inclus. ex. dans le cas de la publication au BODACC d’un jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire le 20 février 2020, le délai de revendication aurait expiré le 20 avril 2020 soit pendant la période « de protection juridique », et sera donc prorogé jusqu’au 23 août 2020 inclus. ex. à l’inverse, dans le cas de la publication au BODACC d’un jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire le 20 avril 2020, le délai de revendication devrait expirer le 20 juillet 2020, soit après la période « de protection juridique » et ne sera donc pas prorogé au-delà de cette date.La circulaire du 30 mars 2020 précise par ailleurs que si le délai d’un mois prévu à l’alinéa 2 de l’article R.624-137 du Code de commerce (délai de réponse de l’Administrateur Judiciaire à la demande de revendication d’un bien), expirait pendant la période de « protection juridique », ce délai, avant l’expiration duquel le vendeur doit, à peine de forclusion, saisir le juge-commissaire de la revendication des marchandises expédiées au débiteur, court à compter de la fin de la période juridiquement protégée. ex. dans le cas de la publication au BODACC d’un jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire le 20 février 2020 et d’une revendication en date du 20 mars 2020, le délai de réponse de l’Administrateur Judiciaire aurait expiré le 20 avril 2020.
En principe, cette date aurait fait courir un délai d’un mois pour saisir le juge-commissaire mais ce délai d’un mois ne commencera à courir qu’à compter de la fin de la période de « protection juridique » soit à compter du 23 juin 2020, de sorte que le créancier revendiquant pourra saisir le Juge commissaire jusqu’au 23 juillet 2020.
III. Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale
L’article 2 de cette ordonnance rend applicable aux délais de procédure devant les juridictions statuant en matière non pénale le report des délais prévu par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020- 306 (cf.II).
A. Transfert de compétence territoriale
L’article 3 de l’ordonnance n° 2020-304 concerne la situation d’une juridiction qui se trouve dans l’incapacité totale ou partielle de fonctionner. Elle permet de transférer la compétence territoriale d’une juridiction à une autre juridiction de la même cour d’appel. La circulaire du 30 mars 2020 précise que cette possibilité de transfert ne doit pas être confondue avec celle prévue par l’article L. 662-2 du Code de commerce, qui permet, si les intérêts en présence le justifient, le renvoi de l’affaire devant une autre juridiction.B. Audiences
(i) Renvois
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-304 prévoit que : « Lorsqu'une audience ou une audition est supprimée, si les parties sont assistées ou représentées par un avocat ou lorsqu'elles ont consenti à la réception des actes sur le « Portail du justiciable » du ministère de la justice conformément à l'article 748-8 du code de procédure civile, le greffe avise les parties du renvoi de l'affaire ou de l'audition par tout moyen, notamment électronique.
Dans les autres cas, il les en avise par tout moyen, notamment par lettre simple. Si le défendeur ne comparaît pas à l'audience à laquelle l'affaire est renvoyée et n'a pas été cité à personne, la décision est rendue par défaut. »
La circulaire du 30 mars 2020 précise que « l’application de cet article doit être coordonnée avec les dispositions relatives à la durée de la période d’observation » sans pour autant préciser la coordination à laquelle elle fait référence. Nous pouvons supposer que les audiences de la période d’observation, notamment l’audience intermédiaire prévue par l’article L.631-15, I du Code de commerce pourra être renvoyée à une date ultérieure suivant les modes de communications prévus par l’article 4 de l’ordonnance n° 2020- 304.
La circulaire du 30 mars 2020 précise également que lorsqu’une décision sera rendue par défaut, « le défendeur pourra exercer un recours sous forme d’opposition. Dans ce cas, les restrictions à l’exercice des voies de recours du titre VI du livre VI du code de commerce devraient être écartées. Il convient, notamment en cas d’ouverture d’une procédure non demandée par le débiteur lui-même, de prendre en considération cette dérogation, alors que le principe demeure celui de l’exécution provisoire pour les jugements mentionnés à l’article R. 661-1 du code de commerce. »
(ii) Composition du Tribunal
L’article 5 de l’ordonnance n° 2020-304 permet, même en matière de procédures collectives, la tenue d’audiences soit en juge unique, soit, s’agissant du tribunal de commerce, devant un juge chargé de rapporter l’affaire. La décision est prise par le Président du tribunal.
(iii) Moyens de communication audiovisuels
L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-304 permet de tenir toutes les audiences grâce à un moyen de communication audiovisuel, et, le cas échéant, par tout moyen de communication électronique. Il s’applique aux audiences de procédures collectives. Il ne dispense pas du respect des obligations de consultation et des auditions prévues par le livre VI du Code de commerce, par ces mêmes moyens.
Index:
1 L'Ordonnance Entreprises en Difficulté précise enfin que l'appréciation de la date de cessation des paiements au 12 mars 2020 ne fera pas obstacle à la possibilité de solliciter le report de cette date, dans les conditions de l'article L. 631-8 du Code de commerce ou encore en cas de fraude.
2 Article L.621-2 du Code de commerce
3 Article L.611-4 du Code de commerce
4 10 août 2020 + 45 jours soit le 24 septembre 2020.
5 Conformément aux dispositions de l'article L. 611-6 du Code de commerce,
6 Article L.626-26 du Code de commerce : « une modification substantielle dans les objectifs ou les moyens du plan ne peut être décidée que par le tribunal, à la demande du débiteur et sur le rapport du commissaire à l'exécution du plan. Lorsque la situation du débiteur permet une modification substantielle du plan au profit des créanciers, la saisine du tribunal peut émaner du commissaire à l'exécution du plan. L'article L. 626-6 est applicable .Le tribunal statue après avoir recueilli l'avis du ministère public et avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan, les contrôleurs, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et toute personne intéressée. »
7 Article R.624-13 du Code de commerce « la demande en revendication d'un bien est adressée dans le délai prévu à l'article L. 624-9 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur s'il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire. A défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse. »
Cet article n'engage que ses auteurs.
Auteurs
Margaux DELACHAUX
Angélique Gallopin
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