Brevet invention

Nouveauté en matière de brevet français : Instauration d’une procédure d’opposition devant l’INPI

Publié le : 25/05/2020 25 mai mai 05 2020


En matière de Propriété industrielle, les instigateurs de la loi PACTE[1] affichaient la volonté de :
 
  • Renforcer la valeur du brevet français, davantage sujet à des annulations que le brevet européen, et donc son attractivité.
  • Adapter le système de propriété industrielle aux nouvelles pratiques économiques (avec la volonté de permettre aux PME l’accès à des formes de protection alternatives à des titres requérant des investissements coûteux).
  • Offrir aux entreprises des voies d’accès plus souples en matière d’accès à une protection mais également en matière de contestation des titres de propriété industrielle.
La loi PACTE a répondu aux objectifs annoncés en :
 
  • allongeant la validité du certificat d’utilité (protection moindre par rapport à un brevet) de 6 à 10 ans ;
  • en créant une passerelle entre la demande de certificat d’utilité et une demande de brevet ;
  • en créant une demande de brevet provisoire ;
  • en renforçant les missions de l’INPI dans le cadre de la procédure d’examen des brevets en ajoutant l’examen du critère de l’activité inventive induite par l’invention en plus des critères déjà soumis à son appréciation ;
  • en instaurant une procédure d’opposition à la délivrance d’un brevet.

Le présent article est l’occasion de présenter concrètement, dans ses modalités et avantages, cette nouvelle procédure d’opposition créée par l’ordonnance du 12 février 2020[2] et ouverte aux tiers depuis le 1er avril 2020.

Les fondements possibles d’une opposition à la délivrance d’un brevet

L’opposition ne peut être fondée que sur un ou plusieurs des motifs suivants :
 
  • Un défaut de brevetabilité tels que les exceptions à la brevetabilité, les exclusions de la brevetabilité, l’absence de nouveauté ou encore l’absence d’activité inventive ;
  • Une insuffisance de description du brevet telle qu’elle ne permettrait pas à un homme du métier de l’exécuter ;
  • Une extension de l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande.
Il est intéressant de noter qu’alors que ce n’est qu’à compter du 23 mai 2020 que la mission de l’INPI, lors de l’examen des demandes de brevet, s’est étoffée du contrôle qu’une demande de brevet porte bien sur un objet induisant une activité inventive, la possibilité pour des tiers de former opposition à la délivrance d’un brevet sur ce fondement du défaut d’activité inventive leur était déjà ouverte depuis le 1er avril 2020.

En cas de pluralité d’oppositions formées par des tiers à l’encontre d’un même brevet, l’INPI joint les procédures d’office afin d’en faciliter le traitement.

Précision : cette procédure d’opposition devant l’INPI n’est ouverte qu’à l’encontre des brevets français. Sont donc exclus de ladite procédure la partie française d’un brevet européen, les certificats d’utilité français ou les certificats complémentaires de protection.

Le déroulement de la procédure d’opposition par étapes

Concrètement, la procédure d’opposition se déroule en différentes étapes :

Examen de la recevabilité de l’opposition

  1. Une fois écoulé le délai de 9 mois qui court à compter de la délivrance du brevet, à savoir la date de publication du brevet au BOPI[3], le droit des tiers de former opposition est expiré.

    L’INPI procède alors un examen de la recevabilité de l’opposition dans une durée d’environ deux mois.

    En cas d’irrecevabilité, l’opposition est déclarée irrecevable sans qu’il ne soit possible d’y remédier puisque le délai de neuf mois pour former opposition est écoulé.

Instruction de la procédure d’opposition

  1. Le titulaire du brevet peut alors répondre aux arguments soulevés dans l’opposition (ou les oppositions en cas de pluralité d’opposition sur un même brevet).
     
  2. A compter de la présentation par le titulaire du brevet de ses arguments, l’INPI notifie les parties à la procédure d’opposition d’un « avis d’instruction ».
     
  3. S’ensuit une phase de débats écrits au cours de laquelle les parties peuvent répondre aux arguments développés par le ou les opposants et par le titulaire du brevet (un ou deux échanges entre les parties).
     
  4. L’instruction de l’opposition peut, à la demande des parties, donner lieu à une phase orale au cours de laquelle les parties seront amenées à présenter oralement leurs arguments.

Clôture des débats

  1. A l’issue de ces débats, le Directeur général de INPI dispose d’un délai de 4 mois pour rendre sa décision.

    Si le Directeur général de l’INPI n’a pas émis de décision dans ce délai, l’opposition est réputée rejetée.

Le calendrier estimatif

En termes de calendrier et de durée de la procédure, l’INPI a annoncé qu’il espère traiter les oppositions dans un délai de 15 mois à compter de la fin du délai pour former opposition.

Toutefois, compte tenu des délais de réponse donnés aux parties et prévus par le Code de la propriété intellectuelle, une procédure d’opposition pourrait aisément s’étaler sur près de deux ans.

En cas de retrait de l’opposition, l’INPI ne statuera pas sur les motifs de nullité invoqués. Il est donc possible, pendant la procédure d’opposition, de conclure un accord avec le titulaire du brevet.

Les conséquences possibles de la procédure d’opposition sur le titre de propriété industrielle

Trois scenarii sont à envisager :
 
  • L’INPI reconnait l’opposition fondée, en tout ou partie, et prononce en conséquence la « révocation » totale ou partielle du brevet.

    Il s’agit d’une notion nouvelle en droit français mais qui recouvre le même effet absolu et rétroactif que la sanction de la nullité : le brevet est donc présumé n’avoir jamais été délivré et avoir eu d’effets vis-à-vis des tiers. Le monopole sur toute exploitation de l’invention n’a alors jamais existé.
 
  • L’INPI reconnait l’opposition fondée, en tout ou partie, et prononce en conséquence le maintien du brevet sous une forme modifiée (lorsque cela est possible en fonction des arguments fondant l’opposition).
 
  • L’INPI rejette les arguments fondant l’opposition et le brevet est donc maintenu dans la version ayant conduit à sa délivrance.

Les recours possibles à l’encontre de la décision de l’INPI statuant sur l’opposition

Le recours contre la décision de l’INPI consistera en un recours en réformation devant la Cour d’appel de Paris.

Il ne s’agira donc pas d’un recours interne devant une chambre de recours de l’INPI, contrairement à ce qui se pratique à l’OEB et au sein d’autres offices de brevets étrangers.

Avantages / Inconvénients de la procédure d’opposition devant l’INPI par rapport à une procédure en nullité devant le juge compétent

  • Le sujet des coûts a pu être avancé pour appuyer l’avantage de la procédure d’opposition devant l’INPI. S’il est vrai que le recours à un avocat n’est pas obligatoire pour former opposition, au regard de la technicité de la matière, il conviendra à tout le moins de recourir à un conseil compétent en matière de brevets (conseil en propriété industrielle ou avocat spécialisé).

    Par ailleurs, au regard de la durée de la procédure qui devrait être en moyenne équivalente à celle d’une procédure judiciaire en nullité d’un brevet, il n’est pas certain que l’économie soit réelle. Contrairement à la procédure d’opposition qui prévoit le paiement d’une taxe de 600€ par l’opposant, une procédure judiciaire n’impose pas le paiement de telles taxes.

Les réels avantages offerts par l’instauration de cette procédure d’opposition en matière de brevets sont autres.
 
  • L’avantage fondamental qu’offre cette procédure d’opposition réside davantage dans la possibilité de contester la validité d’un brevet sans encourir de risque d’être accusé de commettre des actes de contrefaçon dudit brevet.
La prise de risque est donc moindre, d’autant plus si l’opposant n’est pas la réelle entité désireuse d’obtenir la révocation du brevet.
 
  • Car en effet, un autre avantage indéniable de cette procédure d’opposition consiste en ce qu’il n’est pas requis devant l’INPI, contrairement à une procédure judiciaire, de démontrer un quelconque intérêt à agir de l’opposant.

    Il y a dès lors fort à parier que les tiers ayant un intérêt à ce qu’un brevet soit révoqué fassent appel à un homme de paille pour mener une procédure d’opposition sans risquer d’alerter le titulaire du brevet en cause sur la situation de l’entité ayant réellement un intérêt stratégique à ce que tombe le monopole conféré par le brevet délivré.
 
  • Enfin, en cas d’échec de la procédure d’opposition, restera ouverte la possibilité de contester judiciairement la validité du brevet litigieux. La procédure d’opposition est donc un nouvel outil au service des concurrents d’un titulaire de brevets qui ne leur retire pas la possibilité d’agir en nullité, à titre reconventionnel dans le cadre d’une procédure en contrefaçon par exemple ou, à titre principal, dans une action initiée pour obtenir l’invalidité du brevet.
Il reste à mettre en place les mécanismes pour bénéficier de cette opportunité nouvelle.

Actions à mener par les entreprises : mener une veille concurrentielle

A l’instar des mécanismes de surveillance des dépôts de marques qui permettent aux tiers de former opposition avant l’enregistrement de la marque, l’instauration de la procédure d’opposition en matière de brevet (ouverte une fois le titre délivré contrairement à la procédure en matière de marques) bénéficiera aux tiers menant une veille concurrentielle leur permettant de former opposition dans le délai (relativement long) imparti.


Cet article n'engage que son auteur.
 
[1] Loi pour un Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation de l’Entreprise), publiée au Journal officiel le 23 mai 2019
[2] L’ordonnance n°2020-116 du 12 février 2020 relative à la création d’un droit d’opposition aux brevets d’invention, publiée au journal officiel le 13 février 2020.
[3] Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle

 

Auteur

QUENTEL Lucile

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