Bail commercial

Obligation de délivrance du bailleur et maintien dans les lieux du locataire

Publié le : 27/02/2020 27 février févr. 02 2020

Sauf exceptions mentionnées aux articles L145-17 et suivants du Code de Commerce, lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail, il est tenu de payer au locataire une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut du renouvellement du bail.
Lorsque la décision de justice fixant le montant de l’indemnité passée en force de chose jugée est définitive, le bailleur dispose encore d’un délai de 15 jours pour exercer son droit de repentir (période durant laquelle le propriétaire peut revenir sur sa décision et proposer le renouvellement du bail à son locataire, pour autant qu’il n’ait pas quitté les lieux et pris déjà une nouvelle location) et proposer le renouvellement du bail commercial, ce qui le dispense du paiement de l’indemnité d’éviction.

Ainsi, tant que le bailleur n’a pas payé l’indemnité d’éviction due au locataire, ce dernier bénéficie d’un droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat du bail expiré aux termes de l’article L145-28 du Code de Commerce.

Le bail étant expiré, il n’y a plus lieu à paiement d’un loyer, mais d’une indemnité d’occupation qui doit correspondre en principe à la valeur locative des locaux.

Le locataire doit juridiquement quitter les lieux dès le versement de l’indemnité provisionnelle fixée par le Président du Tribunal de Grande Instance et au plus tard dans un délai de trois mois suivant la date du versement de l’indemnité au locataire lui-même ou de la notification par le bailleur à celui-ci du versement de l’indemnité à un séquestre.

Faute de n’avoir pas quitté les lieux loués, et à condition d’avoir mis le locataire en demeure de payer, le séquestre peut retenir une indemnité de 1 % par jour de retard sur le montant de l’indemnité d’éviction.

En l’espèce, la Cour de Cassation a eu à traiter de la situation dans laquelle un sinistre a endommagé les locaux loués devenus inexploitables durant la période de fixation de l’indemnité d’éviction.

Le locataire s’est maintenu dans les lieux et a sollicité de son bailleur outre le paiement de l’indemnité d’éviction, une indemnité au titre de son préjudice financier lié au caractère inexploitable des locaux.

La Cour d'Appel d’Amiens, par arrêt en date du 15 mars 2018, a considéré que le locataire ne pouvait prétendre qu’à une indemnisation limitée de la perte financière subie dès lors que la baisse du chiffre d’affaires n’était pas exclusivement imputable au manquement à l’obligation de délivrance du bailleur, mais procédait également du choix du locataire de se maintenir dans les lieux qu’il savait inexploitables.

En d’autres termes, la Cour d'Appel a reproché au locataire, nonobstant l’absence de règlement de son indemnité d’éviction, sachant que les locaux étaient devenus inexploitables du fait de l’incendie, d’être resté dans les lieux tout en se plaignant d’une baisse du chiffre d’affaires et en revendiquant un préjudice financier.

La Cour d'Appel d’Amiens a considéré que l’attitude du locataire a contribué à son propre préjudice en se maintenant dans les lieux.

La Cour de Cassation a cassé ce raisonnement.

Elle a estimé, conformément aux textes du Code de Commerce susvisés qui sont d’ordre public que le locataire était en droit de se maintenir dans les lieux jusqu’au versement de l’indemnité d’éviction.

L’auteur d’un dommage devant réparer toutes les conséquences, le locataire devait percevoir une indemnité compensant totalement son préjudice financier subi outre le règlement de son indemnité d’éviction.

Cette décision est conforme aux textes et à la jurisprudence.

Le maintien dans les lieux du locataire dans l’attente de son indemnité d’éviction est un droit.

En l’absence de toute faute de la part du locataire ayant contribué à la réalisation de son dommage, il doit recevoir réparation de son préjudice intégral.

Le fait de se maintenir dans les lieux nonobstant le caractère inexploitable du local lié à l’incendie n’est pas une faute qui peut lui être reprochée, dès lors que les dispositions du Code de Commerce qui sont d’ordre public et visées à l’article L145-28 du Code de Commerce autorisent le locataire à se maintenir dans les lieux tant qu’il n’a pas été payé de l’indemnité d’éviction.

L’application de l’article L145-28 du Code de Commerce et le principe de la réparation intégrale du préjudice doivent entraîner la réparation intégrale du préjudice subi par le locataire.

Cette solution est à saluer sur le plan pratique.

En effet, sans règlement d’indemnité d’éviction et sous le coût d’un droit de repentir possible à tout moment, le locataire en général n’a pas les moyens financiers ni de se réinstaller, ni de faire financer son installation, le droit à indemnisation n’étant qu’hypothétique du fait du droit de repentir qui peut être exercé par le bailleur tant que le locataire est dans les lieux.

Cette solution est donc heureuse et il faut l’approuver.


Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 28 novembre 2019 n°18-18.862


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration
GRENOBLE (38)
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