Liquidation judiciaire d’une société dédiée à la délégation d’un service public

Liquidation judiciaire d’une société dédiée à la délégation d’un service public

Publié le : 05/01/2018 05 janvier janv. 01 2018

Dans son arrêt du 15 novembre 2017 (n°16-19.690), la chambre commerciale de la Cour de cassation, a rappelé que si les conditions de l’article  L.640-1 du code de commerce sont respectées, le juge saisi d’une demande de conversion d’une sauvegarde en liquidation judiciaire, ne peut la rejeter en raison des mobiles de l’administrateur. Ce dernier étant légalement tenu de déclarer l’état de cessation des paiements.
 
Dans les faits, il était question d’une commune qui, par un contrat de délégation de service public, a confié à une société l’exploitation d’une salle omnisports. Cette société a constitué une société filiale dont elle était l’associée unique, qu’elle s’est substituée et dont l’objet du contrat était l’exécution du contrat précité.
 
Par un jugement du 24 novembre 2015, le tribunal de commerce a mis la société filiale en sauvegarde, avant de prononcer sa liquidation judiciaire par un jugement du 23 juin 2015, sur requête de l’administrateur désigné. Une créance a alors été déclarée par la commune au titre des avances de compte courant octroyées à la société dédiée. Dès le lendemain, le mandataire judiciaire alors devenu liquidateur, a procédé à la résiliation du contrat de délégation de service public.
 
La commune délégante a alors formé tierce opposition au jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société filiale et a assigné la société mère en intervention forcée. Sa demande de rétractation du jugement du 23 juin 2015 a été rejetée par la Cour d’appel de Rouen.
La commune a alors formé un pourvoi en cassation.
 
La requérante invoque que, le jugement prononçant la liquidation judiciaire aurait été obtenu en fraude de ses droits puisque l’abstention de la société mère d’apporter à sa filiale le soutien financier tel que prévu dans la convention démontrerait une collusion frauduleuse visant la résiliation du contrat de délégation de service public afin d’échapper à ses obligations.
 
La Cour de cassation a rejeté son pourvoi et a considéré, au même titre que la Cour d’appel que, les conditions de l’article L.640-1 du Code du commerce étaient remplies et que c’est à raison que le tribunal de commerce a prononcé la conversion de la sauvegarde en liquidation judiciaire.
 
L’article précité pose comme conditions cumulatives à l’ouverture de cette procédure collective, l’état de cessation des paiements du débiteur et son redressement manifestement impossible.
 
L’état de cessation des paiements de la société filiale ne peut être remis en cause parce qu’en effet, elle a connu dès son origine, une exploitation déficitaire, que cette situation financière s’est aggravée au cours de la période d’observation qui a conduit à des pourparlers avec la commune sans finalement, parvenir à modifier les conditions d’exploitation.
 
S’agissant d’un contrat de délégation de service public, il était impossible de modifier l’objet de la délégation de service public qui est un élément essentiel du contrat. C’est la position qu’a adopté le Conseil d’État dans un avis relatif à la passation d’avenants dans les concessions de remontées mécaniques du 9 avril 2005 (n°371234) en fixant les cas pour lesquels, il était impossible de recourir à l’avenant.
 
La Cour d’appel a énoncé que l’état de cessation des paiements d’une société filiale devait être « caractérisé objectivement et de manière autonome » sans que soient prises en considérations les capacités financières de la société mère. Cette dernière a refusé de poursuivre son soutien financier à l’égard de sa filiale. Ainsi, la société filiale ne disposait d’aucune réserve de crédit lui permettant de faire face à son passif exigible et se trouvait bien en état de cessation des paiements.
 
La Cour de cassation a bien évidemment confirmé cette position, puisque c’est elle-même qui l’a posé dans deux arrêts emblématiques, à savoir Cour défense et Sodimédical, rendus respectivement le 8 mars 2011 et 3 juillet 2012. Ce principe a d’abord été posé pour l’ouverture d’une sauvegarde puis étendu à toute demande d’ouverture d’une procédure collective.
 
L’arrêt Sodimédical va plus loin et précise qu’un juge saisi d’une telle demande ne peut la rejeter en raison des mobiles du débiteur, légalement tenu de déclarer l’état de cessation des paiements. C’est pour cela que dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a conclu au rejet du pourvoi et jugé une nouvelle fois que la conversion ne pouvait être rejetée en raison des mobiles de l’administrateur, légalement tenu de déclarer l’état de cessation des paiements de la société filiale.
 
D’autant plus que le redressement était manifestement impossible compte tenu de l’impossibilité pour ladite société d’exercer une autre activité que celle visée par l’objet du contrat de délégation de service public. Ainsi, pour la Haute juridiction, la Cour d’appel a légalement justifié sa décision en relevant en plus que, l’administrateur avait introduit la demande de conversion en considération « de données comptables objectives ».
 
Pour finir, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’exception de fraude soulevée par la commune et l’a également rejetée. L’attendu justifiant ce rejet fait écho à la jurisprudence constante, en matière de recours pour collusion frauduleuse, puisque sans preuve manifeste, ce moyen se voit quasi systématiquement rejeté.


Cet article n'engage que son auteur.


Crédit photo : © Kromosphere - Fotolia.com 
 

Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
DROUINEAU 1927 - Poitiers
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