Garde à vue, harcèlement sexuel, tromperie ... Actualité des QPC

Garde à vue, harcèlement sexuel, tromperie ... Actualité des QPC

Publié le : 22/05/2012 22 mai mai 05 2012

Il peut être intéressant de faire un rapide tour d’horizon à la suite de l’abrogation de la loi sur les gardes à vue, de celle sur le harcèlement sexuel et des QPC évoqués dans le procès du Médiator.

Complainte en vue des élections législativesIl peut être intéressant, après deux ans de mise en application de la réforme instituant la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), de faire un rapide tour d’horizon à la suite de l’abrogation de la loi sur les gardes à vue, de celle sur le harcèlement sexuel (décision du 4 mai 2012 n° 205) et des QPC évoqués dans le procès médiatisé du Médiator.

On se souvient que cette question prioritaire peut être posée – prioritairement, c’est-à-dire avant tout autre débat – par tout justiciable à toute juridiction amenée à le juger ; et que si la question est jugée sérieuse, si elle est susceptible d’avoir un effet sur le procès en cours et si la constitutionnalité du texte n’a pas déjà été appréciée, pour ne pas dire validée, le juge du fond (tribunal ou cour d'appel) renvoie à la juridiction de cassation (C. Cass. pour l’ordre judiciaire ou C. E. pour l’ordre administratif) qui, dans les trois mois, par décision motivée, apprécie si les trois conditions cumulatives sont réunies (dispositions contestées applicables au litige ou à la procédure, et dont la conformité à la Constitution n’a pas déjà été déclarée – tout de même sauf changement de circonstance… - question sérieuse ou même question nouvelle…) et soit rejette la QPC, soit la transmet au Conseil constitutionnel.

On sait que ce dernier dispose du même délai pour rendre une décision qui est, celle-là, sans appel et qui, en principe, devrait soit retenir la QPC et déclarer les dispositions non constitutionnelles (ce qui génère abrogation du texte, quelque fois avec effet différé pour des raisons d’ordre public comme pour la garde à vue en 2011), soit déclarer le texte conforme. Il peut arriver toutefois que la décision soit une « non-conformité partielle » dont on devra tirer toutes conséquences, ou encore une conformité « avec » ou « sous » réserve, ce qui, principalement, permet d’ouvrir des voies de réflexion futures pour d’autres plaideurs…


Certains peuvent penser que le débat sur les QPC est loin de leur souci quotidien.

Selon eux, il ne concernerait que les grands criminels pour la question de l’abrogation de la garde à vue, les pervers pour l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel, de grandes personnalités du domaine politique qui voudraient échapper aux foudres de la loi par le jeu de la prescription au terme de mandats publics, de grandes affaires médiatisées comme l’affaire du Médiator, ou encore de grands projets comme celui concernant la concession du Stade de France.

Il faut pourtant se convaincre du contraire.

L’examen sur le site Internet du Conseil constitutionnel enseigne en effet au contraire qu’au 14 mai 2012, 209 décisions ont été rendues qui concernent toutes les matières : certes le droit pénal où l’enjeu de la liberté des personnes est démocratiquement capital et le droit fiscal où les intérêts financiers sont importants…, mais encore toutes les autres matières… N’a-t-on pas des décisions sur la cristallisation des pensions (2), le code électoral (4), les tribunaux maritimes (8), la carte du combattant (14), les cessions gratuites de terrain (28), les noms de domaine Internet (35), les rentes viagères d’invalidité (67), la taxe sur l’électricité (76), la pension de réversion des enfants (89), les questions sur les hospitalisations (112), les aides publiques en matière d’eau potable (123), les droits de succession (135), la rétention de précompte de cotisations de Sécurité Sociale (137), les saisies en Douane (176), les procédures de redressement judiciaire ou de liquidation des biens relativement à l’actif des biens du conjoint (178) ou encore le droit de l’expropriation (197)…

Il n’y a donc pas que l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel ou celle sur la garde à vue qui soit susceptible d’être déférée au Conseil constitutionnel !


Ce constat nous amène à faire une rapide analyse statistique des décisions rendues depuis presque deux ans (la première décision est du 28 mai 2010) et à s’interroger sur le processus d’élaboration de la loi.


Le bilan est le suivant : 209 décisions ont été rendues dont 9 exclusivement de non-lieu et 1 de rejet, c’est-à-dire des décisions concernant 10 questions qui n’auraient en définitive pas dû être posées.

Sur les 199 décisions restantes, 115 décisions ont rejeté la QPC, ce qui correspond à un taux de 57,8 % de « conformités déclarées », alors que 36 décisions de non-conformité totale étaient proclamées (dont les quelques exemples ci-dessus), ce qui atteint tout de même à un taux de 18,1 %.

Il reste ensuite à relever les 48 décisions restantes dans lesquelles le lecteur trouvera 20 non-conformités « seulement » partielles (soit encore 10 %) et tout de même 28 déclarations de conformité « avec » ou de conformité « sans » réserve, soit encore 14 %.

Tel est le bilan statistique des deux années (moins 15 jours) qui viennent de s’écouler depuis la première décision rendue par le Conseil constitutionnel en matière de QPC.


Trois conséquences peuvent rapidement être tirées :

Tout d’abord, la QPC peut concerner tout plaideur puisqu’elle couvre effectivement toutes les matières

Ensuite, les décisions du Conseil constitutionnel modifient le paysage législatif, et donc le paysage judiciaire puisque tout de même 18 % des textes déférés (il est vrai après contrôle préalable des juridictions inférieures puis de la juridiction de cassation) ont été déclarés totalement inconstitutionnels, 10 % partiellement inconstitutionnels et que 14 % de textes ont complémentairement été déclarés conformes « avec » ou « sous » diverses réserves…

C’est important !

Enfin, même si « l’écrémage » des premières années peut concerner des textes anciens, l’on se demandera à l’approche des élections si les électeurs ne devraient pas privilégier la candidatures de juristes à l’Assemblée nationale en donnant aux Parlementaires la « feuille de route » de ne pas multiplier les textes et de privilégier toujours la qualité de sorte que le justiciable ne soit pas confronté à des textes trop souvent inconventionnels (au regard de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et du Droit Européen) ou inconstitutionnels au regard de la QPC.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Paty Wingrove - Fotolia.com

Auteur

FORTUNET Eric
Avocat Associé
Eric FORTUNET
AVIGNON (84)
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