Sûreté pour autrui : pas de bénéfice de subrogation
Publié le :
21/06/2018
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Ou : « La caution réelle ne peut se plaindre de la perte d’autres sûretés par le créancier »
L’ambigüité de la nature juridique de la sûreté réelle consentie pour la dette d’un tiers a duré des années.Les conséquences d’une affirmation de vraie caution ou de simple sûreté pour autrui ne sont pas négligeables.
Une dernière touche vient d’être mise par l’arrêt de la Cour de cassation Ch .3 du 1er avril 2018, n°17-17542 dont l’importance a été soulignée par la juridiction en y apposant les lettres FS-P+P+B+I.
L’arrêt pose comme principe que l’absence de déclaration de créances dans la procédure collective du débiteur ne peut être reprochée par le constituant de la sûreté pour autrui pour se dégager de ses obligations hypothécaires.En somme la Cour de cassation refuse le bénéfice de l’article 2314 du code civil à ce constituant.
Comment en est-on arrivé là et que réserve le futur ?
D’abord il faut aborder la question de cette sûreté réelle souscrite par un tiers qui n’est pas débiteur en faveur du créancier de celui-ci.
Ensuite il faut voir comment la nature juridique de cette sûreté influe sur les droits et obligations de ce tiers.
Enfin est à préciser ce qu’est le bénéfice de subrogation de l’article 2314 code civil pour mieux apprécier la portée de l’arrêt.
I – Les tribulations d’une caution réelle :
A- La doctrine s’est longtemps opposée sur la question de savoir quelle était la nature de l’engagement d’une personne qui consentait une sûreté réelle sur l’un de ses biens (nantissement, hypothèque par exemple). Et la jurisprudence a aussi tergiversé d’où une incohérence dommageable.- la sûreté est personnelle : le constituant selon ce point de vue est tenu personnellement de l’obligation mais ne peut être poursuivi que sur le bien affecté en garantie.
Cela donne comme conséquence que la caution peut soulever la disproportion de son engagement c’est à dire que ses capacités financières et patrimoniales sont de valeur très inférieure à la créance.
En contrepartie l’information annuelle (art ; L. 313-22 du Code monétaire et financier) qui est due à la caution du montant de la créance et des intérêts est due par le créancier.
- la sûreté est « purement » réelle : le tiers constituant n’est tenu que propter rem soit sur le seul bien qu’il a donné en garantie. Il n’est donc pas tenu personnellement.
Mais il n’a pas à recevoir les éléments d’information annuelle obligatoires.
Et il ne peut que délaisser l’immeuble ou se laisser vendre en cas de saisie immobilière.
Comme on le voit la résolution de la nature juridique de cette sûreté est très importante quant aux conséquences et le flou juridique n’est pas permis car il a entrainé de nombreuses difficultés de garants, de créanciers et de notaires rédacteurs. Ceux-ci utilisaient alors une formule bâtarde « caution hypothécaire et solidaire » qui a causé beaucoup de dégâts.
B - La jurisprudence a eu aussi ses flottements quant à la nature de cette sûreté.
D’abord considéré comme personnelle sous l’influence de la doctrine et des créanciers, elle a connu une interprétation mixte ou duale de sûreté personnelle limitée à la valeur du bien affecté en garantie pour finir par être vue comme une simple sûreté réelle sans engagement du constituant.
- Les premiers pas :
- dans un sens favorable à la caution : rejet de l’exigence des formalités de l’article 1326 du code civil (Cass. 1re civ. 13 mai 1998, note Crocq sous RTD civ. 1999, p. 152) ;
rejet des règles relatives à l’information annuelle de la caution (Cass. 1er civ. 1er février 2000, Bull. civ. I, n.33 note L. Aynès sous Recueil Dalloz 2001, p. 694, et surtout Cass. Com. 7 mars 2006, n° 04-13762 FS-P+B+R+I)
- dans un sens défavorable à la caution : pratiquement très peu d’arrêts car souvent la jurisprudence a considéré – vu la formulation des engagements – que la caution réelle était aussi une caution personnelle. (Encore que selon L. Aynès in Recueil Dalloz 2001 p. 694 « Le terme « solidaire » n’ajoute pas au cautionnement réel un engagement personnel).
Enfin la caution pouvait reprocher au créancier de ne pas avoir inscrit, renouvelé ou exécuté une autre sûreté personnelle ou surtout réelle : c‘est le bénéfice de subrogation ou de cession d‘actions de l’article 2307 de l’époque devenue 2314 du code civil.
- L’arrivée définitive ( ?) :
- La première chambre civile de la Cour de cassation a limité l’engagement de la caution réelle à son engagement sur le bien grevé d’une sûreté (Cass. 1er civ. 1er février 2000, Bull. civ. I, n. 33 précité).
- Après quelques querelles de Cours ou plutôt de Chambres la Chambre mixte a tranché par un arrêt du 2 décembre 2005, n° 03-18210 commenté par Messieurs Aynès, Crocq, Grimaldi, Piedelièvre et Simler notamment.
En conséquence si la caution réelle peut payer le créancier poursuivant ou délaisser l’immeuble elle ne peut opposer de bénéfice de discussion, ni recourir à la purge car elle est partie à la dette et à la constitution d’hypothèque.
La Chambre commerciale a embrayé par un arrêt du 15 février 2006, Bull. civ. III, n° 35 suivie par la 1ère Chambre civile le 20 février 2007, D. 2007, AJ 937.
- Mais les conséquences ont du être tirées les unes après les autres :
Le créancier – en vertu de l’acte notarié qui constitue son titre exécutoire – peut poursuivre l’exécution forcée immobilière, à condition que le titre mentionne l’identité du débiteur principal et la créance garantie (Civ. 2°, 25 mars 2O1O, n°09-12127).
Les bénéfices de discussion et de division ne sont définitivement pas opposables par le constituant d’une sûreté réelle pour autrui comme le proclame l’arrêt de la 1ère Ch. Civ. du 25 novembre 2015, n° 14-21332 publié au Bulletin.
L’établissement de crédit n’a pas à d’obligation de mise en garde, que le constituant soit ou non averti, puisque la garantie étant limitée au bien grevé, est nécessairement adapté aux capacités financières du constituant et aux risques de l’endettement né de l’octroi du crédit (Cass. Com. 24 mars 2009, n° 08-13034). A noter que cet arrêt du coup dégage la responsabilité du notaire quant à son devoir d’information et de conseil sur l’opération.
- La remise en cause ? :
La mission a été donnée à l’association Henri Capitant de revenir sur la réforme des sûretés de 2006 en vue de l’amélioration et de la prise en compte de suggestions de cette commission non prises en compte dans la loi d’habilitation pour prendre ordonnance. Or, cette association (malheureusement non entourée de professionnels cette fois-ci), remet en cause la jurisprudence constante depuis 13 ans et elle le dit.
Dans un article 2291 nouveau elle écrit : « Le cautionnement réel (reprenant un terme à double sens abandonné) constituée pour garantir la dette d’autrui. Le créancier n’a d’action que sur le bien qui en forme l’objet. ». Jusque là il demeure une certaine ambigüité mais elle est levée par le commentaire des rapporteurs : « Cet article constitue une innovation remarquable, mettant à néant une jurisprudence de la Cour de cassation inaugurée par un arrêt rendu en Chambre mixte le 2 décembre 2005. Pour résoudre la difficulté qui résultait de l’application de l’article 1415 du code civil à une telle sûreté réelle constituée par un tiers, qui avait toujours été appelée « cautionnement réel », la Cour de cassation cru devoir bannir le concept même de cautionnement réel. «
Si la réforme voit le jour toute la jurisprudence depuis 2005 risque d’être battue en brèche avec les conséquences que les cautions réelles sauront les mêmes moyens de défense que les cautions personnelles – dans la limite de la valeur du bien grevé.
II – Le bénéfice de cession d’actions ou bénéfice de subrogation :
Il est souvent reproché aux juristes – comme à d’autres métiers médicaux ou techniques – d’employer un langage abscons et hermétique pour garder leur savoir et leur clientèle.Les termes de ce chapitre le sont.
Que veut dire cette formule ? La cession d‘actions est-elle une transaction financière, le bénéfice de subrogation est-il le droit au remplacement du défaillant ?
Que nenni, c’est beaucoup plus simple.
En fait l’hypothèse est que le créancier est titulaire d’une créance titrée, exécutoire et garantie par plusieurs sûretés contre le débiteur ou contre d’autres garants.
Ce qui fait que la caution qui s’engage personnellement le fait en connaissance de cause de l’existence d’autres garanties données par le débiteur ou le tiers qui lui permettent de penser que sa propre garantie n’et que subsidiaire.
Donc si par extraordinaire le créancier oublie de déclarer sa créance dans une procédure collective, oublie de renouveler ou de prendre une inscription de sûreté réelle, cette caution va le lui reprocher et demandée à être dé »chargée (au moins en partie) de ses propres obligations.
Le Code civil connaissait cette règle sous l’article 2307 devenu depuis la réforme des sûretés par ordonnance du 23 mars 2006 l’article 2314 : » La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
Reste qu’il faudra au juge apprécier ce que l’absence de faute du créancier aurait permis de récupérer sur sa créance si la faute n’avait pas été omise et cette à cette proportions seulement que la caution pourra être dégagée de son aménagement ; ce ne peut être qu’une perte de chance (dans le cas d’absence de déclaration dans une procédure collective entrainant extinction de la créance).
- les bénéficiaires : toutes les cautions, sous-cautions, certificateurs de caution sont admises à soulever ce bénéfice de subrogation. La question a été longtemps posée pour la caution réelle.
- les conditions d’application : elles sont quatre :
Ce peut être une sûreté (hypothèque, nantissement, gage automobile ou clause de réserve de propriété).
Ce peut être un droit de rétention, une compensation, une action résolutoire, une délégation, le bénéfice d’une délégation de créance.
Ou l’omission de déclarer la créance dans une procédure collective qui entraine son extinction.
b2. – Le fait du créancier : la jurisprudence est constante (par ex. Com. 16 octobre 2012, n°11-23-703). La faute du créancier ou d’un préposé ou mandataire est seule retenue. Le fait du débiteur principal ne compte pas (Cass. Civ. 1ère, 9 mai 2001, n° 98-23144). Non plus que la faute du notaire (Cass. Civ ; 1ère, 12 octobre 2004, n°01-13664).
La faute du créancier peut être intentionnelle, inexcusable, de 22640) commission ou d’omission ; acte positif comme une mainlevée d’hypothèque (Cass. Civ. 1ère, 6 juin 2001, n° 9) ; abstention : défaut de renouvellement de l’inscription de la sûreté Cass. Com. 5 juillet 2005, n° 04-12770).
L’abstention du créancier qui ne disposait que d’une faculté n’était pas prise en compte mais la chambre commerciale a décidé le contraire : le créancier qui ne demande pas l’attribution judiciaire même facultative commet une faute à l’égard de la caution qui peut exciper alors de la perte du bénéfice de subrogation (Cass. Com., 13 mai 2003, n° 00-15.404).
La Chambre mixte a suivi en jugeant que le créancier qui se garantit à la fois par un cautionnement et constitue une sûreté provisoire s’oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive (Cass. Ch. mixte, 17 novembre 2006, n° 04-19123).
b3. - L’atteinte aux prévisions légitimes de la caution : L’article 2314 du code civil ne s’appliquera donc qu’à des droits ou sûretés constitués postérieurement au cautionnement. La croyance que le créancier allait certainement prendre une sûreté supplémentaire permet à celle-ci de soulever le bénéfice de subrogation. (Cass.com., 1er octobre 2002, n° 98-23314).
A cet égard la croyance légitime peut résulter d’une clause de l’acte de prêt la mentionnant (Cass. 1ère Civ., 24 février 1982, n° 81-10.163).
Mais la Cour de cassation se montre plus ouverte : en jugeant que : « le prêteur de deniers bénéficiaire du privilège institué par l’article 2374 du code civil, qui se garantit par un cautionnement, s’oblige envers la caution à inscrire son privilège (Cass. Civ. 1ère, 3 avril 2007, n°06-12531).
b4. – L‘existence d’un préjudice : Il appartient au créancier – qui a la charge de la preuve – de démontrer que la caution n’a eu aucun préjudice pour écarter l’application de l’article 23414 précité.
Par exemple si le droit perdu ne présentait pas d’efficacité Cass. Com. 12 juillet 2011, n° 09-71113).
Ou alors que la caution pourra être subrogée dans d’autres droits préférentiels qui lui permettront d’être remboursée de la créance malgré le droit perdu (Cass. Civ ; 1ère, 26 janvier 19999, n° 96-21238).
- Effets du bénéfice de subrogation : La caution est déchargée à concurrence du droit préférentiel perdu, son indemnisation est proportionnelle au préjudice éprouvé réellement.
A titre exceptionnel une demande de dommages-intérêts peut être formée pour d’autres causes comme le harcèlement procédural ou l’exagération des poursuites contre la caution (Cass. Com. 3 mai 2006, n°04-17283).
III – De l’application du bénéfice de subrogation à la caution réelle :
Le régime juridique du tiers qui donne un bien en garantie de la créance contractée par le débiteur peut donner une solution à la question de savoir si le bénéfice de subrogation peut être invoquée par ce tiers.Il peut être déduit du fait que la caution réelle est une caution le fait qu’elle puisse soulever le bénéfice de subrogation.
Il peut être déduit par contre du fait que le tiers qui donne un bien en garantie de l’engagement d’autrui n’est pas personnellement engagé le fait qu’il ne bénéficie pas de ce moyen de défense.
Sauf qu’il y a la position intermédiaire qui risque de redevenir la loi si la nouvelle commission Grimaldi est suivie dans ses propositions, c’est que la caution réelle soit une caution donc tenue mais sur un seul bien : celui donné en garantie de l’engagement du débiteur.
La jurisprudence sur le sujet du bénéfice de subrogation a suivi les tribulations de la caution réelle pour savoir si ce bénéfice existait pour ledit tiers engagé propter rem ou non.
La solution dernière qui constitue le nouveau droit positif bien assis avant toute réforme résulte d’un arrêt du 12 avril cité au début de cet article :
« Ayant…exactement retenu que la sûreté réelle consentie par M. X pour garantir la dette de la Société C, laquelle n’impliquait aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, n’était pas un cautionnement, de sorte que l’article 2314 du code civil n’était pas applicable, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la demande de mainlevée devait être rejetée ».
Le particulier qui avait garantit l’engagement d’une société envers une autre en constituant une sûreté réelle sollicitait la mainlevée de celle-ci, au motif que la société créancières n’avait pas déclaré sa créance dans la liquidation judiciaire de la société débitrice.
Et ce particulier reprochait à la cour d’appel de n’avoir pas retenu l’application des dispositions de l’article 2314 du code civil qu’il invoquait pour être déchargé de son engagement et libérer son immeuble.
Par cet arrêt la Cour de cassation revient sur une jurisprudence contraire instaurée par un arrêt de la 1ère ch. Civ. du 23 novembre 1954, Bull. civ. I, n° 331 admettant que « l’inertie du créancier emportait décharge de la « caution réelle » tenue propter rem.
La ou les actions non engagées ou négligées contre d’autres créanciers garants ou contre le débiteur lui-même ou sa procédure collective ne pouvant être cédées au créancier tenu sur son seul bien donné en garantie décharge ce dernier de toute dette à l’égard du créancier ; mais seulement en proportion de ce que ce créancier aurait pu retirer des actions contre les autres, ou de ce qu’il aurait pu espérer que ce créancier retire de ces actions.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Olivier Le Moal - fololia.com
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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Précisions apportées sur la notion d’infection nosocomiale
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Droit alimentaire, sécurité des produits et responsabilités
Publié le : 11/06/2018 11 juin juin 06 2018Particuliers / Consommation / AgroalimentaireLes échos médiatiques liés aux obligations des opérateurs du secteur alimen...