L’application dans le temps de la jurisprudence Tarn-et-Garonne aux concurrents évincés

L’application dans le temps de la jurisprudence Tarn-et-Garonne aux concurrents évincés

Publié le : 31/03/2016 31 mars mars 03 2016

Un arrêt du Conseil d’Etat du 5 février 2016 « Syndicat mixte Hérault Transport » est venu préciser l’application dans le temps de la jurisprudence Tarn et Garonne aux concurrents évincés.1. L’ouverture du recours contre un contrat administratif à tout tiersLe 4 avril 2014, par un arrêt « Tarn et Garonne » devenu célèbre, le Conseil d’Etat a opéré une véritable révolution, en ouvrant à tous les tiers à un contrat administratif la possibilité de contester sa validité devant le juge du contrat.

Il était ainsi mis fin à une jurisprudence réservant ce type de recours aux seules parties du contrat et aux concurrents évincés lors de sa passation (CE 16 juillet 2007 n°291545 « Société Tropic Travaux Signalisations »).

L’arrêt de 2014 conditionne la recevabilité de ce nouveau recours au fait que les tiers établissent avoir été lésés, de façon directe et certaine, par la passation ou par les clauses du contrat.

Ainsi, les seuls manquements aux règles applicables à la passation du contrat en rapport direct avec l’éviction du tiers peuvent être invoqués.

2. L’ambiguïté relative au champ d’application dans le temps des nouvelles modalités d’exercice d’un recours par un tiersLe Conseil d’Etat précisait dans son arrêt que, dans un souci de sécurité juridique :

« (…) le recours ci-dessus défini ne pourra être exercé par les tiers qui n’en bénéficiaient pas et selon les modalités précitées qu’à l’encontre des contrats signés à compter de la lecture de la présente décision » (CE 4 avril 2014 n°358994).

Ainsi, les contrats signés avant le 4 avril 2014 ne peuvent être contestés selon les modalités du recours nouvellement instauré, la jurisprudence existante à la date de signature du contrat devant continuer de s’appliquer.

La rédaction de l’arrêt « Tarn et Garonne » faisait toutefois peser une incertitude sur l’identification des tiers pour lesquels cette nouvelle jurisprudence ne devait pas emporter d’effet immédiat.

En effet, la désignation expresse des tiers qui ne bénéficiaient pas, avant le 4 avril 2014, du recours instauré par l’arrêt Tarn et Garonne, pouvait laisser penser que les concurrents évincés, qui, eux bénéficiaient déjà d’un recours instauré par la jurisprudence « Tropic », n’étaient pas concernés par ce report d’application de la jurisprudence nouvelle.

Les nouvelles règles de recevabilité des moyens instaurées par l’arrêt « Tarn et Garonne » auraient ainsi pu, en théorie, être appliquées de manière immédiate aux concurrents évincés, qu’ils contestent un contrat signé avant ou après le 4 avril 2014.

3. La clarification apportée par l’arrêt « Syndicat mixte Hérault Transport »L’arrêt du Conseil d’Etat du 5 février 2016 « Syndicat mixte Hérault Transport » est venu préciser l’application dans le temps de la jurisprudence Tarn et Garonne aux concurrents évincés.

En l’espèce, le syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport, ainsi que la société Voyages Guirette, avaient candidaté à un appel d’offre lancé en novembre 2008 par le groupement d’entreprises Pons Laurès en vue de l’attribution d’un marché à bons de commande portant sur des services de transports scolaires. Le syndicat mixte a remporté le marché en 2009 et l’offre de la société Voyages Guirette a été rejetée le 13 mai 2009.

Cette dernière a saisi le Tribunal administratif de Montpellier d’un recours sur le fondement de la jurisprudence « Tropic », tendant notamment à l’annulation du contrat. Le Tribunal ayant rejeté cette demande, la Cour administrative d’appel a été saisie et a, par un arrêt du 26 mai 2014, annulé le jugement du Tribunal et prononcé la résiliation du contrat, au motif que ce contrat avait une durée excessive au regard des dispositions de l’article 77 du Code des marchés publics.

Le syndicat mixte, qui s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat, a entendu faire une application immédiate de l’arrêt Tarn et Garonne en faisant grief à la Cour d’avoir méconnu son office, dès lors qu’elle n’avait pas recherché si le moyen tiré de la durée excessive du contrat était susceptible d’avoir lésé les intérêts de la société requérante.

Le Conseil d’Etat, réécrivant le considérant relatif à l’application dans le temps de son arrêt « Tarn et Garonne » en lui restituant tout son sens, a considéré que :

« (…) la décision n°358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux a jugé que le recours défini ci-dessus ne trouve à s’appliquer, selon les modalités précitées et quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, qu’à l’encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision »

Ainsi, le recours exercé par la société Voyages Guirette contre le contrat dont elle avait été évincé en 2009 devait être apprécié selon les règles applicables avant le 4 avril 2014, qui « permettaient à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure un contrat administratif d’invoquer tout moyen à l’appui de son recours contre le contrat ».

L’application dans le temps des restrictions posées par l’arrêt Tarn et Garonne, aux termes desquels seul un manquement aux règles de passation du contrat en rapport direct avec l’éviction du tiers peut être invoqué, ne pouvait en effet avoir pour conséquence de méconnaître le droit des concurrents évincés à exercer un recours.

C’est ainsi que les concurrents évincés, au même titre que tout autre tiers au contrat, peuvent invoquer tout moyen à l’appui de leur recours dirigé contre un contrat conclu avant le 4 avril 2014.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Texelart - Fotolia.com

Auteur

GEISSMANN Hélène

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