Epilation à la lumière pulsée

La fin du monopole des médecins en matière d'épilation à la lumière pulsée

Publié le : 16/06/2020 16 juin juin 06 2020


 

Après le Conseil d’État, la Cour de cassation entérine le recul du monopole des médecins en matière d’épilation à la lumière pulsée, reconnaissant la légalité de l’intervention des esthéticiens dans ce domaine.

Par un arrêt du 31 mars 2020 (N° 19-85.121), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a opéré une volte-face jurisprudentielle magistrale, revenant sur sa décision pourtant récente du 29 janvier 2019 (N°1685746) selon laquelle l’épilation à la lumière pulsée par des non-médecins constitue un exercice illégal de la médecine.

Il sera rappelé qu’une telle infraction est punie de 2 ans d’emprisonnement et de 30.000 € d’amende (Article L.4161-5 du Code de la santé publique).

Ainsi, la Cour de cassation considère désormais que l’interdiction de l’épilation à la lumière pulsée par des personnes autres que des médecins est contraire aux articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services, de sorte que les esthéticiens pratiquant ce type d’actes ne sauraient désormais être légalement condamnés pour exercice illégal de la médecine.

Ce faisant, la Haute juridiction judiciaire s’est fort logiquement alignée sur la position du Conseil d’État affirmée par un arrêt du 8 novembre 2019 (N°08-11-2019) dont il résulte que le monopole des médecins en matière d’épilation au laser ou à la lumière pulsée méconnaît la liberté d’établissement et la libre prestation de services garanties par les articles 49 et 56 du TFUE.

À ce stade, il faut préciser que la Cour de cassation ne s’est prononcée qu’à l’égard de l’épilation à la lumière pulsée, les faits dont elle avait été saisie ne concernant que ce mode d’épilation. Au demeurant, il est fort probable que cette jurisprudence a vocation à s’appliquer à l’épilation au laser, de sorte que le monopole médical en la matière appartient au passé.

Doit-on voir dans cette évolution un progrès ou une régression, dès lors que le monopole des médecins a pour objectif d’assurer la protection de la santé publique et non pas de protéger une corporation ?

En effet, cet impératif de protection figure parmi les raisons impérieuses d’intérêt général pouvant justifier des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services, comme l’a rappelé le Conseil d’État.

Pour autant, saisi d’une requête en excès de pouvoir à l’encontre d’une décision implicite de rejet opposée par la ministre de la santé à une demande d’abrogation du 5° de l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins, le Conseil d’État a considéré qu’il n’était pas démontré que seul un médecin puisse manipuler, sans risque pour la santé, des appareils à laser ou à lumière pulsée.

Il a donc annulé la décision de la ministre confirmant le monopole des médecins dans le domaine de l’épilation au laser et à la lumière pulsée.

En revanche, il précise qu’en raison des risques qu’elle comporte pour la santé des personnes (réactions inflammatoires immédiates localisées, troubles pigmentaires plus tardifs, brûlures cutanées ou oculaires) et aux précautions qu’elle nécessite pour prévenir ces risques, la restriction de la pratique de l’épilation au laser ou à la lumière pulsée repose sur des raisons d’intérêt général.

Ainsi, la fin du monopole médical en la matière n’a pas pour autant vocation à livrer les patients ou consommateurs à n’importe quel opérateur.

C’est pourquoi, le Conseil d’État considère que le pouvoir réglementaire est tenu, dans un délai raisonnable, non seulement d’abroger le 5° de l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 en tant qu’il porte sur l’épilation au laser et à la lumière pulsée, mais aussi d’encadrer ces pratiques d’épilation par des mesures de nature à garantir, dans le respect des règles du droit de l’Union européenne relatives au libre établissement et à la libre prestation de services, la protection de la santé publique.

Il s’est donc efforcé de concilier liberté économique et protection de la santé publique.

La Cour de cassation ne pouvait donc pas résister plus longtemps et dans son arrêt du 31 mars 2020, elle expose les trois motifs ayant conduit à son revirement de jurisprudence :

L’interdiction de l’épilation à la lumière pulsée n’est pas justifiée, dès lors que les appareils utilisés peuvent être acquis et utilisés par de simples particuliers et que leur usage est autorisé aux esthéticiens pour les soins de photorajeunissement qui présentent des risques identiques à ceux concernant l’épilation.

Si l’épilation est susceptible d’avoir des effets indésirables légers, selon le rapport et l’avis de l’Agence nationale de la santé sanitaire (ANSES) d’octobre et décembre 2016, et d’être soumise à des restrictions pour de motifs d’intérêt général, il n’en résulte pas que ces actes d’épilation ne puissent être effectués que par un médecin.

Au demeurant le gouvernement français a notifié à la Commission européenne un projet de décret ouvrant la pratique de l’épilation à la lumière pulsée aux esthéticiens, sous certaines conditions de formation.

En définitive, la protection de la santé doit pouvoir être assurée par des professionnels formés à l’épilation au laser et à la lumière pulsée, sans recourir au monopole des médecins qui contrarie les principes de liberté d’établissement et de libre prestation de services.

Le combat entre médecins et esthéticiens semble avoir tourné à l’avantage de ces derniers, mais qu’en sera-t-il des patients devenus clients, victimes de l’utilisation de tels procédés, alors qu’à ce jour, aucune obligation d’assurance en responsabilité civile professionnelle ne s’impose aux esthéticiens ?

Le décret à venir devrait répondre à cette question essentielle.


Cet article n'engage que son auteur.

 

Auteur

ROGER Philippe

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