Crédit immobilier: revirement de jurisprudence quant au point de départ du délai de prescription de l'action du professionnel à l'encontre d'un consommateur

Crédit immobilier: revirement de jurisprudence quant au point de départ du délai de prescription de l'action du professionnel à l'encontre d'un consommateur

Publié le : 31/03/2016 31 mars mars 03 2016

Par une série de quatre arrêts rendus le 11 février 2016, tous publiés au bulletin, la Cour de cassation a souhaité assurer une diffusion importante afin de marquer les esprits en opérant un revirement de jurisprudence quant au point de départ du délai de la prescription.L'article L.137-2 du Code de la consommation dispose que:

"L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans."

L'article 2224 du Code civil indique que le point de départ de la prescription court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action.

Par un arrêt de principe du 10 juillet 2014, les magistrats du Quai de l'horloge sont venus préciser le point de départ en se fondant sur les deux articles précités et ont affirmé que "le point de départ du délai de prescription biennale prévu par l'article L.137-2 du Code de la consommation se situe au jour où le titulaire, du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé."

Cette jurisprudence a été confirmée par la Cour de cassation par un arrêt de la 1ère chambre civile du 16 avril 2015 (n° pourvoi 13-24.024) et la solution consacrée était identique à celle consacrée à l'article L.311-52 du Code de la consommation pour les crédits mobiliers à la consommation.

Ainsi dès lors qu'un professionnel consentait un crédit mobilier ou immobilier à un consommateur, le point de départ de la prescription commençait à courir à la date du premier incident de paiement non régularisé.

Un vent d'opposition a soufflé entre les hauts magistrats de la Cour de cassation et par quatre arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence quant au point de départ du délai de l'action au visa des articles L.137-2 du Code de la consommation, 2224 et 2233 du Code civil.

Les faits étaient relativement classiques : des consommateurs avaient souscrit un prêt immobilier auprès d'un établissement bancaire. En raison de nombreuses échéances impayées, la banque a assigné les consommateurs en paiement de celles-ci.

Pour leur défense, les consommateurs invoquaient l'article L.137-2 du Code de la consommation et rappellent que le point de départ du délai de l'action en prescription se situe au moment du premier incident de paiement non régularisé et par conséquent invoque la prescription de l'action pour tenter de s'exonérer de leurs obligations en paiement.

En réponse, les établissements de crédits contestent cette argumentation et soutiennent que la prescription commence à courir à chaque échéance et à déchéance du terme pour le capital car on ne peut admettre comme prescrite une créance non encore exigible.

La Cour de cassation a fait droit aux prétentions de la banque en indiquant que l'action n'était pas prescrite car la prescription ne commence à courir qu'au terme de chacune des mensualités de la dette, la prescription se divisant comme la dette elle-même.

En vertu de cette jurisprudence, l'action en paiement de mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéances successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.

Cet arrêt apporte une précision cruciale à l'égard d'une dette payable par termes successifs, il est admis le principe de divisibilité de la dette au même titre que la prescription qui court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéances successives, l'action en paiement pour les mensualités court à compter de chaque échéance et à compter de la déchéance du terme pour l'action en paiement du capital.

Il existe autant de prescription que de termes successifs et le point de départ de chaque prescription ne commence à courir que lorsqu'une des fractions de la dette arrive à échéance et devient exigible.

Ces arrêts rappellent que ce délai biennal s'applique au crédit immobilier à partir du moment où le crédit est établi au profit d'un consommateur.

En revanche, il convient de faire une application du droit commun dans l'hypothèse où le crédit immobilier est consenti à un non-consommateur.

Cette solution est beaucoup moins contraignante à l'égard des établissements bancaires dont le risque de prescription dès le premier incident de paiement non régularisé était lourd de conséquences.

Ce revirement appelle les établissements bancaires à faire preuve de vigilance dans la réclamation des échéances impayées sous peine de se heurter à la prescription mais apparait toutefois moins contraignante pour les banques quant à l'exercice des actions en paiement au titre des crédits immobiliers impayés.

En revanche, cette décision apparait être plus favorable aux banques car si l'on retient la déchéance du terme comme point de départ de la prescription, ce dernier dépend alors de la volonté du prêteur qui peut choisir le moment où il provoque cette déchéance....

Arrêts du 11 février 2016 pourvoi n°14-22.938, n°14-28.383, n°14-27.143 et n°14-29.539.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Kromosphere - Fotolia.com

Auteur

ABAD Johanna
Avocate Collaboratrice
CDMF avocats
GRENOBLE (38)
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