Comité d’entreprise et syndicat : chacun ses missions !

Publié le : 17/02/2016 17 février févr. 02 2016

On sait qu’un contrat ne peut juridiquement, engager que les parties qui le signent (c’est la relativité du contrat) et qu’il fait alors leur loi. Elles doivent alors le respecter et l’exécuter.En droit du travail, les accords collectifs sont négociés et signés par les partenaires sociaux, c’est à dire les organisations patronales ou l’employeur et les organisations syndicales de salariés. Ces organisations ont le monopole de la négociation collective.

Dès lors, les organisations syndicales peuvent réclamer en justice l’exécution d’un accord collectif. Elles peuvent agir à plusieurs titres :

- Action en leur nom propre pour obtenir l'exécution de l’accord ou pour réclamer la réparation du préjudice subi en propre en cas d'inexécution (C. trav. art. L.2262-11),

- Action de substitution au nom de ses membres qui sont liés par cet accord pour en obtenir l'exécution, ou la réparation du préjudice résultant de son inexécution. Le salarié doit en avoir été averti et ne pas s'y être opposé (C. trav. art. L.2262-9),

- Action de défense des intérêts collectifs de la profession pour réclamer l’exécution des engagements résultant d’une convention collective, au nom de la défense de l’intérêt collectif de la profession (C. trav. art. L.2132-3).


Cette voie est aussi ouverte aux salariés qui même s’ils n’en sont pas personnellement signataires, peuvent réclamer l’exécution des clauses d’un accord collectif qui leur bénéficient individuellement.



Il reste à déterminer si le comité d’entreprise est également en droit de réclamer l’exécution d’un accord collectif de travail.

Ayant la personnalité morale, le comité d’entreprise a capacité d’agir en justice. Mais il ne peut le faire qu’aux conditions suivantes :

- avoir qualité pour agir en raison des missions qui lui sont légalement dévolues ;

- justifier d'un intérêt à agir en raison du préjudice qu'il subit.


Or, quelles sont ses missions ?

Aux termes de l’article L 2323-1 du Code du travail, le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés et leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient des garanties complémentaires en matière de prévoyance.

Il exerce ses missions sans préjudice des dispositions relatives à l'expression des salariés, aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux.

En second lieu, le comité d’entreprise assure, contrôle ou participe, en application de l’article L 2323-83 du Code du travail, à la gestion des œuvres sociales et culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés et de leur famille.

Le Code du travail ne donne aucune définition de ce que sont les activités sociales et culturelles, mais énumère un certain nombre d'activités entrant dans ce cadre, qu’il n’y a pas lieu ici de reprendre dans le détail.

Il s’évince de ce qui précède que le comité d'entreprise n'a en principe pour vocation ni de représenter les intérêts individuels des salariés et donc de présenter des revendications individuelles, ni de représenter les intérêts collectifs de la profession.

De ce point de vue, il n’a pas qualité pour agir en exécution d’un accord collectif.

De surcroît, il ne peut en ce cas justifier d’un préjudice personnel et direct.

Un tel préjudice ne peut résulter que d’une atteinte à la personne du comité et de tout ce qui en découle (entrave à son fonctionnement, atteinte à son patrimoine…).

Tel n’est pas le cas de l’inexécution éventuelle par l’employeur d’une convention ou d’un accord collectif.

C’est pourquoi la Cour de cassation lui refuse de pouvoir réclamer l’exécution d’un accord collectif.

" Un comité d'entreprise n'a pas qualité pour intenter une action visant à obtenir l'exécution des engagements résultant de la convention collective applicable, cette action étant réservée aux organisations ou groupements définis à l'article L. 2231-1 du code du travail, qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail."

Cass. Soc., 19 novembre 2014 N° 13-23.899.



Décision confirmée par un arrêt du 17 novembre 2015 (n°14-13072) :

Dans cette affaire, un comité d’entreprise et un syndicat avaient saisi le tribunal de grande instance afin qu’il soit enjoint à l’employeur d’appliquer la convention collective dite « Syntec », notamment les avantages prévus par celle-ci (primes, jours de congé supplémentaires, etc.), en lieu et place de la convention collective des commerces de détail de papeterie et fournitures de bureau.

L’action ayant été jugée irrecevable par la cour d’appel, le comité d’entreprise prétendait, au soutien de son pourvoi qu’il justifiait d’un intérêt à agir dès lors que la problématique soumise aux juges avait, in fine, une incidence sur la masse salariale de l’entreprise, laquelle sert au calcul de la subvention de fonctionnement du comité d’entreprise et de la contribution aux activités sociales et culturelles. Raisonnement qui n’a pas convaincu la Cour de cassation, la notion d’intérêt à agir se trouvant beaucoup trop distendue.

Elle rejette donc le pourvoi sur ce moyen :

« Si les organisations ou groupements ayant la capacité d'ester en justice, liés par une convention ou un accord collectif de travail, peuvent en leur nom propre intenter contre toute personne liée par la convention ou l'accord toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et le cas échéant, des dommages-intérêts, cette disposition ne concerne pas le comité d'entreprise mais seulement les organisations ou groupements qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail ».

L’arrêt du 19 novembre 2014 cité plus haut est également intéressant en ce que la cour d’appel refusant le droit d’agir au comité d’entreprise avait également refusé aux organisations syndicales le droit de réclamer l’exécution de la convention collective Syntec (encore elle).



Sa décision est cassée en ces termes :

« Viole les articles L. 2262-11 et L. 2132-3 du code du travail une cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable l'action des organisations syndicales, retient qu'il ressort des dispositions de l'article L. 2262-11 du code du travail que l'action reconnue aux organisations syndicales leur permet d'obtenir l'exécution des engagements conventionnels et le cas échéant le paiement de dommages-intérêts, mais non la condamnation de l'employeur au paiement de sommes qui seraient dues à leurs adhérents en application de cette convention, alors que l'action du syndicat ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées mais à l'application des clauses de la convention collective à tous les salariés compris dans son champ d'application et poursuivait en conséquence la réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession ».

Le rôle de chacun est donc ainsi clairement défini.

Rappelons de surcroît que la loi du 17 août 2015, dite loi « Rebsamen », dispose que depuis le 1er janvier 2016, le comité d’entreprise n’a plus à être consulté sur les projets d’accord collectif, leur révision et leur dénonciation. Cela permet de mieux encore clarifier le rôle des organisations syndicales d’une part, du comité d’entreprise d’autre part.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Olivier Le Moal - Fotolia.com

Auteur

MICHEL François-Xavier
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL RENNES
RENNES (35)
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