Avocat et dignité du prévenu

Quand l'avocat aide à retrouver sa dignité

Publié le : 05/03/2025 05 mars mars 03 2025

C'est une belle histoire. Une de ces histoires qui commence pourtant salement. 

On m'appelle. Garde à vue. Violences conjugales, sur fond d'alcoolémie. Vilaine alcoolémie, à commander de la vodka sur Amazon. 

Je le rencontre. Il a l'air d'un méchant dans Picsou, un de ces Rapetou. Premier entretien, première audition, il s'explique, critique, ronchonne, ça passe.

Le lendemain, un dimanche, on me rappelle. Il venait de tenter de mettre fin à ses jours et il veut me parler. Je reprends la route et je me retrouve face à un homme proprement anéanti. 

Que pourrais-je bien lui dire ? Je suis un étranger dans sa vie. Je ne connais de lui que ce que j'ai entendu hier. Et je sens qu'il a besoin de moi. Ça tombe sur moi. À ce moment-là, ça tombe sur moi. 

Je ne le connais pas, mais à force, je commence à me faire une petite idée de ce que sont les hommes. Et je vois bien que c'est un animal à la fierté blessée, qui a tant et tant essayé, mais constamment ramené à ses faiblesses et à sa lâcheté. 

Il tient l'occasion, peut-être, ici, au fin fond de cette brigade de gendarmerie, l'unique occasion depuis des années de retrouver qui il est : faire face. Terminer cette enquête, faire face à la comparution immédiate, reconnaître, assumer, et demander pardon. 

Pas le job d'un avocat ça, c'est le job d'un prêtre. Quoique ce n'est peut-être pas pour rien qu'un porte une robe aux allures de soutane. Alors quitte à prêcher...

Je lui dis que de toute façon, rien ne lui garantit qu'une fois passé l'arme à gauche, ses problèmes s'en iront. Pas de certitude. Alors s'il veut vraiment partir, qu'il le fasse après avoir soldé ses comptes, et d'abord auprès de celle qu'il aime tant, envers et contre tout.

Oui, je crois qu'il faut bien être dans quelque clergé pour avoir le privilège de voir un homme se relever de telles abysses. Lui l'a fait. Et le tribunal lui a bien rendu, en lui évitant la prison ferme, au profit d'un beau sursis mis à l'épreuve le contraignant à quitter le département.

J'avais fait il y a maintenant près d'un an une vidéo pour dire à quel point les avocats n'étaient pas les adversaires des forces de l'ordre. Je crois pouvoir dire que dans cette affaire là, mon propos a servi une forme de justice, la même que celle à laquelle œuvraient les gendarmes. Et à laquelle aspirait la victime. 

Je resterai à jamais marqué par ce regard, cette supplique, d'un homme envers un autre. C'est tombé sur moi, car j'étais son avocat
 
Crédits audio : Make it home - Monster.

Cette vidéo n'engage que son auteur.

Auteur

Etienne MOUNIELOU
Avocat Collaborateur
MOUNIELOU
SAINT GAUDENS (31)
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