Indépendance avocat et société d'exercice

Indépendance de l’avocat : la participation d’investisseurs purement financiers dans une société d’avocats peut être interdite

Publié le : 27/02/2025 27 février févr. 02 2025

Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne 19.12.2024 n° C-295/23
 

Objet de la saisine

La CJUE était saisie d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil de discipline des avocats de Bavière (Allemagne) ayant pour objet la décision de radiation par le Barreau de Munich du 9.11.2021 d’une société d’avocats allemands au motif qu’une société d’investissement autrichienne avait acquis plus de la moitié du capital social.

La décision de radiation se fondait sur la règlementation allemande selon laquelle seuls des avocats ou des membres de certaines professions libérales peuvent détenir des parts et devenir associés de la société d’avocats.
Cette société d’avocats constituée sous la forme d’une société de capitaux soumise à la loi sur les sociétés à responsabilité limitée avait pour gérant et unique associé, Maître Daniel Halmer.

Suite à la cession de 51% des parts à une société d’investissements, les statuts avaient été modifiés notamment aux fins de soumettre le transfert des parts sociales à la décision des associés réunissant la majorité de 75% des voix, la gestion de la société à la compétence exclusive des avocats ; ils stipulaient que les gérants exerçent leur profession d’avocat de manière indépendante et sous leur propre responsabilité.

La Cour a jugé que le droit de l’Union Européenne ( l’article 15 paragraphe 2, sous c) et paragraphe 3 de la directive 2006/123 /CE du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, ainsi que l’article 63 TFUE) ne s’oppose pas une réglementation nationale qui, sous peine de radiation du barreau de la société d’avocats concernée, interdit que des parts sociales de cette société soient transférées à un investisseur purement financier, n’ayant pas l’intention d’exercer dans ladite société une activité professionnelle visée par cette réglementation.

Le droit applicable en France à la SPFPL 

Au regard du droit français, et pour se limiter au droit applicable à la SPFPL, société holding des professions libérales, rappelons que l’article 114 de l’ordonnance du 8 février 2023 dispose que plus de la moitié du capital et des droits de vote est détenue par des personnes, y compris des personnes européennes, qui exercent l'une des professions exercées par la ou les sociétés faisant l'objet d'une prise de participation.

Quant au complément du capital et des droits de vote, l’article 116 dispose qu’il peut être détenu : 

1° Pendant un délai de dix ans, des personnes physiques qui ont exercé au sein de la ou d'une des sociétés faisant l'objet d'une prise de participation la profession constituant son objet social et ont cessé d'exercer cette profession, sauf s'ils ont fait l'objet d'une radiation ou d'une destitution pour motif disciplinaire ;
2° Pendant un délai de cinq ans à compter du décès des personnes physiques mentionnées à l'article 114 et au 1° du présent article, leurs ayants droit ;
3° Des personnes exerçant une profession libérale réglementée de la même famille que celle exercée par l'une des sociétés faisant l'objet d'une prise de participation.

Enfin, le respect de l’indépendance des membres des professions libérales réglementées ou de leurs règles déontologiques propres peut être assurée par des décrets en Conseil d'Etat pouvant interdire à des catégories de personnes physiques ou morales déterminées la détention, directe ou indirecte, de parts ou d'actions représentant tout ou partie du capital social non détenu par des personnes mentionnées à l'article 114, lorsque cette détention pourrait mettre en péril l'exercice de la ou des professions concernées dans le respect de l'indépendance de ses membres et de leurs règles déontologiques propres.
 

Les conséquences en matière de financement du développement des cabinets d’avocats et de leur transmission

L’arrêt de la CJUE rappelle que les mesures restrictives doivent être nécessaires et proportionnées pour atteindre l’objectif de protection de la bonne administration de la justice et de l’intégrité de la profession d’avocat.

En pratique, faute de pouvoir faire appel à des partenaires extérieurs, les avocats sont contraints de recourir à la dette bancaire pour le développement et la transmission de leurs cabinets, alors même que l’insuffisance des fonds propres et l’absence de récurrence de la clientèle libérale fragilisent les montages financiers sur un marché du droit exposé à la dérèglementation.

Dans ce contexte, une réflexion sur le management des cabinets et sur le choix d’une structure juridique et fiscale adaptée revêt toute son importance en vue de la transmission des cabinets.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Corinne PILLET
Avocate Associée
IFL-AVOCATS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
PARIS (75)
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