Sur la définition d'un trésor : l'affaire du tableau de Malouel

Publié le : 07/09/2017 07 septembre sept. 09 2017

Le brocanteur a légalement acheté un tableau peint sur un panneau en bois et même si le chef-d’œuvre était dissimulé sous la peinture visible, il était indissociable de son support. Or, un trésor est une chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et qui est découverte par hasard.

L’incroyable trouvaille de Vic-le-Comte n’était pas un trésor !


La Cour de Cassation vient, par un arrêt du 5 juillet 2017 (16-19340) de mettre un terme à une formidable histoire commencée en 1985.

Cette année-là le curé de Vic-le-Comte (Puy- de- Dôme) n’a plus assez d’argent pour payer le chauffage de son église. Il décide de vendre des vieilleries et un brocanteur achète pour quelques centaines de francs un lot d’objets parmi lesquels se trouve un tableau peint sur bois, laid, grossier bref sans le moindre intérêt.

Un antiquaire remarque de minuscules traces de dorures sous l’épaisse première couche de peinture  et un restaurateur d’art commence un lent et délicat travail de grattage.

C’est alors qu’apparait comme un miracle un rarissime chef-œuvre de l’art gothique du 15ème siècle signé du peintre primitif français Jean Malouel, un « Christ de piété soutenu par Saint Jean » (photo).

Pour acquérir cette œuvre presqu’unique (on ne connait que deux autres panneaux de Malouel) le musée du Louvre va verser…7,8 millions d’euros au brocanteur.

De quoi attiser la convoitise de l’antiquaire qui a remarqué les dorures et du restaurateur d’art qui a mis à nu cette pièce unique.

Comme dans « L’huitre et les plaideurs » de La Fontaine, les deux Pèlerins veulent leur part (la moitié prévue par l’article 716 du code civil), prétendant chacun être l’inventeur du trésor (« Je l’ai vu avant vous, sur ma vie ! »).

Le procès avec le brocanteur a été long et la Cour suprême, comme Perrin Dandin dans la fable vient donc dans son arrêt du 5 juillet de trancher de façon cinglante, en substituant un motif de « pur droit » aux longs attendus des juges du fond.

Peu importe dit la Cour, qui a vu tel ou tel éclat doré  en premier, ou qui a eu l’idée de gratter la première couche de peinture.
Le brocanteur a légalement acheté un tableau peint sur un panneau en bois et même si le chef-d’œuvre était dissimulé sous la peinture visible, il était INDISSOCIABLE DE SON SUPPORT.


Or, un trésor est une chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et qui est découverte par hasard.

La cour de cassation précise : « Seules peuvent recevoir cette qualification les choses corporelles matériellement dissociables du fonds dans lequel elles ont été trouvées, et comme telles susceptibles d’appropriation. » Ce n’était évidemment pas le cas du tableau .
La plupart du temps dans les affaires de « trésors », il s’agit bien d’objets trouvés dans une maison, un terrain, ou le fond de la mer, qui y sont « cachés ou enfouis » (article 716).
 
Le pauvre curé de Vic-le-Comte ne savait pas qu’il avait entre les mains un trésor dont la vente lui aurait permis de chauffer comme jamais et pour longtemps son église.
Le brocanteur ne pouvait pas se douter qu’il venait d’acquérir ce trésor pour quelques billets de 100 francs.
Ce n’est pas un trésor ! vient donc de trancher la Cour de cassation.

Juridiquement non…mais patrimonialement pour le brocanteur cela le sera toujours !

PS : On doit préciser ici qu’un accord avait été conclu entre le brocanteur et la commune de Vic-le-Comte, seules propriétaires du lot d’objet un peu vite vendus par le curé. La commune a touché 2300000 euros, le brocanteur ayant conservé la différence. 


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

BOSQUE Manuel

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