Coronavirus et réduction de capital

Covid-19 : comment réaliser une réduction de capital non motivée par des pertes en période de crise sanitaire ?

Publié le : 27/04/2020 27 avril avr. 04 2020

Il a été rappelé que l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, ne constitue ni une suspension, ni une  prorogation du délai initialement imparti pour agir.

Il permet seulement, pour tous les actes prescrits par la loi ou le règlement qui devaient être réalisés pendant la période juridiquement protégée définie à l’article 1er de l’ordonnance, c’est-à-dire, entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, de les réputer faits à temps s’ils interviennent dans un délai supplémentaire. Celui-ci correspond au délai légalement imparti, que l’on fait de nouveau courir à compter de cette dernière date, sans qu’il puisse toutefois excéder deux mois.
L’interprétation de ce texte a soulevé des questions de la part des praticiens et des particuliers qui doivent réaliser une réduction de capital non motivée par des pertes, régie par les articles L. 225-204 et L 225-205 du code de commerce, pendant la période juridiquement protégée.
La réduction de capital non motivée par des pertes est l’opération par laquelle la société, sur décision de ses actionnaires, réduit son capital, soit par voie d’annulation d’actions, soit par voie de réduction de leur valeur nominale.

Dans cette hypothèse, les créanciers de la société disposent d’un droit d'opposition à la réduction de capital ( sous réserve que leur créance soit antérieure à la publicité qi est faite de l’opération), qui ne fait pas obstacle à l’opération mais qui leur permet,avant sa réalisation, d’obtenir remboursement ou la constitution de garanties.

I. Le droit d’opposition des créanciers

L’opposition des créanciers se traduit par une action en justice. Elle est enfermée dans un délai de 20 jours à compter de la publication de la délibération de l’assemblée générale qui a décidé ou autorisé  la réduction de capital.

Ce délai est prévu à peine de forclusion : l’opposition ne sera plus recevable après l’expiration du délai pour agir. Les conditions d’application du premier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance citée ci-dessus sont donc remplies. Le droit d’opposition des créanciers en matière de réduction de capital non motivée par des pertes bénéficie donc du mécanisme prévu  par cette disposition.   

Ce mécanisme ne conduit pas pour autant à suspendre le délai d’opposition, de sorte que le créancier peut valablement former son opposition pendant le délai de vingt jours suivant la publication de la délibération, y compris lorsque ce délai de vingt jours expire pendant la période juridiquement protégée. Toutefois, dans cette même hypothèse, s’il forme son opposition dans le délai de vingt jours suivant la fin de la période juridiquement protégée, cette opposition sera réputée faite à temps.

II. La réalisation de la réduction de capital

Il résulte de l’art. L. 225-205 al. 3 et 4 du code de commerce que « Les opérations de réduction du capital ne peuvent commencer pendant le délai d'opposition ni, le cas échéant, avant qu'il ait été  statué en première instance sur cette opposition.»

« Si le juge de première instance accueille l'opposition, la procédure de réduction du capital est immédiatement interrompue jusqu'à la constitution de garanties suffisantes ou jusqu'au remboursement des créances. S'il la rejette, les opérations de réduction peuvent commencer. »

L’alinéa 3 de l’article L. 225-205 fixe un délai minimum pendant lequel les opérations de réduction de capital ne peuvent pas être effectuées, et donc a contrario, un point de départ pour la réalisation de ces mêmes opérations. L’article 2 de l’ordonnance, qui concerne l’expiration des délais prescrits pour réaliser un acte n’est donc pas applicable au délai prévu par l’alinéa 3 de l’article L. 225- 205.

Par ailleurs, la date à compter de laquelle les opérations de réduction du capital peuvent commencer, n’est pas modifiée, même en cas d’opposition des créanciers formée après l’expiration du délai de vingt jours. L’article 2 de l’ordonnance, qui permet seulement de déclarer valable une opposition faite hors délai, ne correspond pas, en effet, à une prorogation de délai.

Le report du terme du délai pour former opposition ne décale donc pas la date à compter de laquelle les opérations de réduction de capital peuvent débuter. Les « opérations de réduction de capital » peuvent commencer à l’issue du délai de vingt jours suivant la publication de la délibération de l’assemblée générale ou, si une opposition a été formée dans ce délai, lorsque cette opposition est rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ARRAS (62)
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