Caractérisation d’une pratique commerciale trompeuse

Publié le : 03/05/2017 03 mai mai 05 2017

Pour être sanctionnée, une pratique commerciale trompeuse doit répondre aux critères constitutifs d’un comportement déloyal et, à ce titre, avoir pour effet d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.

C’est ce qui a été jugé par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er mars 2017 (pourvoi n°15-15448).


Les faits sont les suivants :

Une entreprise spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques se fournissait en savons artisanaux auprès d’un fabricant situé à Alep dans le nord de la Syrie. Les relations commerciales avec ce fournisseur ont cessé et l’entreprise a par la suite commercialisé un savon sous la dénomination « savon tradition Alep » fabriqué en Tunisie. 

Il se trouve que les emballages des deux produits étaient similaires par leurs couleurs, leurs graphismes et leurs éléments descriptifs. De plus, le nom « Alep » figurait sur l’emballage des deux produits en gros caractères strictement identiques. 

En outre, il était indiqué sur le « savon tradition Alep » « 100% d’origine naturelle » alors que la mention « made in Tunisie » figurait en petits caractères à l’arrière de l’étiquette du produit.

Invoquant un trouble manifestement illicite, le fournisseur d’origine a assigné l’entreprise pour actes de concurrence déloyale afin d’obtenir notamment des mesures d’interdiction et de destruction sous astreinte.

En appel, la cour a fait droit à cette demande et a jugé que l’emballage « était manifestement de nature à induire en erreur leurs clients sur l'origine du produit en leur faisant croire que ce savon provient de la ville d'Alep, comme ceux qui leur étaient précédemment vendus […] Que la confusion ainsi créée dans l'esprit des consommateurs ou des acheteurs éventuels sur l'origine du produit est constitutive de concurrence déloyale ». (Cour d’appel Lyon, 17 février 2015 n°14/08224) 

Au visa des articles L.120-2 2° b) du Code de la consommation, ensemble 1382 devenu 1241 du Code civil, la Cour de cassation a cassé la décision de la cour d’appel considérant qu’elle aurait dû vérifier « si les éléments qu’elle avait retenus altéraient ou étaient de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur ».

Ce faisant, la Cour de cassation reprend le principe d’interdiction générale des pratiques commerciales déloyales telles que définies à l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

En effet, au terme de cet article, une pratique commerciale est déloyale « lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ».

Les pratiques commerciales trompeuses, quant à elles, sont définies aux articles L121-2 à L121-5 du Code de la consommation. Ces dispositions ne prévoient pas le critère de l’altération du comportement économique du consommateur et l’action en concurrence déloyale engagée par le fournisseur d’origine reposait bien sur l’allégation d’une pratique trompeuse.

Néanmoins, fidèle à la jurisprudence rendue par la chambre commerciale en la matière, la Cour de cassation maintient une position stricte sur le sujet et considère que, pour sanctionner un acte au titre d’une pratique commerciale trompeuse, il est nécessaire de démontrer qu’il est au surplus déloyal.

Cet arrêt continue également de se distinguer de la jurisprudence européenne qui adhère à une conception large de la pratique commerciale trompeuse pouvant être qualifiée comme tel sans remplir les conditions générales du comportement déloyal.

A noter toutefois que cet arrêt présente une particularité en ce qu’il est rendu au double visa des articles L121-2 2° b) du Code de la consommation relatif aux pratiques commerciales trompeuses et 1240 du Code civil relatif à l’action en concurrence déloyale.

Dans ces conditions, il est possible d’imaginer que la Cour, qui jugeait une action en concurrence déloyale, a logiquement exigé comme condition nécessaire de l’action, que soit démontré le caractère déloyal des faits reprochés.

Sous cet angle, la décision de la Cour de cassation serait moins sévère que ce qui n’y parait.


Cet article n'engage que son auteur.


Crédit photo: © FineBokeh - Fotolia.com
 

Auteur

RICHARD Clarisse

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