Bail commercial

Clarification salutaire sur l'exercice du droit de préférence du preneur à bail commercial

Publié le : 09/12/2021 09 décembre déc. 12 2021

Il résulte des dispositions de l’article L 145-46-1 du Code de commerce que le propriétaire d’un local à usage commercial qui souhaite le vendre doit notifier au locataire occupant le prix et les conditions de la vente.
Le locataire dispose alors d’un délai d’un mois pour notifier son offre d’achat aux conditions de la dénonciation, puisque la vente doit être régularisée aux prix et conditions du vendeur.
Le preneur est en effet prioritaire, mais à égalité de conditions.

Cette formalité est prescrite à peine de nullité de la vente et la jurisprudence a consacré son caractère d’ordre public (Cass, 3ème civ, 28 juin 2018, n° 17-14.605).

Certains tenant d’une lecture extrêmement stricte de l’article L 145-46-1 du Code de commerce, qui retient la formule : « qui envisage de vendre le bien », ont prétendu qu’aucun contrat ne pouvait être conclu, voir même aucunes diligences entreprises pour vendre le bien, avant que l’offre de vente ait été notifiée au preneur, voir même que le droit de préférence ait été purgé.

Cette position rigoriste, soutenue par quelques juridictions du fond, mais jamais consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation, manquait à l’évidence de sens pratique, dès lors que pour notifier une offre de vente au preneur, le bailleur commercial doit bien évidemment connaître la valeur de son bien sur le marché immobilier.

Il sera observé que les jurisprudences dont s’agit s’inscrivaient en réalité dans une discussion qui portait sur le paiement des honoraires de négociation et non sur la régularité de la vente au profit d’un tiers (Cour d’appel de Douai, Chambre 2, section 2, 28 mai 2019, n° 17/03524). 

D’ailleurs, on comprend difficilement dans quelle mesure la conclusion d’un avant contrat pourrait être préjudiciable au locataire occupant, dès lors qu’en tout état de cause son droit de préférence est respecté.

Au-demeurant, la jurisprudence selon laquelle l’offre de vente notifiée au preneur ne doit pas inclure les honoraires de négociation et que l’offre acceptée, en excluant le montant des honoraires de négociation, est parfaitement régulière, impliquait implicitement qu’il était toujours possible de conclure un mandat de négociation avant de notifier une offre d’achat au locataire occupant (Cass, 3ème civ, 8 octobre 2015, n° 14-20666).

A quoi bon dès lors conclure un mandat de négociation s’il est fait interdiction de prospecter le marché.

Dans son arrêt en date du 23 septembre 2021 n° 20-17.799, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation indique très clairement que le bailleur est parfaitement en droit, avant même de notifier une offre d’achat au preneur, d’entreprendre des démarches pour commercialiser le bien et procéder à des visites, sans que cela n’affecte de nullité l’offre de vente et donc l’exercice du droit de préférence.

Il reste alors en discussion la date à laquelle peut être régularisée la promesse de vente, puisque dans l’arrêt du 23 septembre 2021, elle avait été signée postérieurement à la notification de l’offre de vente au preneur et avant l’expiration du délai de purge.

Sur ce, la Cour de cassation ne se prononce pas expressément sur la validité de l’offre de vente au preneur lorsque la promesse de vente, de fait assortie d’une condition suspensive, est régularisée avant la notification de l’offre de vente, qui doit intervenir « préalablement » si l’on s’en tient à une lecture stricte de l’article L 145-46-1 du Code de commerce.

En l’état de la jurisprudence, il apparait donc préférable de suspendre la signature de la promesse de vente à la notification préalable d’une offre de vente au preneur occupant, sans qu’il soit pour autant nécessaire d’attendre la purge du délai d’exercice du droit de préférence.

Par ailleurs, la Cour de cassation en profite pour rappeler que le simple fait que les honoraires de négociation soient malencontreusement notifiés avec le prix de vente au locataire occupant, ne constitue pas une circonstance justifiant la nullité de l’offre de vente, dès lors que le preneur ne peut raisonnablement se méprendre sur le montant du prix de vente.

La discussion est donc désormais entendue au moins sur deux points essentiels et tranchée avec pragmatisme et bon sens, le droit rejoignant ainsi la raison. 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Ludovic GAUVIN
Avocat Associé
ANTARIUS AVOCATS ANGERS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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