Licenciement économique et offre de reclassement

Licenciement économique : l’offre de reclassement doit comporter toutes les mentions légales

Publié le : 05/12/2024 05 décembre déc. 12 2024

L’employeur qui envisage de recourir à un licenciement économique doit, pour satisfaire à son obligation de reclassement, transmettre au salarié concerné, une offre comportant toutes les mentions légales édictées à l’article D. 1233-2-1 du Code du travail. 
L’absence de l’une de ces mentions, loin de constituer une simple irrégularité de procédure, caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. 

Tel est l’éclairage apporté pour la première fois par la Chambre sociale aux termes de son arrêt rendu le 23 octobre 2024 (Cass. soc., 23 oct. 2024, n° 23-19.629), sur la portée de l’obligation de reclassement de l’employeur en cas de licenciement pour motif économique, à la lumière de l’offre de reclassement transmise au salarié. 

Pour rappel, l’obligation de reclassement en matière de licenciement économique est initialement issue de la jurisprudence même de la Chambre sociale. 

Celle-ci imposait classiquement à l’employeur, de procéder à un examen individuel des possibilités de reclassement pour chaque salarié dont le licenciement pour motif économique était envisagé. Initialement basée sur une construction jurisprudentielle, l’obligation de reclassement en matière de licenciement économique a été codifiée par l’ordonnance N°2017-1387 en date du 22 septembre 2017, à l’article L. 1223-4 du Code du travail lequel prévoit que : 

« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ».

Ce texte prévoit par ailleurs, le choix laissé à l’employeur de satisfaire à son obligation de reclassement selon deux modalités, telles que : 

- L’envoi personnalisé à chaque salarié des offres de reclassement, tel que le prévoyait déjà la jurisprudence antérieure de la Chambre sociale, 

- Ou bien la diffusion à l’ensemble des salariés concernés de la liste des postes disponibles. 

L’article D. 1233-2-1 du code du travail issu du décret N°2017-1725 du 21 décembre 2017, a, quant à lui, précisé les mentions devant figurer dans l’offre écrite de reclassement, afin de satisfaire à l’exigence de précision : 

- Intitulé du poste et son descriptif ; 
- Nom de l’employeur ; 
- Nature du contrat de travail ; 
- Localisation du poste ; 
- Niveau de rémunération. 

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que, s’agissant du niveau de rémunération, l’offre de reclassement devait indiquer le montant exact de cette dernière, et non simplement une fourchette, de même qu’elle a considéré comme étant imprécise, une offre de reclassement se contentant de mentionner une région (Cass. soc., 28 sept. 2022, N°21-13.064).

Toutefois, elle ne s’était jamais prononcée sur les conséquences de l’absence d’une des mentions requises par l’article D. 1233-2-1 du Code du travail sur la validité du licenciement intervenu pour motif économique. 

Par son arrêt en date du 23 octobre 2024, la Chambre sociale a statué, pour la première fois, sur cette question, et a retenu que l’absence d’une des mentions légales dans l’offre de reclassement adressée à un salarié menacé de licenciement économique était constitutive d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, et privait le licenciement de cause réelle et sérieuse. 

En l’espèce, une salariée, engagée en qualité de vendeuse spécialisée, a saisi la juridiction prudhommale afin de contester la rupture de son contrat de travail, intervenue suite à la réorganisation de l’entreprise dans laquelle elle travaillait, et après qu’elle ait refusé l’offre de reclassement formulée par son employeur, et accepté le contrat de sécurisation professionnelle. 

A l’appui de la contestation de son licenciement, la salariée soutenait que l’offre de reclassement dont elle avait été rendue destinataire était imprécise, ne comportant : 

- Ni le nom de l’employeur ; 
- Ni la classification du poste ; 
- Ni la nature du contrat de travail. 

S’agissant de la rémunération, l’offre litigieuse se contentait d’indiquer une reprise de l’ancienneté par rapport au poste précédemment occupé, avec un « même niveau de rémunération ». 

La Cour d’appel de PAU a fait droit aux demandes de la salariée, estimant que « l’employeur n’avait pas accompli avec la loyauté nécessaire son obligation de reclassement, se contentant d’une offre de reclassement imprécise et formelle, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse » (CA PAU, 8 juin 2023, N°21/01366). 

L’employeur n’a pas manqué de contester cette appréciation des juges d’appel aux termes de son pourvoi, considérant que ces derniers auraient ajouté au texte de l’article D. 1233-2-1 du Code du travail, une condition qu’il ne prévoyait pas, à savoir la mention de l’activité et de l’adresse de l’entreprise au sein de laquelle le poste de reclassement était proposé. 

S’agissant de la rémunération, l’employeur a soutenu que la proposition formulée à la salariée de conserver le même niveau de rémunération revêtait un caractère de précision suffisant. 

L’employeur a par ailleurs souligné que la salariée avait refusé l’offre de reclassement sans la moindre réserve et n’avait sollicité aucune précision s’agissant des caractéristiques du poste proposé. 

En dépit de ces arguments, la Chambre sociale a rejeté le pourvoi, et validé le raisonnement adopté par la cour d’appel soulignant :

« La cour d’appel, après avoir constaté que la salariée avait reçu le 12 juillet 2019 une offre de reclassement libellée comme suit « un poste de magasinière à (localité) avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération », a relevé que cette offre était taisante sur l’adresse de l’entreprise, son activité, la classification du poste, la seule mention « au même niveau de rémunération » étant très insuffisante pour permettre à la salariée de répondre valablement à cette offre. 

De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que l’offre de reclassement adressée à la salariée ne comportait ni le nom de l’employeur ni la classification du poste ni la nature du contrat de travail, elle a pu déduire (…) que l’employeur n’avait pas accompli avec la loyauté nécessaire son obligation de reclassement, se contentant d’une offre de reclassement imprécise et formelle, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ». 

Ainsi, bien plus qu’une simple condition formelle, l’exigence de précision de l’offre de reclassement qui doit viser toutes les mentions édictées par le code du travail, appelle les employeurs à la plus grande vigilance lors de la rédaction des offres, au risque de voir les licenciements prononcés pour motif économique, jugés sans cause réelle et sérieuse. 


Cet article n'engage que ses auteurs.
 

Auteurs

Eloïse GRAS-PERSYN
Avocate
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur
Caroline HENOT
Avocate Associée
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
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