La pratique de l'arbitrage commercial

Publié le : 13/04/2007 13 avril avr. 04 2007

C’est avec succès, que s’est déroulée le 13 avril 2007 la première édition des Entretiens de la Bastide à la Bastide Saint-Antoine de GRASSE, consacrés à la pratique de l’arbitrage commercial.

Les entretiens de la BastideC’est avec succès, que s’est déroulée le 13 avril 2007 la première édition des Entretiens de la Bastide à la Bastide Saint-Antoine de GRASSE, consacrés à la pratique de l’arbitrage commercial.

Dominique VIDAL, Avocat au Barreau de GRASSE, Professeur à l’Université de NICE SOPHIA ANTIPOLIS et Arbitre Commercial ICC avait souhaité organiser cette table ronde réunissant des avocats, des experts comptables, des présidents de juridiction, des chefs d’entreprise et des étudiants sur le thème de l’arbitrage commercial.

Avec lui, Monsieur Jacques MESTRE Doyen honoraire de la Faculté de Droit d’AIX EN PROVENCE et Monsieur Jean-Baptiste RACINE, Professeur à l’Université de NICE SOPHIA ANTIPOLIS étaient présents pour répondre aux questions suggérées par la pratique professionnelle de l’arbitrage commercial des participants.

C’est ainsi que pendant trois heures au gré des questions sur la clause compromissoire, sur la constitution d’une tribunal arbitral, sur les honoraires de l’arbitrage, sur l’attitude des parties, sur les voies de recours contre la sentence, sur l’exécution de la sentence, sur la durée de la procédure d’arbitrage ou encore sur les critères et les conséquences de la distinction entre l’arbitrage commercial interne et l’arbitrage commercial international, une véritable discussion s’est nouée entre l’ensemble des participants.

Quelques-uns des thèmes qui ont été abordés pendant ces entretiens méritent quelques lignes de développement.

1. La question de savoir qui pouvait devenir arbitre a bien entendu été l’une des premières à être abordée.

La réponse de Me VIDAL et des professeurs RACINE et MESTRE a été unanime : a priori tout le monde. Cette faculté comporte d’ailleurs des risques importants. Il a été souligné qu’il était important pour un tribunal arbitral d’être éclectique, chaque arbitre devant avoir des compétences spécifiques par rapport à un litige donné. Le panachage des compétences est donc conseillé.

Toutefois, quelques limites existent à cette règle. Un magistrat en exercice ne peut être arbitre. D’autre part, les arbitres doivent faire preuve d’impartialité et d’indépendance par rapport aux parties.

Il faut remarquer la pratique en droit international de l’opinion dissidente qui consiste pour un arbitre qui se démarque de l’opinion majoritaire du tribunal à rédiger en marge de la sentence arbitrale, les raisons factuelles et juridiques qui l’ont conduit à se désolidariser de l’opinion majoritaire.

2. La possibilité pour n’importe quel professionnel de faire partie d’un Tribunal arbitral pose alors la question de la responsabilité de l’arbitre. Les intervenants ont souligné que les arbitres étaient responsables civilement. Comme les magistrats, ils disposent d’une immunité dans leur fonction de juger. Leur responsabilité ne peut donc être engagée que pour des actes détachables de la fonction de juger.

C’est notamment le cas si l’arbitre commet une négligence. Les tribunaux ont déjà pu reconnaître la responsabilité d’un arbitre lorsque celui-ci rendait sa sentence hors délai ou lorsqu’en cas d’un conflit d’intérêts, l’arbitre ne se récuse pas.

Dans un contexte plus pratique, il a été précisé que pour un avocat qui exerce des fonctions d’arbitre, l’assurance responsabilité civile à laquelle il souscrit par l’intermédiaire de son Ordre, couvre les activités d’arbitrage.

3. Une des questions qui a particulièrement intéressé et interpellé l’audience, est celle de l’amiable composition dans une procédure arbitrale.

Il est vrai que, comme l’ont rappelé Messieurs MESTRE, RACINE et VIDAL, une clause compromissoire peut stipuler que les arbitres statueront en amiables compositeurs. Le débat était celui de savoir quelles étaient les méthodes utilisées par les arbitres pour statuer en amiable composition, quelle était, par conséquent la place du droit dans leurs réflexions, mais encore ce qui distinguait l’équité de l’amiable composition.

Bien entendu, en toile de fond de ce débat, résidait la question de la prévisibilité et de la sécurité juridique. Sur ces questions, chaque intervenant a exprimé son opinion d’une manière parfois nuancée. En effet, Maître VIDAL expliquait qu’en tant qu’amiable compositeur, il s’attachait à rechercher la volonté commune réelle des parties en relation avec la nature du contrat. C’est en cela qu’il distingue l’équité de l’amiable composition. Comme il a été souligné par l’audience, cette interprétation se rapproche des dispositions de l’Article 1156 du Code Civil sur l’obligation d’interpréter le contrat selon la volonté des parties.

Monsieur Jean-Baptiste RACINE, quant à lui, définit l’amiable composition comme un mélange de droit et d’équité.

Il rappelle en outre que la Cour de cassation oblige les arbitres à expliquer en quoi l’application du droit dans une sentence est équitable lorsque l’arbitre statue en amiable compositeur.

4. La liberté que pourrait laisser l’amiable composition aux arbitres dans leur prise de décision a alors amené l’audience à se poser la question de savoir quelles règles de procédure pouvaient lier un tribunal arbitral.

Maître VIDAL se plaît à définir l’arbitrage comme un mode juridictionnel de règlement des litiges, du fait de l’omniprésence de règles de procédure, et notamment du principe du contradictoire. En effet, l’acte de mission se doit de faire référence à des règles de procédure, et peut par exemple se référer aux règles du nouveau code de procédure français. Pour autant, il se peut au contraire que les règles du NCPC soient écartées et qu’en guise de procédure, il soit fait référence à certains principes directeurs de procédure, ce qui est assez fréquent. Ecarter les règles strictes du NCPC permet à l’arbitrage de garder tout son intérêt ; ainsi, si l’acte de mission doit être assez précis quant aux principes de procédure auxquelles il sera soumis, il laisse toutefois une certaine souplesse aux arbitres qui ne sont pas liées par le détails du NCPC.

L’arbitrage permet donc une plus grande flexibilité que la voie judiciaire et un certain pragmatisme, et c’est notamment en cela qu’il s’agit d’une mode de règlement des conflits apprécié ; on peut citer en ce sens la possibilité d’admettre de nouvelles demandes après que l’instance ait été introduite, la souplesse des règles applicables à une expertise, ou encore la possibilité d’admettre l’audition des témoins à « l’anglo-saxonne ». Lorsque certaines règles sont prévues dès la clause compromissoire, il faut savoir que l’acte de mission peut faire novation.

L’audience a attiré l’attention des intervenants sur les règles de procédure dans le cadre d’un arbitrage en amiable composition. Les intervenants étaient d’accord pour dire que le Tribunal arbitral se devait d’être encore plus rigoureux dans le cadre d’un tel arbitrage, contre partie à leur liberté sur le fond du dossier. Les intervenants ont souligné une certaine tendance à la « judiciarisation » de l’arbitrage, et une augmentation des pratiques déloyales de la part de certaines parties au litige. Pour y parer, l’arbitrage possède quelques remèdes qui peuvent s’avérer très efficaces :

- le juge d’appui, qui se substitue aux parties lors de la composition du tribunal arbitral, lorsqu’elles ne peuvent s’accorder sur la désignation du président du tribunal,
- la possibilité d’insérer une clause de non-recours qui interdit aux parties de se prévaloir des irrégularités de procédure non soulevées pendant l’instance,
- la possibilité de poursuivre la procédure par défaut, lorsqu’une des parties refuse de rentrer dans la procédure malgré l’existence d’une clause compromissoire claire ; cette partie peut réintégrer la procédure à tout moment.

5. Nombreux étaient les avocats présents lors des entretiens et c’est ainsi tout naturellement que s’est posée la question de savoir dans quel cas il était opportun de proposer une procédure arbitrale, plutôt qu’une procédure judiciaire.

Sur ce point, les intervenants ont unanimement convenu que le litige devait quand même avoir un certain enjeu financier, dans la mesure où le coût d’un arbitre n’est pas négligeable. Il a été précisé que ce coût dépend de l’intérêt du litige et du caractère national ou international de l’arbitrage. Il est aisé de faire référence à certains barèmes qui émanent des institutions d’arbitrage (ICC, Institut Euro-méditerranéen d’arbitrage etc.).

Ce coût est évidemment moins élevé si les parties font le choix d’un arbitre unique, plutôt que d’un tribunal arbitral, composé de trois arbitres. Il a bien entendu été précisé que l’application dans les contentieux judiciaires de l’article 700 du NCPC trouve son équivalent dans le cadre des procédures arbitrales ; ainsi la partie qui obtient gain de cause aura de grandes chances de se voir rembourser les frais de procédure.

Autre élément qui doit impérativement entrer en considération lors du choix de se diriger vers une procédure arbitrale, celui de la confidentialité, qui peut être primordial dans certaines affaires. La question de la rapidité de la procédure arbitrale n’est pas non plus à négliger dans la mesure où dans le cadre de certaines activités économiques, comme certains membres de l’audience l’ont expliqué, le règlement très rapide d’un litige est la clef de la poursuite de l’activité ; une procédure judiciaire ne répond alors pas toujours aux attentes des parties au litige.

6. L’audience a également souhaité connaître les avantages d’un arbitrage ad hoc par rapport à un arbitrage institutionnel, en matière interne.

Il a d’abord été précisé que statistiquement, l’arbitrage ad hoc était majoritaire dans le domaine interne. L’arbitrage institutionnel est quant à lui souvent plus onéreux ; en contrepartie, le règlement d’arbitrage institutionnel est souvent plus précis, et selon l’institution choisie, les parties comme les arbitres peuvent être assurés de la qualité de la procédure.

L’arbitrage ad hoc oblige les parties à prévoir plus de détails ; toutefois, cet inconvénient peut être évité très simplement en faisant référence au règlement d’arbitrage d’une institution telle ICC ou la CNUDCI.

7. La question de la nullité de la clause compromissoire et de son extension aux tiers s’est ensuite posée, dans la mesure où l’arbitrage est un mode contractuel de règlement des litiges, et doit donc être accepté par l’ensemble des parties au litige.

Il a été rappelé dans un premier temps la règle impérative selon laquelle seul le tribunal arbitral était compétent pour décider de sa propre compétence, sauf en cas de nullité manifeste de la clause, pour laquelle la jurisprudence a une interprétation tout à fait restrictive. En ce qui concerne les chaînes de contrats, les intervenants ont souligné le fait que la jurisprudence facilitait l’adhésion implicite des tiers à un contrat. En ce qui concerne en revanche les appels en garantie, les intervenants ont admis qu’il s’agissait d’une faiblesse de l’arbitrage, qui ne permet pas l’intervention forcée d’une partie.

Partant, les contentieux multipartites restent complexes pour un arbitrage, dans la mesure où il implique pour toutes les parties une volonté d’y adhérer.

8. Concernant plus particulièrement le fond, le débat s’est naturellement tourné vers l’arbitrage international et les règles du commerce international, communément appelées lex mercatoria. Me Jean-Michel Noguerolles, praticien du droit international des affaires, soulignait la difficulté résultant de l’application d’un droit national étranger, qu’un avocat français peut très légitimement ne pas connaître, ou qui peut être particulièrement défavorable à son client. Il s’agit alors d’une gestion du risque, qui ressort de la compétence d’un avocat, lié à l’application d’un droit exotique dangereux ou imprévisible.

La lex mercatoria permet d’éviter cet écueil ; composée de règles matérielles, elle permet d’écarter l’application d’un droit national au profit de règles de fond communes, prévisibles et particulièrement adaptées aux besoins du commerce international, voire même d’un secteur donné du commerce international. Ainsi, une clause compromissoire insérée dans un contrat international peut préconiser l’application de la lex mercatoria, ou des « principes généraux reconnus par le droit du commerce international », ou encore des principes UNIDROIT.

La limite réside dans l’interdiction de violer les principes d’ordre public international applicable dans l’Etat où a lieu la procédure d’arbitrage ou dans l’Etat où la sentence sera exécutée.

Les intervenants ont souligné l’existence d’un projet de reprise de la convention de Rome, convention qui contient des règles de conflit permettant de désigner une loi applicable ; ce projet permettrait de désigner directement la lex mercatoria.

9. Sur la question primordiale de l’exécution de la sentence arbitrale, les intervenants se sont montrés rassurant en rappelant la fréquence de l’exécution spontanée par les parties.

Il a été précisé que l’exécution était possible en tout lieu où il existe des actifs saisissables. La convention de New York ainsi que la loi type CNUDCI, largement ratifiées, permettent de faciliter une telle exécution. Les intervenants ont souligné l’autonomie de la sentence arbitrale par rapport au lieu où elle a été rendue, ce qui permet de lui donner une vie autonome, détachable géographiquement et d’assurer une indépendance de l’arbitrage afin d’en faciliter l’exécution. C’est ainsi que dès que la sentence est rendue, il est possible de prendre des mesures conservatoires.

En revanche, la question des mesures conservatoires se pose également lorsqu’une procédure d’arbitrage existe en parallèle ou est sur le point de démarrer. La réponse est alors claire : à partir du moment où le tribunal arbitral est composé, il est impossible de solliciter des mesures conservatoires au tribunal étatique tant que la sentence n’a pas été rendue.

10. Partant de ces considérations, le débat s’est alors dirigé vers les recours possibles à l’encontre d’une sentence arbitrale.

Sur ce point, la question essentielle est celle de savoir si l’arbitrage est interne ou international. En effet, les recours sont limités à l’appel-nullité dans le cadre d’un arbitrage international, alors qu’un arbitrage en droit interne laisse plus de possibilités ; étant précisé que la jurisprudence définit de manière large l’arbitrage international en application de l’article 1492 NCPC.

La question est alors de savoir si les arbitres doivent alerter les parties sur la caractère interne ou international de l’arbitrage. Les intervenants et les membres de l’audience ont souligné plusieurs points en faveur d’une prise de position active des arbitres :
- des arrêts de la Cour Européenne et de la Cour de cassation estiment que les arbitres doivent avoir un rôle actif dans l’application du principe du contradictoire, il pourrait en être de même sur le point crucial de la qualification de l’arbitrage, puisque les règles de procédure en découlent directement ;
- la qualification interne ou internationale d’un arbitrage a des implications pratiques et procédurales trop importantes pour que les arbitres ne s’y impliquent pas de manière active (outre les recours, il y a aussi la question de la possibilité de compromettre pour un salarié ou un consommateur etc.)

Ainsi, en arbitrage interne, l’appel est possible, tout comme la tierce opposition, deux recours écartés en arbitrage international.

Ce sont sur ces très intéressantes considérations que s’est achevée la première édition des Entretiens de la Bastide.

Une très belle réussite qui présage un nouveau débat animé sur les nombreuses questions que soulève l’arbitrage, débat d’ores et déjà programmé pour le 11 avril 2008 (pour tout renseignement : arbitrage@vidal-avocats.com), dans le cadre privilégié de la Bastide Saint Antoine à GRASSE.





Cet article n'engage que son auteur.

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