Licenciement d'un salarié déclaré inapte

Licenciement d'un salarié déclaré inapte

Publié le : 03/03/2011 03 mars mars 03 2011

Si l'inaptitude du salarié à la suite d'une maladie professionnelle est médicalement constatée en cours d'arrêt de travail, cette déclaration marque la fin de la suspension du contrat de travail et autorise l'employeur à procéder au licenciement.

Médecin traitant et médecin du travail

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Cass.soc., 5 janvier 2011, n°08-70.060.

Selon l'article R. 4624-21, "à l'issue de l'arrêt de travail, le salarié doit normalement réintégrer son poste. L'examen par le médecin du travail est obligatoire après une absence :
- pour maladie professionnelle ;
- pour congé de maternité ;
- d'au moins huit jours consécutifs à un accident du travail ;
- d'au moins vingt et un jours à la suite d'une maladie ou d'un accident non professionnels ;
- en cas d'absences répétées pour raisons de santé.
"

Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celle des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste (C. trav, art. R. 4624-31) :
- qu'après avoir fait une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise ;
- et procédé à deux examens médicaux de l'intéressé à deux semaines minimum d'intervalle et accompagnés, le cas échéant, d'examens complémentaires. Les deux examens sont impératifs et doivent dans tous les cas être espacés de ce délai, même si le salarié a déjà fait auparavant l'objet de nombreuses visites médicales (Cass. soc., 3 mai 2006, no 04-47.613).

Par conséquent, à la fin de l'arrêt de travail, le seul médecin du travail est habilité pour constater l'inaptitude physique du salarié à l'emploi.

Si l'inaptitude est constatée dans le cadre d'une visite de reprise consécutive à une maladie ou à un accident (professionnels ou non), l'employeur a un délai d'un mois, après la deuxième visite médicale, pour reclasser ou licencier le salarié. Passé ce délai, s'il n'a rien fait, il doit reprendre le versement du salaire (C. trav., art. L. 1226-4 ; C. trav., art. L. 1226-11).
L'employeur est donc tenu d'attendre en principe la fin de l'arrêt de travail prescrit par le médecin traitant.
Il arrive toutefois que le médecin du travail accepte de voir le salarié alors qu’il est toujours arrêté.

C'est dans ce contexte que se situe l'arrêt du 5 janvier 2011.

En l'espèce, il s'agissait d'un salarié victime d'une maladie professionnelle, en arrêt du 6 février 1999 au 7 juillet 2002, arrêté donc pendant plus de trois ans.
Ce salarié a rencontré le médecin du travail à trois reprises. Tout d'abord, trois mois après le début de l’arrêt de travail, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude temporaire.
Ensuite, un an après, le médecin du travail a délivré un avis d'inaptitude temporaire en indiquant qu'une inaptitude définitive à tous les postes de l'entreprise était à prévoir.
Enfin, deux ans après, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive du salarié.
En avril 2002, le salarié est alors licencié pour inaptitude alors que la suspension du contrat de travail n’a pas pris fin et après que les délégués du personnel aient été régulièrement consultés.
Contestant son licenciement, le salarié soutenait qu'il était nul invoquant l’irrégularité de celui-ci puisqu'intervenu en période de suspension de contrat de travail résultant du certificat d'arrêt de travail de son médecin traitant.
Il prétendait en particulier, au visa de l'article R.4654-21 du Code du travail, que la visite médicale effectuée alors que le contrat est suspendu ne constituait qu’une visite de pré-reprise qui ne dispensait pas de la visite de reprise effectuée après la fin de la suspension du contrat de travail.

Se posait alors pour la Cour de cassation la question de savoir si l'employeur pouvait licencier un salarié déclaré inapte, à la suite d'une maladie professionnelle, sans attendre la fin de son arrêt de travail prescrit par son médecin traitant.
La Chambre sociale de la cour de cassation vient de répondre par l'affirmative dans son arrêt en date du 5 janvier 2011.

Elle affirme clairement que si l'inaptitude du salarié à la suite d'une maladie professionnelle est médicalement constatée en cours d'arrêt de travail, cette déclaration marque la fin de la suspension du contrat de travail et autorise l'employeur à procéder le cas échéant au licenciement du salarié.

La validité du licenciement du salarié est donc admise.

Par sa décision, la chambre sociale de la cour de cassation réaffirme le principe de la prépondérance de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail sur l'arrêt de travail accordé par le médecin traitant.
Elle confirme sa jurisprudence inaugurée en 2005 en matière de maladie ou d'accident non professionnel (Cass. soc, 19 janv. 2005 n° 03-41.904, Preveyrand c/ Cie Abeille vie) et confirmée en 2010 (Cass. 2e civ., 8 avril 2010, n° 09-40.975, Sté Constructions métalliques Bayonnes SARL c/ Jaquet), selon laquelle l’inaptitude du salarié peut être constatée pendant la période de suspension du contrat de travail.

La jurisprudence classique selon laquelle la visite de reprise met fin à la période de suspension du contrat de travail (Cass. soc., 6 mai 1998, n° 96-40.506, Bel c/ Loupias) ne vaut plus dès lorsqu'on se situe dans un contexte d'inaptitude.

C'est donc bien la déclaration d'inaptitude, qui peut être effectuée à tout moment et pas seulement lors de la visite de reprise, qui marque la fin de la suspension du contrat de travail.
Sans attendre la fin de l'arrêt travail, l'employeur doit donc désormais, une fois que l'inaptitude a été valablement déclarée bien sûr, chercher des solutions de reclassement du salarié, et à défaut, le licencier dans le délai d'un mois.

L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 5 janvier 2011 permet de rééquilibrer l'inégalité, en faveur des salariés, du dispositif mis en place par la loi du 31 décembre 1992 en matière d’inaptitude à l’emploi, lequel a conduit à l'instauration d'une procédure peu compréhensible pour l'employeur que la jurisprudence n'a eu de cesse de complexifier (absence d'obligation pour le salarié d'informer l'employeur du recours qu'il exerce contre l'avis d'inaptitude, le versement d'indemnités journalières en attente du reclassement, les dangers d'un avis d'inaptitude imprécis etc...).

L'on peut cependant regretter que la Chambre sociale de la Cour de cassation ne se soit pas prononcée précisément sur le respect des règles qui balisent la déclaration d’inaptitude, lorsqu'elle intervient en cours de suspension du contrat de travail (une seule visite, deux visites, le délai entre les visites etc..)
Et pour cause, elle semble s'être affranchie des dispositions de l'article R. 4624-22, alinéa 2 du Code du travail au terme duquel " l'examen de reprise a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours ", peut être d'ailleurs en raison de la longueur de l'arrêt de travail ou bien encore du fait de l'indépendance professionnelle du médecin du travail qui reste le mieux placé pour savoir à quel moment il convient de procéder à la visite de reprise.
Les employeurs se doivent donc de rester vigilants……..

Article rédigé par Isabelle LEONETTI.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Cabinet d'avocat ROUSSE ET ASSOCIES

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