CSE action en nullité contre accord collectif

Le CSE peut agir en nullité d’un accord collectif mais sous conditions

Publié le : 06/12/2024 06 décembre déc. 12 2024

Le CSE peut, en application de l’article L. 2262-14 du Code du travail, agir en nullité d’un accord collectif, lorsque celui-ci viole ses droits propres résultant de l’exercice des prérogatives qui lui sont reconnues par des dispositions légales d’ordre public. 
La Cour de cassation a, toutefois, aux termes de son arrêt en date du 10 juillet 2024 (Cass. soc., 10 juill. 2024, n° 22-19.675), posé comme condition à l’exercice de l’action en nullité, que le périmètre du CSE coïncide parfaitement avec le champ d’application de l’accord contesté

Les dernières réformes législatives ont eu pour effet d’accorder une place toujours plus importante au dialogue social. De leur côté, les juridictions sociales ont reconnu la faculté pour une instance représentative du personnel d’agir en nullité d’un accord collectif en cas d’atteinte à ses droits propres. La Cour de cassation, quant à elle, par son arrêt, a entendu circonscrire cette action. 

Ce faisant, la Cour de cassation a entendu souligner que l’annulation d’un accord collectif était un acte lourd de conséquences. 

En effet, un accord collectif annulé étant réputé n’avoir jamais existé et toutes ses dispositions devenant caduques, l’on comprend aisément les craintes mises en lumière par la Haute juridiction en termes de sécurité juridique, et la nécessité de réserver l’exercice de cette action à certains cas bien précis. 

Si le CSE dispose d’un droit d’action en justice dès lors qu’il défend les prérogatives que la loi lui a attribuées, outre un pouvoir consultatif étendu, la Cour de cassation s’était déjà attachée à délimiter les contours de sa qualité à agir et avait à ce titre pu retenir que : 

-  Le CSE n’a pas qualité à agir pour demander en justice l’exécution d’un accord collectif dont il n’est pas signataire, même si le non-respect de cet accord a des conséquences sur son fonctionnement ou ses compétences (Cass. soc., 14 déc. 2016, N°15-20.812) ;

-  En revanche le CSE peut solliciter l’application d’un accord dont il est signataire ou bien solliciter l’indemnisation du préjudice découlant de son inexécution (Cass. soc., 8 avr. 2009, N°08-40.256). 

S’agissant de la faculté pour le CSE de contester la validité d’un accord collectif, la Cour de cassation avait déjà franchi une première étape en lui reconnaissant le droit d’invoquer par voie d’exception, l’illégalité d’une clause d’un accord collectif, au motif que cette clause viole ses droits propres, résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi (Cass. soc., 2 mars 2022, N°20-16.077). 

La possibilité pour le CSE d’agir par voie d’action directe en nullité d’un accord portant atteinte à ses prérogatives était toutefois restée en suspens. 

Par son arrêt en date du 10 juillet 2024, la Chambre sociale est donc allée plus loin en reconnaissant cette faculté au CSE, tout en précisant que le périmètre de l’institution représentative du personnel demandant la nullité de l’accord collectif doit couvrir l’intégralité du champ d’application de l’accord contesté.
 
En l’espèce, le litige dont a eu à connaître la Chambre sociale a trouvé sa source au sein d’une Unité Economique et Sociale (UES) composée de 17 établissements, chacun d’eux disposant de son propre CSE d’établissement. 

Parmi ces CSE, deux d’entre eux exerçaient la gestion directe de l’Activité Sociale et Culturelle (ASC) de restauration des salariés de leur périmètre.

Un nouvel accord collectif ayant été conclu avec les organisations syndicales concernant la gestion de l’ASC de restauration au sein de l’UES s’agissant notamment des modalités de son financement, les deux CSE d’établissement précités ont entrepris de solliciter l’annulation de cet accord, estimant que celui-ci portait atteinte au monopole de gestion conféré au CSE en matière d’ASC. 

Déboutés par la Cour d’appel de PARIS, ces deux CSE ont formé pourvoi devant la Cour de cassation , laquelle a statué en ces termes : 

« Eu égard aux effets de l’action en nullité d’un accord collectif, il y a lieu de juger que seule l’institution représentative du personnel, dont le périmètre couvre dans son intégralité le champ d’application de l’accord collectif contesté, a qualité à agir par voie d’action en nullité d’un accord collectif aux motifs qu’il viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par des dispositions légales d’ordre public. 
En l’espèce, il ressort de l’arrêt que les deux comités sociaux et économiques d’établissement contestant la légalité de l’accord du 31 mai 2019 portant sur la gestion de l’activité sociale et culturelle de restauration au sein de l’UES Orange conclu au sein de cette UES par les organisations syndicales représentatives dans ce même périmètre de l’unité économique et sociale. 
Le périmètre de chacun des deux comités sociaux et économiques d’établissement ne couvrant pas l’intégralité du champ d’application de cet accord collectif, leur action en nullité est irrecevable ». 

Dans cette affaire, les deux CSE ne remplissaient pas la condition tenant à la correspondance entre le champ d’application de l’accord collectif et leur périmètre d’intervention .

En effet, le périmètre des 2 CSE d’établissement ne couvrait pas l’intégralité du champ d’application de l’accord contesté, plus vaste puisque s’appliquant à l’ensemble de l’UES, soit aux 17 établissements la composant…

Une décision pour le moins raisonnée puisque l’annulation de cet accord aurait eu pour conséquence de remettre en cause l’ensemble du dispositif de restauration collective au sein de l’UES. 


Cet article n'engage que ses auteurs.

Auteurs

Eloïse GRAS-PERSYN
Avocate
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur
Caroline HENOT
Avocate Associée
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
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