Information médecin

L'obligation d'information d'un hôpital à l'égard d'une femme enceinte précédemment suivie dans un cadre privé

Publié le : 16/12/2019 16 décembre déc. 12 2019

En ne vérifiant pas que les informations dues avaient été dûment communiquées, la femme enceinte a en conséquence perdu l’opportunité de choisir de mener à bien cette grossesse ou non : CE 13 novembre 2019, req. N°420299.

1. Les conditions d'information d'une femme enceinte sur la possibilité d'un diagnostic prénatal lors de ses consultations médicales  

Lors du premier examen médical, ou à défaut au cours d'une autre consultation médicale, une femme enceinte doit être informée par le médecin ou la sage-femme de la possibilité d'effectuer un ou plusieurs examens dans le cadre d'un diagnostic prénatal afin d'évaluer le risque que l'embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse (amniocentèse etc.)[1]

La femme enceinte doit recevoir une information loyale, claire et adaptée à sa situation sur la possibilité de recourir à de tels examens de diagnostic prénatal.

Le médecin ou la sage-femme doit établir une attestation, cosignée par la femme enceinte, certifiant que les informations susvisées lui ont bien été transmises ou qu'à défaut elle n'a pas souhaité recevoir de telles informations[2].

La loi semble ainsi prioriser le devoir d’information de toute femme enceinte sur l’importance de l’examen lui-même et des résultats de celui-ci. Le point essentiel étant que la patiente ait pu faire un choix avisé sur la pertinence d’effectuer un tel examen.

Pour rappel, une interruption volontaire de grossesse peut être pratiquée à toute époque s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic[3].

2. Sur la responsabilité du centre hospitalier en cas de non information sur la possibilité pour une femme enceinte de recourir à un diagnostic prénatal

En l'espèce, en 2008, une femme enceinte, alors âgée de 40 ans, a effectué sa première échographie au sein d'un centre hospitalier auprès d'un praticien consultant en libéral (secteur privé). Elle a ensuite effectué sa seconde échographie au sein d'un cabinet de radiologie privé. Aucune de ces échographies n'a mis en évidence une quelconque anomalie.

La patiente a effectué sa troisième échographie au sein du centre hospitalier, mais cette fois-ci dans le cadre d'une consultation publique. A nouveau, aucune anomalie n'a été détectée lors de cette échographie.  

Pourtant, la patiente a donné naissance quelques mois plus tard à un enfant atteint de trisomie 21 et souffrant d'une malformation cardiaque.
La patiente a alors décidé d’intenter une action en responsabilité à l’encontre de l’hôpital devant le Tribunal administratif de Pau.

La Cour administrative d'appel de Bordeaux avait estimé que le centre hospitalier n'avait pas commis de faute en omettant d'informer la patiente sur la possibilité d'une amniocentèse et de son intérêt en cas de risque de trisomie 21.

Le Conseil d'Etat a jugé que la Cour administrative d'appel avait entaché son arrêt d'une erreur de droit en retenant que "lorsqu'un praticien d'un centre hospitalier reçoit en consultation une femme enceinte ayant auparavant été suivie dans un autre cadre, il lui appartient de vérifier que l'intéressée a, antérieurement, effectivement reçu l'information prévue à l'article L.2131-1 du Code de la Santé Publique et, à défaut, de lui donner cette information, y compris jusqu'aux derniers moments de la grossesse."

En effet, le Conseil d'Etat a estimé que même à un stade avancé de la grossesse, il est encore possible de pratiquer une amniocentèse et, le cas échéant, une interruption médicale de grossesse. L'information prévue aux articles L.2131-1 et R.3121-2 du Code de la Santé Publique n'ayant pas été reçue par la patiente, la responsabilité du centre hospitalier doit être retenue pour manquements du praticien au cours de la consultation publique.

Cet exemple illustre donc bien que le Conseil d’Etat a veillé à ce que la liberté de jugement qui est offerte à la femme enceinte jusqu’aux derniers instants de la grossesse lui soit accessible. En ne vérifiant pas que les informations dues avaient été dûment communiquées, la femme enceinte a en conséquence perdu l’opportunité de choisir de mener à bien cette grossesse ou non. C’est cet élément clé que vient condamner le Conseil d’Etat avec un tel arrêt.

Le Conseil d'Etat a en revanche écarté la responsabilité de l'hôpital lors de la première consultation réalisée dans le cadre de l'activité libérale d'un de ses praticiens[4]. En effet, le fait que cette consultation ait été menée dans un contexte libéral détachait l’hôpital de sa responsabilité vis-à-vis de la patiente.


Cet article n'engage que son auteur.
 
[1] Article R.2131-2 du Code de la Santé Publique
[2] Article L.2131-1 II du Code de la Santé Publique
[3] Article L. 2213-1 du Code de la Santé Publique
[4] CE 10 oct. 1976, n°84178, Demoiselle de Saint-Louvent et CPAM du Calvados

Auteur

VUCHER-BONDET Aurélie
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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