L'actualité du droit d'auteur

Publié le : 03/12/2008 03 décembre déc. 12 2008

L’objet de cette courte note est de livrer, à travers l’actualité légale et jurisprudentielle, un aperçu des points clés du droit d’auteur.

La protection du droit d'auteur1. Les sources du droit d'auteur

2. Les Œuvres protégées et auteurs particuliers


3. Droits patrimoniaux et exceptions

4. Droit moral

5. Les Contrats d’exploitation de droits d’auteur

6. Les mesures techniques de protection du droit d’auteur

7. Questions procédurales

8. Droit international privé



1. Les Sources du droit d’auteur

Plusieurs modifications législatives récentes sont intervenues, enrichissant ainsi le livre I du code de propriété intellectuelle.

La loi n°2006-961 du 1er Aout 2006 avait notamment pour objet la transposition de la directive 2001/29 du 22 mai 2001 visant à rapprocher les législations des Etats membres en matière de propriété littéraire et artistique en prenant en compte l'impact des nouvelles technologies de l'information, mais également la création d’une exception aux droits exclusifs en faveur des handicapés et enfin la reconnaissance de la qualité d'auteur aux agents publics pour les œuvres réalisées dans le cadre de leurs fonctions.

La loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 sur la lutte contre la contrefaçon a également transposé une directive communautaire (2004/48/CE du 29 avril 2004 ) en matière de droit de propriété industrielle (dessins et modèles, brevets, topographies de produits semi-conducteurs, obtentions végétales, marques, appellations d'origine et indications géographiques) ainsi qu’en matière de droit d'auteur, de droits voisins et de droits sui generis des producteurs de bases de données.

Ces nombreuses transpositions illustrent l’importance du droit communautaire comme source du droit d’auteur. A ce jour, pas moins d’une dizaine de directives traitent de cette matière. Le praticien doit donc toujours avoir à l’esprit le « reflexe directive ».

La très récente loi de Modernisation de l’Economie du 4 août 2008 institue une compétence matérielle unique des Tribunaux de Grande Instance pour toutes les contestations relatives à l'application des dispositions de la première partie du code de propriété intellectuelle (article 135).

Enfin, un projet de loi dite « création et internet » est actuellement à l’étude. Il prévoit notamment un nouveau système de sanction pour des téléchargements illégaux : une nouvelle Autorité Administrative Indépendante (HADOPI) serait créée afin notamment d’élaborer des sanctions spécialement applicables en la matière (ex : résiliation des abonnements internet).

Au plan international, trois conventions sont à retenir en matière de droit d’auteur : la convention de BERNE (1886), les traités de l’OMPI (1996) sur l’environnement numérique et les accords ADPIC, directement applicables en droit français.


2. Les Œuvres protégées et auteurs particuliers

Pour être protégée au titre du droit d’auteur, une œuvre doit répondre à deux critères.

Elle doit être matérialisée, c'est-à-dire être incarnée dans une forme palpable. La simple idée ou le simple concept ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur.

L’œuvre doit également satisfaire au critère de l’originalité. La jurisprudence récente nous fournit quelques exemples de mise en œuvre de ce critère. La photographie de plateau qui tantôt sert à faciliter le montage mais peut être également utilisée pour la publicité d’un film, peut-elle être protégée au titre du droit d’auteur ?
Il faut ici distinguer : si le photographe agit sur instruction, l’originalité ne peut être caractérisée, en revanche, si le moment, la pose ou le décor est à l’initiative du photographe, l’originalité pourra être démontrée. Précisons que la finalité utilitaire n’empêche pas une œuvre d’être protégée par le droit d’auteur. Cette solution a été récemment réaffirmée par la Cour de Cassation (1ère. Civ., 14 février 2008). En revanche, si la forme choisie est exclusivement fonctionnelle, la protection du droit d’auteur ne peut être accordée.

Aspect non négligeable du droit d’auteur (création de logiciels, de publicités…), la création d’une œuvre par un salarié reste un domaine peu exploité du fait de l’ignorance des salariés ou des employeurs de leurs droits et obligations dans ce domaine.

Que l’auteur soit salarié ou non, la cession implicite de droits n’existe pas : le droit du salarié sur son œuvre est réel sauf si il y a eu cession de ce droit à l’employeur. La jurisprudence est constante sur ce point : le salaire n’est pas la cause de la cession.
La cession anticipée est également prohibée puisque la cession des œuvres futures est interdite par la loi et que la désignation d’une œuvre inexistante est impossible par définition. En revanche, si le salarié est embauché pour créer une œuvre future, la cession anticipée est possible. A défaut, il est possible de prévoir une cession au coup par coup ou, en cas d’impossibilité matérielle (cas où les cessions seraient trop nombreuses), il est possible de rédiger une clause cadre de cession.

La notion d’œuvre collective a une incidence directe sur la création du salarié. En effet, elle résulte souvent de la création au sein de l’entreprise.
Depuis 1993, la personne morale qui exploite commercialement sous son nom une œuvre à l’élaboration de laquelle ont contribué plusieurs participants est, jusqu’à preuve du contraire, présumée propriétaire d’une œuvre collective. La jurisprudence applique largement la présomption. Une société n’a pas à faire la preuve de son droit d’auteur dès lors qu’il est constant qu’elle exploite commercialement les objets contrefaits.
Dès lors, cette présomption, particulièrement favorable à la personne morale, peut se révéler comme un moyen efficace de contournement du droit du salarié sur une œuvre.

Le régime des œuvres créées par un fonctionnaire a été pendant longtemps inexistant alors que la création audiovisuelle et multimédia dans la fonction publique est une réalité, notamment dans l’enseignement.
La question a été mise à l’étude par le CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique) qui a émis un avis favorable à l’établissement d’un vrai régime du droit d’auteur des fonctionnaires. Cet avis a été repris par la loi du 1er Aout 2006 (précitée) qui dispose notamment que le droit d’auteur naît sur la tête du fonctionnaire et que la cession des droits patrimoniaux est automatique pour toutes les exploitations liées au service public. En revanche, pour toutes exploitations commerciales, l’administration devra acquérir les droits mais bénéficiera d’un droit de préemption (s’agissant de ce droit de priorité, le décret est toujours attendu).


3. Droits patrimoniaux et exceptions

L’auteur a un droit exclusif de reproduction et de représentation sur son œuvre. Ces deux droits recouvrent des hypothèses très larges. En effet, le droit de représentation se définit comme toute communication de l’œuvre au public. Dans le même sens, il a été jugé que même la très courte reproduction constitue une exploitation de l’œuvre.

Mais les droits patrimoniaux des auteurs connaissent plusieurs exceptions qui sont énumérées à l’article L122-5 du Code de Propriété Intellectuelle.
Le domaine de certaines exceptions reste vague. Ainsi, les contours de l’exception de copie privée varient selon que l’on s’attache à la personne du copiste et dans ce cas c’est à elle seule que l’exception est réservée (V. jurisprudence de la cour de cassation) ou à la nature de l’usage (V. directive européenne « Société de l’Information » précitée qui définit le droit de copie privée par l’usage privé, peu important qui en fait l’usage)
Dans l’arrêt Mulholand Drive (Cass. 1ère civ 28 février 2006 ; JCPG 2006, II, 10084), il semble que la jurisprudence de la cour de cassation ne réserve plus l’exception de copie privée au seul copiste et se rapproche davantage de la conception adoptée par la directive.


4. Droit moral

Le droit moral sur une œuvre comprend le droit de divulgation qui se définit comme la démarche de porter une œuvre à la connaissance du public (ex : publier un livre).
Le droit moral comprend également le droit à la paternité de l’œuvre. L’auteur jouit du droit au respect de son nom ainsi que de sa qualité. La jurisprudence (CCass, 1ère chambre civile, 13 février 2007) a précisé que l’auteur pouvait renoncer à divulguer son nom mais cette renonciation est révocable à tout moment.

Mais le droit moral n’est pas un droit discrétionnaire et de nombreuses décisions de jurisprudence y apportent des limites.
Ainsi, dans un arrêt SAS Warner Chappell Music France c/ Perret (Civ. 1ère, 7 novembre 2006), la cour de cassation confirme l’absence de violation du droit moral du chanteur Pierre PERRET dont l’une des chanson avait été insérée dans une compilation : « Mais attendu que l’exploitation d’une œuvre au sein d’une compilation, mode d’exercice du droit patrimonial cédé, n’est de nature à porter atteinte au droit moral de l’auteur, requérant alors son accord préalable, qu’autant qu’elle risque d’altérer l’œuvre ou de déconsidérer l’auteur ; »
Dans une décision rendue à propos de la suite de l’œuvre Les Misérables de Victor HUGO, la Cour de cassation a considéré que le fait d’écrire la suite d’une œuvre n’était pas une atteinte en soi au droit moral de l’auteur de l’œuvre première, l’atteinte doit être démontrée.

Il ne faut donc pas hésiter à plaider que le droit moral, même si il est protecteur, n’est pas absolu et qu’il peut venir en contradiction avec d’autres droits. En principe, le droit moral ne devrait pas s’exercer en fonction de considérations économiques, mais en pratique, il est souvent utilisé comme une « arme » dans des contentieux purement économiques.


5. Les Contrats d’exploitation de droits d’auteur

La loi impose un formalisme important en matière de contrat de cessions de droits d’auteur ce qui impose en pratique la nécessité d’un écrit. En vertu de l’article L131-3 du code de Propriété Intellectuelle, certaines mentions doivent obligatoirement apparaître telles que les différents modes d’exploitation de l’œuvre ou encore la rémunération de l’auteur pour chacun de ces modes d’exploitation. L’écrit s’impose donc pour toutes les cessions.
La principale difficulté réside dans la question de savoir ce qui constitue un mode d’exploitation autonome. L’article L122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle en donne une liste non exhaustive à laquelle il est possible de se référer.
Corrélativement, les cessions de droit d’auteur sont gouvernées par un principe d’interprétation stricte, favorable à l’auteur (article L122-7 du Code de la Propriété Intellectuelle).
La jurisprudence laisse néanmoins une place à la bonne foi contractuelle en acceptant des modes d’exploitation de l’œuvre impliqués par la rédaction et l’esprit du contrat sur le fondement de la commune intention des parties et de l’article 1135 du code civil.

La rémunération de l’auteur doit faire obligatoirement l’objet d’une stipulation contractuelle. La loi envisage d’une part, la rémunération proportionnelle, présentée comme le principe et d’autre part, la rémunération au forfait, qui doit rester l’exception.
En pratique, le système du forfait est appliqué dans les hypothèses, assez fréquentes, où il n’existe pas de base de calcul pour une rémunération proportionnelle (publicité ou film diffusé à la télévision).
De plus, un arrêt de la Cour de Cassation du 20 novembre 2006 a précisé que les règles de rémunération proportionnelle en matière de droit d’auteur ne s’imposent pas à l’œuvre collective : les contributeurs des œuvres collectives peuvent être rémunérés au forfait, y compris pour les œuvres futures.
Les magistrats se réservent le droit de réviser le montant de ce forfait (Arrêt CCass, 14 juin 2007) en cas de lésion de plus des 7/12 ou en cas de prévision insuffisante de produit de l’exploitation de l’œuvre. Dans une telle hypothèse, on peut se demander sur quelle base de calcul se fait la révision puisque le forfait est utilisé lorsque justement aucune base de calcul assez précise ne permet d’opter pour une rémunération proportionnelle.


6. Les mesures techniques de protection du droit d’auteur

La question s’est posée de savoir comment les mesures techniques de protection du droit d’auteur pouvaient se combiner avec les exceptions admises en la matière (cf. point 3).

La jurisprudence y a répondu par la méthode dite du « triple test » pour valider ou non l’exception (détaillée à l’article 9.2 de la Convention de Berne, et à l’article 5.5 de la Directive sur la Société de l’information de 2001). Pour être validée comme une exception, l’usage de l’œuvre doit être (i) un cas spécial, (ii) une exploitation normale de l’œuvre et (iii) une exploitation sans préjudice injustifié pour l’auteur.
Dans le célèbre arrêt Mulholland drive (précité), la Cour de Cassation a estimé que l’exception de copie privée admise par le code de la Propriété Intellectuelle ne pouvait « faire obstacle » à l’insertion de mesure anti copie dès lors qu’elle aurait pour effet de porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, une telle atteinte devant s’apprécier « au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d’auteur et de l’importance économique que l’exploitation de l’œuvre, sous forme de DVD, représente pour l’amortissement des coûts de production cinématographique ».


7. Questions procédurales

L’article 135 de la loi de Modernisation de l’Economie dispose que les Tribunaux de Grande Instance sont désormais exclusivement compétents pour connaître de tous litiges relevant de la première partie du Code de Propriété Intellectuelle. Il est cependant regrettable que les décrets d’application sur les TGI spécialisés en cette matière ne soient pas encore parus.
Rappelons que la très importante mais discrète réforme de la procédure civile issue de la loi du 17 juin 2008 a instauré de nouveaux délais en matière de prescription de l’action du titulaire du droit d’auteur qui se prescrit désormais « par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » [Article 2224 du code civil]


8. Droit international privé

Selon le principe communautaire de non-discrimination, tout ressortissant de l’Union Européenne peut revendiquer un droit devant un Tribunal français dans les mêmes conditions que les justiciables français.
Pour les rapports juridiques extra communautaires, la Convention de Berne a vocation à s’appliquer. Elle prévoit un mécanisme dit de traitement national et qui se définit comme la faculté de pouvoir venir défendre son droit d’auteur comme n’importe quel ressortissant du pays dans le quel l’action est intentée ou subie.
Chaque fois que la convention de Berne ne trouve pas à s’appliquer, le principe de réciprocité est mis en œuvre : sont exclues de la protection en France les œuvres publiées pour la première dans un pays étranger qui n’assure pas, sur son propre territoire, une protection suffisante et efficace des œuvres publiées pour la première fois en France (article L 111-4 du Code de la Propriété Intellectuelle).





Cet article n'engage que son auteur.

Auteurs

BIDAUT Tiphaine
HERPE François
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
PARIS (75)
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