A propos de la loi du 12 mai 2009

Publié le : 27/05/2009 27 mai mai 05 2009

Le 12 mai dernier, a été adoptée la loi n° 2009-526 qui, non sans un certain humour, s'intitule « loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures » ...
La loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procéduresLa machine législative s'est encore emballée !

Le 12 mai dernier, a été adoptée la loi n° 2009-526 qui, non sans un certain humour, s'intitule « loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures » ...

Elle a dès le 14 mai subi une première modification ... les autres sont à suivre !

Très beau spécimen de loi « fourre-tout », elle ne compte pas moins de 140 articles, articulés de façon très artificielle en cinq chapitres respectivement dénommés :

- « mesures de simplification en faveur des citoyens et des usagers des administrations »
- « mesures de simplification en faveur des entreprises et des professionnels »
- « mesures de simplification des règles applicables aux collectivités territoriales et aux services publics »
- « dispositions de clarification du droit en matière pénale »
- « ratification d'ordonnances »

En réalité, ces différents chapitres modifient tour à tour, quoique de façon très inégale, la plupart de nos codes (1) mais également divers textes non codifiés (loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, loi du 6 janvier 1978 dite informatique et libertés, loi du 9 juillet 1991 sur les procédures d'exécution, loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, loi du 5 mars 2007 de réforme de la protection des majeurs, loi LME du 4 août 2008, loi du 20 août 2008 dite « rénovation de la démocratie sociale, etc., ... )

Une façon astucieuse de contourner la prohibition des « cavaliers législatifs », en lançant un véritable régiment de cavalerie !

Il n'est pas possible ici d'inventorier l'ensemble des modifications apportées, mais seulement d'appeler l'attention sur l'existence de cette nouvelle « monstruosité » pseudo législative, de manière à ce que chacun, dans sa spécialité, y cherche les informations susceptibles de l'intéresser ...

Tantôt, c’est un mot qui est supprimé ou remplacé, tantôt, c’est un pan entier qui s’ajoute ou se substitue …

Mais les juristes savent bien qu’un mot pour un autre, comme la place d’une virgule dans la phrase, suffisent à changer le sens et la portée d’une disposition …

Les praticiens du droit ne manqueront pas de mesurer tous les bienfaits à en retirer en matière de sécurité juridique ...
On relèvera également que le texte est l'occasion de ratifier quelques dizaines d'ordonnances, et d'ouvrir encore de nouvelles possibilités de légiférer par cette voie, instaurée par l'article 38 de la Constitution.


Parmi quelques dispositions scélérates, relevons celle de l'article 6 qui, sous prétexte d'allègement et de simplification des procédures, restreint le droit des indivisaires d'agir en justice dans le cas où un indivisaire refuse de consentir à un acte de disposition, et leur impose désormais un passage préalable par le notaire et un délai minimum de 4 mois avant de pouvoir saisir le juge !

Quant à l'article 73 qui fait du président de la conférence des bâtonniers et du bâtonnier de Paris des membres de droit du C.N.B., l'on cherchera vainement en quoi le droit en est clarifié, ou en quoi la procédure s'en trouve allégée !

Soulignons enfin quelques avancées terminologiques de premier plan : réméré devient rachat, commodat devient prêt à usage, antichrèse devient gage immobilier – ce qu'ils n'avaient pas cessé d'être - hérédité devient succession, impense devient dépense, habile à devient capable de, tradition réelle devient remise de la chose, ce qui diffère dans l’individu devient différent ...

Une brise politiquement correcte souffle sur l'article 1958 du Code Civil, et le colon partiaire qui subsistait aux articles 1827 et suivants devient un métayer (2).

Les justiciables n'auront bientôt plus besoin de juristes pour comprendre le droit !

Gageons que prochainement, le vocabulaire médical, le vocabulaire informatique, et, en règle générale tous les langages de spécialistes deviendront aussi limpides qu'une page de la méthode Boscher, et nous n’aurons plus besoin de médecins ni de techniciens !


Bien sûr, il faut simplifier le Droit, le clarifier, alléger les procédures.

Mais s'agit-il de faire « le droit pour les nuls » ?

Le Droit ne doit-il pas rester un Droit avec un grand « D » ?
Ne doit-il pas rester affaire de Juristes, avec un grand « J », plutôt que réglementations de bureaucrates ?

Esprit de Portalis, Reviens parmi nous !...


Index:

(1) code civil, des collectivités, du travail, de la sécurité sociale, de la consommation, rural, de la santé publique, des douanes, forestier, des impôts, des communes, des postes et communications électroniques, de l'aviation civile, de l'action sociale, des propriétés publiques, du tourisme, des assurances, du domaine public fluvial, de la propriété intellectuelle, électoral, minier, de procédure pénale, de l'urbanisme, de la construction, de l'organisation judiciaire, de justice administrative, de l'environnement, des pensions militaires, de commerce, du sport, de la défense, des étrangers, de justice militaire, monétaire et financier, de la mutualité, du patrimoine, de la route, livre des procédures fiscales, etc.,..
(2) le colonat partiaire, sorte de bail rural hérité du droit romain, a été supprimé depuis 2005

Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

CHARLES-NEVEU Brigitte
Avocate Honoraire
NEVEU, CHARLES & ASSOCIES
NICE (06)
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