Actualité jurisprudentielle des éoliennes

Actualité jurisprudentielle des éoliennes

Publié le : 18/01/2011 18 janvier janv. 01 2011

Le juge, tant administratif que judiciaire, confronté à la problématique éolienne, dans des contextes juridiques certes distincts, se trouve confronté à l’inquiétude d’une partie de la population à l’égard de ces équipements.

Implantation des éoliennes« Le vent de prospérité change bien souvent de côté » rappelle un proverbe bien connu. En matière d’éoliennes, il en est de même : les décisions juridictionnelles les plus récentes se montrent de plus en plus exigeantes à l’encontre des éoliennes encadrant d’autant plus les lieux potentiels d’implantation des éoliennes.

Le juge, tant administratif que judiciaire, confronté à la problématique éolienne, dans des contextes juridiques certes distincts, se trouve confronté à l’inquiétude d’une partie de la population à l’égard de ces équipements.


I – Jurisprudence administrative :

Les recours à l’encontre des permis de construire éoliens se multiplient et engendrent un nombre important d’annulations, les moyens retenus par le juge étant particulièrement divers en la matière.

En revanche, de nombreux rejets de requêtes sont liés non pas à la qualité du procès, mais à celle des arguments avancés, le juge considère parfois que les arguments présentés n’étaient pas suffisamment développés.

Ainsi, en est-il, par exemple, d’un développement portant sur l’atteinte à un paysage, sans que les caractéristiques et spécificités propres à ce paysage ne soient même évoqués. Il convient à cet égard de rappeler l’importance de ne pas procéder par voie de simple assertion mais bien de procéder à une véritable démonstration à destination du juge.

Le dernier trimestre 2010 a été marqué, une nouvelle fois, par de nombreuses annulations tenant à des moyens tant de forme que de fond.

1°/ Le Code de l’Urbanisme (article R.423-1) exige que la demande de permis de construire soit déposée par le propriétaire du terrain ou, à tout le moins, par une personne habilitée à le faire.

Règle classique en matière d’urbanisme, la méconnaissance de cet impératif n’est pas rare en matière d’éoliennes.

Ainsi, dans un arrêt en date du 12 octobre 2010, la CAA de Lyon a pu annuler le permis de construire concernant une des éoliennes d’un parc. Le juge retient que le pétitionnaire n’a produit « une convention de bail [ne concernant] que la seule parcelle cadastrée C 72 » alors même que l’ouvrage était « implanté sur les parcelles cadastrées C72 et C73 dont la société n’était pas propriétaire. » (1)

Le même moyen a été retenu par le TA de Nîmes lequel a relevé que, « à la date d’édiction de l’arrêté en litige » la parcelle assiette du projet, appartenant une « section de commune qui était opposée à la vente » n’avait pas encore été transférée dans le domaine communal. (2)


2°/ Le déroulement de l’enquête publique et, particulièrement, le contenu des conclusions du commissaire enquêteur peuvent également conduire à une annulation radicale du permis de construire éolien.

Ainsi en est-il par exemple, du commissaire enquêteur se contentant de retenir que tous les « éléments ont été pris en compte lors de l’étude environnementale conduite » et « que les organismes et collectivités territoriales se sont prononcées favorablement au classement d’une Zone de Développement Eolien. […] et qu’il nous faut en prendre acte. » Pour annuler le permis délivré, le juge retient ici que « le commissaire enquêteur s’est ainsi abstenu de donner son avis personnel et motivé sur le site d’implantation retenu pour le parc éolien litigieux. » (3)


3°/ Plus fréquemment, les moyens développés à l’encontre des permis éoliens relèvent la notion d’insuffisance de l’étude d’impact. A cet égard, le juge administratif procède à une appréciation concrète de l’argument et ne censurer que les insuffisances « substantielles. »

Tel est particulièrement le cas lorsque les investigations de terrain ont été « réalisées au cours du mois de décembre […], période où la plupart des espèces animales et végétales ne sont pas visibles », que « s’agissant de l’étude de la reproduction des batraciens, aucune inventaire complémentaire n’a été réalisé pendant la période estivale », que « aucune étude n’a été menée sur les déplacements et la mortalité des chiroptères particulièrement présents sur le site » et que « l’étude paysagère n’a pas été accompagnée d’illustrations graphiques adaptée, montrant les éléments territoriaux affectés ou non par la vision des machines. » (4)


4°/ S’agissant du fond, l’article R.111-2 permettant à l’autorité administrative compétente de refuser un permis de construire dès lors qu’un risque existe pour la sécurité ou la salubrité publique est quasi-systématiquement soulevé.

La jurisprudence précédente est toujours appliquée en ce sens que le juge retient l’illégalité d’un permis de construire dès lors que l’antenne est implantée à moins de 500 mètres de maisons d’habitation en raison du risque de rupture du mât et de détachement de tout ou partie des pâles.

Tel est par exemple le cas d’un hameau situé à 400 mètres d’un aérogénérateur (5).
En revanche, l’existence d’une ligne électrique à haute tension à 120 mètres ou d’une voie départementale à 150 mètres ne démontre pas l’existence d’un tel risque dès lors que « une voie de circulation n’induit pas une exposition permanente au risque que peut comporter une éolienne. (6

De même, l’implantation à 110 mètres d’un chemin de grande randonnée ne peut justifier un risque d’atteinte à la sécurité publique dès lors que, les randonneurs ne stationnant pas, les risques demeurent pour eux minimes (7).


5°/ La dénaturation d’un paysage, souvent invoquée comme moyen d’annulation, est également souvent retenue par le juge administratif dans le cadre de l’examen d’un permis de construire. Cet argument est alors déployé autour de l’article R.111-21 du C.U., applicable dans toutes les Communes, qui permet de sanctionner des « atteintes au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains. »


Dans l’analyse de ce moyen, le juge prend soin de qualifier le paysage et, en cas de paysage qualifiable de remarquable et/ou de préservé, de vérifier si les modifications apportées à ce paysage sont acceptables ou non.

Ainsi, dans un paysage sans aucune spécificité, le permis de construire sollicité devra être accordé. La CAA de Bordeaux a ainsi récemment affirmé que « les terrains d’implantation des quatre éoliennes projetées par la société Yvéole sont situés sur d’anciens marais asséchés, à l’extrémité nord du marais du Marouillet, sont composés de parcelles cultivées formant une plaine sans spécificité paysagère, et sont environnés de constructions et d’infrastructures de transport ; […] Si ces éoliennes seront visibles du littoral atlantique, leur impact visuel minime ne sera pas de nature à nuire au site maritime que constitue ce littoral. (8

Même dans le cadre d’un espace remarquable, la CAA de Marseille a été amenée à mettre en balance l’atteinte générée et l’intérêt que présente cette implantation pour le territoire, dénaturant, par ainsi, le but de l’article R.111-21 qui réside exclusivement dans la protection des paysages. En l’espèce, après avoir noté que « l’aire d’implantation des éoliennes est située […] dans un secteur inventorié […] parmi les paysages caractéristiques ou remarquables de niveau d’intérêt national, dans la ZNIEFF de type II des Monts du Somail, Epinouse et Caroux » et que le projet entraîne « une inévitable altération de la vision éloignée ou rapprochée du site », le juge rejette le moyen en retenant que cette implantation « ne conduit ni à sa dénaturation, ni à la transformation de ses caractéristiques essentielles » et que cette atteinte « n’est pas disproportionnée par rapport à la défense des autres intérêts publics que cette implantation assure en matière de préservation des espaces naturels, notamment l’économie des territoires utilisés par la recherche d’une concentration des équipements de production d‘énergie. (9)»

A l’inverse, dès lors que le site est remarquable et que le projet conduit à le dénaturer, l’annulation du permis de construire délivré est automatique. S’agissant d’un projet situé à proximité des Montagnes Noires, la CAA de Nantes a ainsi relevé récemment que « eu égard à la dimension des éoliennes en cause et à leur situation à quelques mètres en contrebas d’une ligne de crête, dans un site naturel remarquable, alors même que l’étude d’impact produite au dossier de demande aurait fait état d’une insertion réussie dans le site, en insistant sur la visibilité partielle ou inexistante du parc éolien à partir des points proches ou éloignés, le préfet en délivrant le permis contesté, a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation. (10


6°/ L‘implantation d’éoliennes au sein d’une zone agricole fait également l’objet de plusieurs décisions juridictionnelles récentes autour de deux questions centrales.

D’une part, s’agissant d’une zone dans laquelle pouvaient exclusivement être érigées « les constructions directement liées et nécessaires aux activités [agricoles, sylvicoles et extractives et au logement d’animaux incompatibles avec les zones urbaines », le Conseil d’Etat a affirmé qu’un projet d’éoliennes « est sans lien avec une activité de cette nature. » (11)


Il s’agit ici de la confirmation d’une analyse logique : une éolienne ne saurait constituer une activité agricole.

D’autre part, de nombreux règlements de POS ou de PLU autorisent, en zone agricole, les équipements publics ou d’infrastructure.

A ce propos, et en l’absence de réponse certaine du Conseil d’Etat à ce jour, les décisions récentes des CAA empruntent des sens opposés.

Ainsi, dans un arrêt en date du 29 juin 2010, la CAA de Nantes avait relevé que « si le projet [d’implantation de six éoliennes] revêt le caractère d’un équipement collectif, l’électricité produite bénéficiant de l’obligation d’achat par Electricité de France prévue par l’article 10 de la loi du 10 février 2000, il ne peut être regardé ni comme une construction à usage d’infrastructure, ni comme un équipement public au sens des dispositions de l’article NC1 précité du règlement du plan d’occupation des sols de Francourville, dès lors qu’il n’est pas directement affecté à l’exécution même du service public de l’électricité. (12

A l’inverse, dans son arrêt en date du 25 novembre 2010 la CAA de Marseille a retenu une position inverse estimant que « eu égard à leur importance et à leur destination, les aérogénérateurs en cause doivent être regardés comme des équipements d’intérêt public d’infrastructures et ouvrages techniques qui y sont liés » et que, en conséquence, « la construction d’éoliennes et de transformateurs font partie des constructions autorisées par les articles NC1 et ND1. » (13)


7°/ Enfin, la problématique récente relative à l’application de la loi Montagne aux éoliennes a vu plusieurs décisions récentes.

L’été dernier, le Conseil d’Etat avait reconnu que les éoliennes portaient extension de l’urbanisation et tombaient en conséquence sous le coup de l’article L.145-3 du C.U. (14) tout en admettant que les parcs éoliens « eu égard à [leur] importance et à [leur] destination pouvaient bénéficier »de la dérogation à l’urbanisation en continuité des groupes de construction prévue au III de l’article L.145-3 du C.U.

Les CAA de Lyon et de Marseille font désormais une pleine application de ces principes accordant le bénéfice de cette dérogation à l’ensemble des parcs éoliens. (15)

La CAA de Nantes devrait bientôt se prononcer sur la construction d’éoliennes dans les communes littorales étant entendu que contrairement, à la loi Montagne, la loi Littoral n’admet pas de dérogation aussi générale à l’obligation de construction en continuité.



II – Jurisrpudence judiciaire :

Le juge judiciaire a, jusqu’à présent, peu été amené à se prononcer sur les conséquences de la construction d’un parc éolien.


On se souvient que, dans son jugement du 4 février 2010, le TGI de Montpellier avait, sur le fondement des troubles du voisinage, ordonné la destruction sous astreintes de quatre éoliennes causant des nuisances visuelles et auditives tout en condamnant le porteur du projet au paiement d’une indemnité de 200.000 € au titre du préjudice de jouissance et 228.673 € au titre de la dépréciation foncière. (16)

La CA de Rennes, dans un arrêt du 16 septembre 2010, vient, pour sa part, d’annuler un compromis de vente au motif qu’ont commis une erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, les acquéreurs d’une habitation qui ont découvert qu’avait été délivré, à 600 mètres, un permis de construire pour un parc éolien.

La Cour s’appuyant sur les nuisances sonores et les risques de projection de pales retient ici que « L'implantation d'éoliennes à une distance de 587 mètres pour la plus proche engendrant de manière certaine un bruit continuel et susceptible d'être qualifié de nuisance par les amateurs d'environnement calme, outre des risques de projection accidentelle, le consentement des époux CORLAY a été vicié par une erreur portant sur une qualité intrinsèque de l'immeuble, soit sa situation dans un environnement privilégié. » . (17)


Au regard de ces nombreuses décisions, le contentieux en lien avec les éoliennes a encore de beaux jours devant de lui. Le vent a décidément tourné en la matière.


Index:

(1) CAA de Lyon, 12 octobre 2010, Association Vent de Raison, n°08LY02786
(2) TA Nîmes, 19 novembre 2010, Mme Claire BARTHELEMY et autres, n°0604116
(3) TA Caen, 12 novembre 2010, Mr et Mme ROGER, n°0902008.
(4) CAA Nantes, 12 octobre 2010, Association Vent de Raison et autres, n°08LY02786
(5) CAA Lyon, 12 octobre 2010, précité.
(6) Même arrêt.
(7) CAA Marseille, 25 novembre 2010, EDF en France, n°09MA00756.
(8) CAA Bordeaux, 28 septembre 2010, Ministre de l’Ecologie, n°09BX02666
(9) CAA Marseille, 25 novembre 2010, précité. Voir en des termes assimilables CAA Marseille, 21 octobre 2010, n°08MA03443.
(10) CAA Nantes, 24 décembre 2010, précité.
(11) Conseil d’Etat, 26 novembre 2010, Ministre de l’Ecologie, n°320.871
(12) CAA Nantes, 29 juin 2010, SARL Recherches et Développement Eoliens
(13) CAA Marseille, 25 novembre 2010, précité.
(14) Conseil d’Etat, 16 juin 2010, n°311.840 ; Conseil d’Etat, 16 juillet 2010, n°324.515
(15) CAA Lyon, 12 octobre 2010, Association Vent de Raison, n°08LY02786 ; CAA Marseille, 21 octobre 2010, SA Tencia, n°08MA00500 ; CAA Marseille, 25 novembre 2010, n°09MA00756
(16) TGI Montpellier, 4 février 2010, Mme Benet, et autres, n°06/05229
(17)CA Rennes, 16 septembre 2010, n°08/07578







Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Rafa Irusta - Fotolia.com

Auteurs

Adrien COLAS
Vincent LAHALLE
Avocat Associé
LEXCAP RENNES
RENNES (35)
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