Accidents de ski : quel Juge saisir ?

Publié le : 02/02/2010 02 février févr. 02 2010

La responsabilité des Communes du fait des dommages subis par les skieurs est désormais une compétence partagée.

Responsabilité en cas d'accident de skiLa responsabilité des Communes du fait des dommages subis par les skieurs est désormais une compétence partagée

Les joies de la glisse ne sont pas sans danger. Le skieur malchanceux qui aura été accidenté devra veiller à saisir le juge compétent.
Jusqu'à présent, il devait saisir le juge administratif sur le fondement du manquement du Maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ou pour défaut d'entretien des pistes si la Commune exploitait son domaine skiable en régie. Par contre, si elle l'avait délégué à un exploitant, le juge judicaire était seul compétent.

Désormais, si la responsabilité de la Commune sur le territoire de laquelle un accident de ski s’est produit peut toujours être engagée devant le Juge administratif au titre de l’exercice par le Maire de ses pouvoirs de police municipale, seul le Juge judiciaire est désormais compétent pour se prononcer sur la responsabilité de cette Commune du fait de l’exercice de ses pouvoirs d’organisation du service public industriel et commercial que constitue l’exploitation des pistes de ski.

C’est ce qu’a en effet jugé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 19 février 2009 (1).

Le Juge administratif, en intégrant les pistes de ski elles-mêmes au service public industriel et commercial de l’exploitation des pistes de ski, et ce quel que soit leur mode de gestion, renvoie désormais au seul judiciaire, compétent pour connaître des litiges entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, la question de l’appréciation de la responsabilité du fait du défaut d’entretien de la piste de ski.

Il est vrai que le partage des compétences entre les Juridictions judiciaire et administrative prévu dans le cadre des accidents de ski ne facilitait pas jusqu’à cette décision la tâche des plaideurs.

Dans l’affaire ayant conduit le Conseil d’Etat à se positionner, la responsabilité d’une Commune était recherchée sur les deux fondements de l’exercice par le Maire de ses pouvoirs de police municipale et du défaut d’entretien de la piste de ski par un skieur qui avait dérapé sur une plaque de verglas, perdu la maîtrise de sa direction et chuté violemment sur un rocher.

La Cour Administrative d'Appel avait écarté toute faute du Maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et jugé qu’une piste de ski n’étant pas un ouvrage public, la responsabilité sans faute de la Commune ne pouvait être engagée envers les requérants sur le fondement des dommages de travaux publics.

Le Conseil d’Etat a confirmé la Cour sur le premier point, mais déclaré la Juridiction administrative incompétente pour se prononcer sur la responsabilité de la Commune du fait du défaut d’entretien des pistes au motif que l’exploitation des pistes de ski est un service public industriel et commercial, et que la relation entre ce dernier et ses usagers sont des relations de droit privé dont seule la Juridiction judiciaire est compétente pour connaître.

L’exploitation des pistes de ski : un service public industriel et commercial

Traditionnellement, seule l’exploitation des remontées mécaniques constituait un service public industriel et commercial.

C’est la première fois qu’il est fait référence à l’exploitation des pistes de ski ou du domaine skiable dans une jurisprudence du Conseil d’Etat, sans doute en écho à l’option contenue dans le Code du tourisme depuis 2005 : « Le service des remontées mécaniques, le cas échéant étendu aux installations nécessaires à l’exploitation des pistes de ski, est organisé par les Communes »(2).

L’article L. 342-13 du Code de tourisme précise d’ailleurs désormais explicitement : « L’exécution du service des remontées mécaniques et pistes de ski est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l’autorité compétente ».

L’intégration des pistes de ski dans ce service public est pleinement justifiée, une station de ski formant un ensemble comportant un espace naturel qui est profondément aménagé pour pouvoir être praticable par les usagers. Non seulement des installations mécaniques facilitent l’accès aux pistes, mais ces pistes elles-mêmes sont désormais le résultat d’un travail important de transformation de la nature. Elles s’apparentent d’ailleurs davantage à des voies publiques qu’à un domaine naturel (3).

Si l’extension du service public industriel et commercial à l’ensemble du domaine skiable, ouvrages et pistes, constitue une simplification de la répartition des compétences entre les deux ordres de Juridictions, elle n’a cependant pas pour effet d’exclure complètement toute compétence de la Juridiction administrative.


Le contrôle de la police municipale sur les pistes de ski

Dans l’arrêt du 19 février 2009, le Conseil d’Etat fait une application classique de la question de la responsabilité de la Commune pour faute du Maire dans l’exercice de son pouvoir de police. Le Maire est en effet l’autorité de police administrative générale dans la Commune, et il a pour mission de prévenir les troubles à l’ordre public et notamment d’assurer la sécurité des personnes et des biens.

La prévention des dangers fait partie des buts de la police administrative, et la responsabilité de la Commune est engagée sur le fondement de la faute simple si le Maire n’a pas pris les mesures qui s’imposaient pour éviter les accidents.

Une telle responsabilité peut être recherchée par les victimes d’accidents de ski, le Conseil d’Etat jugeant classiquement qu’il appartient au Maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent, personnellement, par leur prudence, se prémunir.

Les exemples de jurisprudence sont légion en la matière : défaut de signalisation d’une dénivellation profonde et abrupte constituant un danger exceptionnel, tranchée profonde barrant la piste et constituant un danger important, amas de grillage enfoui sous la neige présentant un danger exceptionnel, fil métallique effleurant la neige étendu entre des poteaux, danger d’avalanche…

Ainsi, et notamment dans la jurisprudence relative aux accidents de ski, si le Maire doit assurer une signalisation minimale des dangers, il n’a cependant pas à signaler chacun d’entre eux. Le Juge ne censure donc que l’absence de signalisation de danger particulièrement grave ou exceptionnel.

Ainsi, la responsabilité de la collectivité qui exploite en régie un service public industriel et commercial sur son territoire sera double et répartie entre les ordres de Juridictions selon qu’elle est mise en cause du fait de la carence de son Maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police, ou du fait de sa gestion de service public.
Dans les deux cas cependant, les responsabilités sont des responsabilités pour faute simple, l’activité de la signalisation des dangers sur la voie publique n’étant pas soumise à un régime de faute lourde.

Il convient cependant de relever que la relation qui lie le skieur et l’exploitant est contractuelle, l’exploitant lui devant, comme à tout usager des pistes, une obligation de sécurité. Or, la charge de la preuve de l’inexécution de cette obligation de sécurité est variable selon qu’elle est qualifiée d’obligation de moyen ou d’obligation de résultat. Ainsi, en ce qui concerne l’utilisation des remontées mécaniques, l’exploitant du domaine skiable est tenu par une obligation de sécurité de moyen au moment de l’embarquement ou du débarquement, et par une obligation de résultat pendant le trajet. Cela dépend en effet du rôle passif ou actif de la victime. Or, dans le cadre d’un accident survenu sur les pistes, compte tenu du rôle actif du skieur, on peut légitimement imaginer que l’obligation de sécurité sera qualifiée d’obligation de moyen, le skieur devant dès lors démontrer que l’exploitant aurait commis une faute d’inexécution.

Nul doute que les décisions à intervenir du Juge judiciaire viendront clarifier la situation juridique du skieur accidenté, les joies de la montagne n’étant pas sans danger, le choix du juge non plus! Désormais, depuis cet arrêt du Conseil d’Etat du 19 février 2009, le skieur est un usager d’un service public industriel et commercial à la descente comme à la montée.


Index:
(1) CE 19-02-2009 : n° 293020, Beaufils & autres.
(2) Code du tourisme, article L. 342-9.
(3) cf. conclusions BONICHOT sous CE section 12-12-1986 : n° 51249, Rebora.





Cet article n'engage que son auteur.

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FIAT Sandrine

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