Rupture relation commerciale établie

La brusque rupture d'une relation commerciale établie : préavis et indemnisation

Publié le : 29/10/2024 29 octobre oct. 10 2024

En principe, une relation commerciale établie se caractérise par une collaboration stable, régulière et durable entre deux parties, souvent des entreprises ou des professionnels, qui travaillent ensemble de manière continue sur une longue période. Cela peut correspondre à des ventes ou des prestations de services. 
Toutefois, il peut arriver qu'une des parties mette fin subitement à cette relation. Cela constitue une rupture brutale de la relation commerciale établie.

Préavis selon la durée des relations

Afin de protéger les partenaires économiques des conséquences d'une cessation soudaine de collaboration, cette rupture est encadrée juridiquement.

L'article L 442-1, II du code de commerce impose un préavis raisonnable, principalement pour assurer la continuité des affaires. La durée de ce préavis doit être adaptée à la durée et à l'intensité de la relation commerciale.

En l'absence d'accord spécifique, la jurisprudence fixe les critères suivants :
- Pour des relations commerciales de moins de 10 ans, un préavis entre 6 et 12 mois est requis.
- Pour des relations de 10 à 20 ans, un préavis d'environ 12 mois est recommandé. 
- Pour les relations de plus de 20 ans, la durée de préavis peut s'étendre de 12 à 18 mois.

Cette évaluation peut être ajustée par un juge en fonction de critères additionnels tels que le volume d'affaires, la notoriété du client, le secteur d'activité, les circonstances de la rupture ou le temps requis pour que la partie lésée puisse trouver de nouveaux partenaires commerciaux.

Par exemple, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 17 mai 2023 (n°22-13861), a jugé qu'un préavis de 30 mois aurait été nécessaire pour la rupture d'une relation de 60 ans, bien que la durée de 18 mois soit généralement jugée suffisante. Le préjudice a été calculé en tenant compte de la marge sur coûts variables, en fonction de la nature de l'activité. 

Deux principales exceptions permettent de lever l'obligation de préavis :
La force majeure, lorsqu'un événement imprévisible et irrésistible empêche la poursuite de la relation. 
Le manquement contractuel : si l'autre partie ne respecte pas ses obligations, justifiant ainsi une rupture immédiate.

Indemnisation et calcul du préjudice

En l'absence du respect du préavis requis, la partie lésée peut demander une indemnisation du préjudice subi, calculée sur la perte de chiffre d'affaires et les charges non affectées en raison de la baisse d'activité. Le préjudice est évalué selon la marge sur coûts variables ou d'autres critères pertinents pour l'activité concernée.

En pratique, ces indemnités peuvent aller de quelques milliers à plusieurs millions d'euros selon les circonstances.

Les réclamations les plus fréquentes portent sur les gains manqués, bien qu'elles soient les plus difficiles à estimer.

La jurisprudence établit que le préjudice dû à une rupture brutale correspond au gain potentiel que la victime aurait pu réaliser durant le préavis requis.

La Cour de cassation limite le préjudice à la marge brute attendue sur la période de préavis non respectée, en soustrayant les charges variables, tandis que les coûts fixes restent à la charge de la victime.

Pour évaluer le chiffre d'affaires de référence, les décisions judiciaires utilisent en général la marge appliquée au chiffre d'affaires moyen des trois dernières années d'exploitation du partenaire lésé.

Cependant, il est important de noter que le chiffre d'affaires n'est pas toujours l'indicateur le plus pertinent, chaque secteur ayant ses propres particularités et indicateurs.

Même si la Cour d’appel de Paris a publié en 2020 deux notes détaillées en faveur de la prise en compte de la marge sur coûts variables (fiches n° 6 et n° 13, avril 2020), et que la majorité des décisions font désormais référence à la marge sur coûts variables, force est de constater que certaines juridictions continuent de recourir à la marge brute.

De façon plus positive, même si elle emploie une terminologie pouvant prêter à confusion, la Cour de cassation a approuvé récemment une méthode de calcul de la marge sur coûts variables et admet même une marge sur coûts non supportés à la fois fixes et variables (Cass. com., 28 juin 2023, n° 21-16.940).

Il convient de souligner une difficulté concernant le sujet des indemnisations.

La jurisprudence analyse la rupture des relations commerciales au jour où elle survient sans égard aux éléments postérieurs alors qu’en réalité, en raison de sa reconversion rapide, l’entreprise résiliée avec un préavis jugé trop bref peut n’avoir subi aucun préjudice.

Une telle approche conduit à indemniser des entreprises qui n’ont subi aucun dommage alors que l’article L. 442-1, II du Code de commerce est fondé sur la responsabilité et l’obligation de « réparer le préjudice subi » par la rupture brutale de la relation.

En conclusion, la rupture brutale d'une relation commerciale établie est encadrée juridiquement pour protéger les partenaires économiques. Un préavis raisonnable est crucial pour minimiser les effets d'une cessation soudaine, favorisant ainsi un climat économique plus stable et prévisible.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ARRAS (62)
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