Contrat administratif

Résiliation amiable d’un contrat administratif : l’étendue et les modalités de l’indemnisation du cocontractant précisées par le juge

Publié le : 08/03/2023 08 mars mars 03 2023

Le conseil municipal de Grasse a, par délibération du 20 septembre 2016, approuvé la résiliation amiable d’un bail emphytéotique conclu le 9 février 1966 pour 60 ans avec la société en nom collectif (SNC) Grasse-vacances et le versement à celle-ci de la somme de 1 700 000 euros à titre d'indemnité. 
Suite à un recours en annulation introduit devant le tribunal administratif de Nice, le tribunal a, par un jugement n° 1604050 du 5 juillet 2019, fait droit à cette demande.

Saisie d’un appel formé contre ce jugement par SNC Grasse-vacances, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt n° 19MA03238 du 7 juin 2021, rejeté l'appel.

Le Conseil d’Etat saisi d’un pourvoi contre l’arrêt de la cour administrative de Marseille, rappelle que : « Les parties à un contrat conclu par une personne publique peuvent déterminer l'étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation amiable du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, l'allocation au cocontractant d'une indemnisation excédant le montant du préjudice qu'il a subi résultant du gain dont il a été privé ainsi que des dépenses qu'il a normalement exposées et qui n'ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat. ».

La cour administrative d’appel de Marseille avait jugé qu'en raison de l'obligation faite aux preneurs d'aménager et d'exploiter un village de vacances sur le site, le manque à gagner résultant de la résiliation anticipée du contrat du 9 février 1966 ne pouvait correspondre qu'à la perte du bénéfice qui pouvait être escompté de l'exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir. 

Le conseil d’Etat annule l’arrêt du 7 juin 2021 et renvoi l’affaire devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Selon la haute juridiction, « En refusant de tenir compte, pour déterminer si le montant de l'indemnité accordée par la commune au titre de la résiliation du contrat était excessif au regard du préjudice en résultant pour le cocontractant au titre du gain dont il a été privé, du prix qu'il pouvait tirer de la cession des droits qu'il tenait du bail, afin de retenir le plus élevé des deux montants correspondant soit au bénéfice escompté de l'exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir soit à la valeur des droits issus du bail, la cour a commis une erreur de droit. ».

L’indemnisation au titre de la résiliation doit être évaluée non par la retenue du plus élevé des deux montants soit du bénéfice escompté de l’exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir, soit de la valeur des droits issus du bail, mais au regard du préjudice résultant de la privation du gain et du prix escompté de la cession des droits au bail.

On ne peut cependant parler de la « La fin de la générosité de l'Administration dans la stipulation des indemnités de résiliation » (Professeur Julien Martin) il y a bien longtemps que 
 
La Haute juridiction avait déjà en 2011 précisé les conditions de la résiliation en indiquant qu’elle ne peut intervenir que « sous réserve qu’il n’en résulte pas, au détriment d’une personne publique, une disproportion manifeste entre l’indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le [cocontractant], des dépenses qu’il a exposées et du gain dont il a été privé » (CE 4 mai 2011, n° 334280).

On ne peut pas non plus soutenir que la décision du 16 décembre dernier limite un peu plus la liberté contractuelle. Cependant, elle précise l’étendue et surtout les modalités de l’indemnisation du cocontractant en substituant le préjudice résultant de la privation du gain au bénéfice escompté de l’exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir. Car tout compte fait, la valeur des droits issus du bail n’est pas très éloignée du prix escompté de la cession des droits au bail.

Références : CE, 16 déc. 2022, n° 455186, SNC Grasse-vacances : Lebon


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Dominique NICOLAS
Avocat
Avocats Réunis
LE LAMENTIN (977)
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