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Franchise : Affaire pizza sprint : intuitu personae et indivisibilité des contrats

Publié le : 07/06/2024 07 juin juin 06 2024

Dans un arrêt rendu le 15 mai 2024 (Cour de cassation, 15 mai 2024, n°22-20.747), la Cour de cassation scelle un nouvel épisode de l’affaire du réseau de franchise Pizza Sprint, cédé au groupe Domino’s Pizza en 2016. 
Cette affaire est à l’origine de plusieurs contentieux mettant en cause le franchiseur notamment en raison de pratiques restrictives de concurrence (voir par exemple Com. 28 févr. 2024, FS-B, n° 22-10.314). 

En l’espèce, l’arrêt porte sur l’intuitu personae pesant sur le franchiseur.

Plusieurs contrats ont été conclus par un franchisé et deux sociétés appartenant à une holding à la tête du réseau Pizza Sprint : deux contrats de franchise d’une durée de dix ans et deux contrats de location-gérance d’une durée d’un an renouvelable annuellement par tacite reconduction. 

Par la suite, la tête de réseau a informé le franchisé du non-renouvellement des contrats de location-gérance et de la caducité des contrats de franchise, en raison de l’indivisibilité des contrats. 

Interrogée par le franchisé, la Cour de cassation revient sur deux notions liées au contrat de franchise, l’intuitu personae et l’indivisibilité du contrat de franchise avec celui de location-gérance.

La cession de contrôle du franchiseur admise malgré l’intuitu personae

En l’espèce, le franchisé critiquait la possibilité pour le franchiseur de transmettre le réseau de franchise auquel il appartenait au groupe Domino’s Pizza par le biais d’une cession de contrôle sans son accord préalable.

Si la Cour rappelle que le contrat de franchise est conclu en considération de la personne du franchiseur, elle considère toutefois que la cession de la totalité des parts ou actions de la société franchiseur à une société tierce et l’évolution de ses dirigeants n'impliquent pas de changement de la personne morale en considération de laquelle le franchisé s'est engagé et n’emportent aucune cession du contrat de franchise. 

Ainsi, l’arrêt du 15 mai 2024 vient relativiser l’importance de l’intuitu personae du franchiseur en précisant ses contours. Selon la Cour de cassation, seule la personne morale est prise en compte. Il importe peu que les dirigeants sociaux soient différents, ou que la totalité des parts ou actions de la société franchiseur soit cédée, tant que la personne morale n’a pas subi de changement. 

A ce titre, la jurisprudence considère que dès lors que la personne morale disparait, par exemple via une opération de fusion-absorption, alors le contrat ne peut être transmis à une société tierce qu’avec l’accord du franchisé (Cass.com., 3 juin 2008, n°06-18.007). 

Par opposition, la seule cession de contrôle, sauf clause contraire prévue par le contrat de franchisé, n’emporte pas l’obligation pour le franchiseur d’obtenir l’accord préalable du franchisé. 

Que faire pour contourner cette difficulté ?

Il reviendra au franchisé d’anticiper cette hypothèse en incluant, par exemple, une clause au sein du contrat de franchise exigeant l’accord préalable du franchisé en cas de changement de contrôle ou de changement de dirigeant de la société franchiseur.

L’indivisibilité des contrats de franchise et de location-gérance

L’arrêt du 15 mai 2024 revient sur une seconde notion importante dans les relations de franchise : l’indivisibilité des contrats.

En l’espèce, le franchisé contestait l’arrêt de la Cour d’appel qui considérait que les contrats de franchise étaient caducs en raison du non-renouvellement des contrats de location-gérance.

L’arrêt de la Cour de cassation relève que : 

- d’une part, le contrat de location-gérance constitue le support du contrat de franchise sans lequel celui-ci ne peut s'exécuter et le sort du contrat de franchise est ainsi lié à celui du contrat de location-gérance, et retient que cette indivisibilité entre ces deux contrats est mentionnée au sein du contrat de location-gérance ; et

- d’autre part, la dénonciation de chacun des deux contrats de location-gérance est régulièrement intervenue, par deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception.

La Cour conclut que le contrat de location-gérance et le contrat de franchise poursuivaient la réalisation d'une même opération économique et que la disparition du premier ne permettait pas la poursuite de l'exécution du second, ce dont le locataire-franchisé avait connaissance. 

Par conséquent, c’est à bon droit que la Cour d’appel a jugé que la cessation du contrat de location-gérance avait entraîné de plein droit la caducité du contrat de franchise. 

Cet arrêt s’inscrit dans le sens du nouvel article 1186 du Code civil qui dispose que : 

«  (…)
Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement ».

Par ailleurs, le fait que le bailleur et le franchiseur soient deux personnes morales distinctes (appartenant toutefois au même groupe) ne fait pas échec à l’indivisibilité des contrats.

Par conséquent, le franchisé devra demeurer prudent et prendre conscience des risques afférents à l’indivisibilité : la durée du contrat de franchise importe peu dès lors que ce dernier peut être rendu caduc du fait du non-renouvellement du contrat de location-gérance.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Anne FOURTANE
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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