Bail commercial

Bail commercial et travaux réalisés sans autorisation du bailleur

Publié le : 30/03/2023 30 mars mars 03 2023

Par un arrêt rendu le 25 janvier 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la charge de la preuve des dégradations qui se sont produites pendant la jouissance du preneur pèse sur ce dernier ; et ce y compris en l’absence d’état des lieux d’entrée.
Cet arrêt (Cass. 3ème civ., 25 janv. 2023 : RG n°21-22.311) est inédit, mais ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation a dû rappeler aux juridictions des premier et second degrés que la charge de la preuve des dégradations dans les lieux loués, pendant la durée du bail, incombe au preneur.

Par un arrêt rendu le 8 avril 2021, la Cour de cassation a rappelé ce principe. Dans ce cas d’espèce, le preneur ne démontrait pas avoir remis les clés au bailleur, et donc avoir restitué les lieux loués. Ainsi, et alors même que les locaux sont restés libres de toute occupation pendant sept ans, le preneur est condamné à la réparation des dégradations constatées lors de la restitution les locaux, dégradations intervenues pendant sa jouissance (Cass. 3ème civ., 8 avr. 2021 : RG n°20-14.247).

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dont l’arrêt est cassé par la Cour de cassation le 25 janvier 2023, a estimé, qu’en l’absence d’état des lieux d’entrée, il appartient au bailleur de rapporter la preuve que le preneur est à l’origine des travaux exécutés sans autorisation, et qu’en l’absence de preuve rapportée par le bailleur, ce dernier ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1732 du Code civil.

Ce raisonnement est sanctionné par la Cour de cassation, la charge de la preuve incombant au preneur concernant les dégradations intervenues pendant la jouissance.

Une précision semble nécessaire quant à l’absence d’état des lieux d’entrée. Tant la cession de fonds de commerce, que le renouvellement du bail commercial sont intervenus antérieurement à la loi Pinel (en 2007 et en 2011 respectivement), de sorte que les dispositions de la loi Pinel n’étaient pas applicables au cas d’espèce.

Aussi, le bailleur disposait de la possibilité de prévoir, qu’à défaut d’état des lieux d’entrée, les locaux loués sont présumés être livrés en bon état.

Tel n’est plus le cas depuis la loi Pinel.

La charge de la preuve incombe tout de même au preneur, concernant les dégradations intervenues pendant la jouissance.

Il s’opère donc une dichotomie en matière de charge de la preuve.

En l’absence d’état des lieux d’entrée, le bailleur ne peut désormais plus invoquer la présomption de bon état de réparations locatives prévue par l’article 1731 du Code civil, s’il ne démontre pas avoir intenté toutes diligences pour faire établir l’état des lieux d’entrée.

L’absence d’état des lieux d’entrée sera donc favorable au preneur, pour les réparations locatives incombant normalement au preneur, et telles que prévues par le bail commercial.

En matière de dégradations des locaux loués pendant la jouissance, la présomption est inversée, ce conformément aux dispositions de l’article 1732 du Code civil.

Ainsi, le preneur est tenu de réparer toutes les dégradations de la chose louée pendant la durée du bail et ne peut se dégager de cette obligation de réparation qu’en apportant la preuve qu’il n’a commis aucune faute.

L’obligation du preneur, au titre des dégradations survenues au cours du bail, peut dépasser les réparations locatives ordinaires, si les dégradations faites par le preneur le nécessitent.

La difficulté pour le preneur, en l’absence d’état des lieux d’entrée, est qu’il ne dispose pas d’un élément comparatif pour démontrer l’absence de dégradations pendant sa jouissance.

Une deuxième difficulté existe pour le preneur dans le cas d’espèce : les travaux ont été réalisés sans l’autorisation du bailleur. Toutefois, le preneur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et doit subir les conséquences de ses actes.

L’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2023 est intéressant ; l’absence d’état des lieux d’entrée et les travaux du preneur effectués sans autorisation du bailleur n’enlèvent rien au fait que la charge de la preuve des dégradations, qui se sont produites au cours de la durée du bail, incombe au preneur.

Cette solution s’applique tant aux baux commerciaux qu’aux baux d’habitation, l’obligation du preneur de répondre des dégradations qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute, découlant des dispositions de l’article de 1732 du Code civil (Cass. 3ème civ., 28 févr. 1990 : RG n°88-14.334 – PB ; Cass. 3ème civ., 23 janv. 2007 : RG n°05-21.232).

L’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2023 a statué sur un bail commercial antérieur à la loi Pinel, mais pour autant, le raisonnement reste applicable aux baux postérieurs à la loi Pinel ; la charge de la preuve incombe au preneur, en ce qui concerne les dégradations faites pendant la jouissance des lieux loués.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

De CHAZAL Agathe
Avocate Collaboratrice
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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