Association sportive

Dirigeant d’association sportive : une discipline à risque

Publié le : 15/06/2021 15 juin juin 06 2021

Dans un contexte "d'évolution profonde du monde sportif et de son modèle économique", le droit du sport est devenu "une affaire de spécialistes"[1].  A la fois spécifique et transversal, il ne peut plus être ignoré par les acteurs de l’écosystème sportif. Le développement des compétitions sportives, l'accroissement de leurs enjeux financiers et  l'augmentation du nombre d'accidents ont conduit à une multiplication des litiges.

Il est donc essentiel pour tout acteur du monde sportif et en particulier pour les dirigeants d’associations, de connaître le contentieux et les risques pesant sur leur activité.

I- Plusieurs joueurs et arbitres pour garantir le respect de règles complexes   

Le sport n’est pas uniquement régi par des règles d’origine étatique. Il est organisé au sein d’un ordre juridique doté d’une organisation et d’un fonctionnement propres reposant sur une complémentarité des compétences réparties entre l’Etat, les instances européennes, les collectivités territoriales, les fédérations sportives, les structures commerciales et les individus.

En cas de contentieux, l’instance compétente dépend de la nature du litige.   

La justice fédérale

Elle couvre les litiges liés à la réglementation de l'activité sportive, le fonctionnement des fédérations ou l'accès à une compétition. Au sein de la plupart des fédérations, les contentieux sont examinés par des commissions spécialisées au niveau national, régional, voir local.

Cette autonomie fédérale est cependant limitée, chaque fédération doit impérativement respecter le principe du contradictoire, les droits de la défense et l'indépendance des juges.

La justice étatique

Les contentieux sportifs n’échappent pas à la dualité de l’ordre juridictionnel.
  • La juridiction administrative
Certaines décisions prises par les fédérations délégataires relèvent du droit administratif et de la compétence du juge administratif, notamment celles relatives à l'organisation des compétitions, à l'homologation des résultats, à la légalité des statuts et règlements fédéraux et aux décisions disciplinaires.

Sous peine d'irrecevabilité, les recours devant le juge administratif doivent être précédés de !a procédure obligatoire de conciliation devant le CNOSF[2] ou, lorsque celle-ci n’est pas applicable, de l'épuisement des voies de recours internes. A l’inverse, les décisions prises par les organes fédéraux ou les arbitres et qui concernent le respect des règles techniques du jeu sont insusceptibles de recours juridictionnels car ils ne font pas griefs.
  • Les juridictions judiciaires
Le conseil de prud'hommes est compétent pour trancher les conflits concernant les contrats de travail de tous les salariés du monde du sport (arbitres, entraîneurs, joueurs, éducateurs, directeurs sportifs etc.).

Les juridictions pénales sont compétentes pour sanctionner des infractions parfois spécifiques au domaine sportif (violation des règles de sécurité par les organisateurs, utilisation de produits dopants,  menaces et actes d’intimidation, enseignement d’activités physiques et sportives sans diplôme).
Les juridictions civiles sont compétentes pour les litiges notamment liés aux assurances et à la responsabilité civile.

En matière commerciale, le tribunal de commerce traite des contentieux relatifs aux contrats de mécénat ou de sponsoring.

La justice arbitrale

Tout particulièrement lorsque les enjeux sont internationaux[3], l’arbitrage[4], en tant que mode alternatif de règlement des litiges,  est très prisé en matière sportive. S’il ne peut concerner tous les litiges et reste coûteux, l’arbitrage a de nombreux avantages : rapidité, discrétion, spécialisation.
 

II- Dirigeant sportif et gestion du risque

Tout sportif, toute association, tout dirigeant peut causer des dommages et voir sa responsabilité engagée. La multiplication des procédures et la complexification de la Loi incident à la vigilance et à l’anticipation.

La responsabilité de l’organisateur d’activités physiques et sportives

Il s’agit ici de la responsabilité de la structure organisatrice ou de l’organisateur personne physique.
En matière de responsabilité civile contractuelle, la charge a tendance à s’alourdir : obligation de conseil et de sécurité, obligation d’adaptation de l’exercice sportif, des installations ou des sites, devoir d’encadrement, de surveillance, de recrutement, d’information et de  formation du personnel encadrant.

En matière de responsabilité civile délictuelle, le risque s’accroit également notamment depuis l’abandon partiel par la Cour de Cassation, dans un arrêt du 4 novembre 2010, de la théorie de l’acceptation des risques pourtant inhérents à la pratique sportive.

La responsabilité pénale de l’organisateur peut également être engagée en cas d’atteinte intentionnelle ou non à la vie ou à l’intégrité physique de la personne ou en cas de mise en danger délibéré d’autrui. En outre, le Code du Sport prévoit certaines infractions spécifiques (organisation sportive non ou mal homologuée, provocation à la haine ou la violence, violation de l’interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords de enceintes sportives).

La responsabilité personnelle du dirigeant

Le responsable associatif peut être inquiété à raison de ses fonctions.
Sa responsabilité personnelle civile et pénale peut être engagée par l’association elle-même, les membres ou les tiers et ce, même s’il exerce ses fonctions à titre bénévole,  le bénévolat étant une cause limitative mais non exonératoire de responsabilité.

Sa responsabilité fiscale peut également être engagée ainsi que sa responsabilité financière en cas de procédure collective de l’association si le dirigeant a commis une faute de gestion.

Les structures associatives sont confrontées à des risques spécifiques compte tenu du contexte de leur fonctionnement, du bénévolat, de la discontinuité dans les fonctions de direction et de l’objet désintéressé et non lucratif de l’association. Il est donc essentiel pour l’association et pour le dirigeant d’identifier les risques inhérents à la pratique sportive (risques économiques, financiers,  juridiques et sportifs) et de mettre en place les outils de protection adaptés :
 
  • doter l’association d’une gouvernance appropriée et d’un contrôle interne et/ou externe ;
  • adapter la structure juridique de l’association ;
  •  analyser  les risques ;
  • souscrire  à des polices d’assurance ;
  • auditer l’ensemble des contrats.
Tout en gardant son originalité, la gestion d’une association sportive doit aujourd’hui se rapprocher de celle d’une entreprise.



Cet article n'engage que son auteur.
 
[1] Allocation de clôture de Mme Valérie FOURNEYRON, Ministre des Sports,  de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et de la Vie associative, 1ères Assises de Droit du sport, 4 et 5 octobre 2012, ROUEN.
 
[3] par ex. : transfert de joueurs entre clubs européens
[4] notamment devant le Tribunal Arbitral du Sport

Auteur

Matthieu LE BARS

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