Encadrement des loyers

Encadrement des loyers en 2025 : bilan et perspectives

Publié le : 02/06/2025 02 juin juin 06 2025

Introduit à titre expérimental par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite Loi ÉLAN, le mécanisme d’encadrement des loyers dans les zones tendues fait aujourd’hui l’objet de vifs débats. Alors que les premières évaluations locales sont disponibles, l’échéance de 2025 marquera une étape décisive avec la remise du rapport gouvernemental. 

Dispositif légal et champ d’application

L’article 140 de la loi ÉLAN autorise, à titre expérimental pour une durée de cinq ans renouvelée jusqu’en novembre 2026, certaines collectivités territoriales à encadrer les loyers d’habitation dans les zones caractérisées par un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements.

Le mécanisme repose sur la fixation, par arrêté préfectoral, de trois loyers de référence (référence, majoré, minoré) en euros/m², par catégorie de logement et secteur géographique. Ces valeurs sont établies à partir des données collectées par les observatoires locaux des loyers agréés par l’ANIL.

Les communes éligibles (Cf encadré grisé) doivent déposer un dossier argumenté et démontrer l’existence de tensions fortes sur le marché locatif, une évolution non maîtrisée des loyers, et l’existence d’un observatoire fiable.

Conformément à l’article 140, III de la Loi ÉLAN et à l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989, les bailleurs sont tenus de proposer un loyer conforme au plafond majoré, sauf justification d’un « complément de loyer ». Celui-ci ne peut être appliqué que si le logement présente des caractéristiques de confort ou de localisation particulières, non prises en compte dans le loyer de référence.

Les sanctions administratives en cas de dépassement sont prévues par cette même Loi à l’article 140, VII  avec des amendes pouvant aller  jusqu’à 5 000 € (15 000 € pour une personne morale), et restitution du trop-perçu au locataire après mise en demeure infructueuse.

Communes actuellement concernées

Les villes suivantes ont mis en œuvre l’encadrement des loyers :

- Paris (depuis juillet 2019)
- Lille, Hellemmes et Lomme (depuis mars 2020)
- Plaine Commune : Aubervilliers, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains, Villetaneuse
- Lyon et Villeurbanne (depuis novembre 2021)
- Est Ensemble : Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Romainville
- Montpellier (depuis juillet 2022)
- Bordeaux (depuis juillet 2022)
- Grenoble-Alpes Métropole (depuis janvier 2025)

Communes rejoignant le dispositif en 2025-2026 :

- Marseille
- Annemasse Agglo
- Grand-Orly Seine Bièvre
- Cergy

L’application de l’encadrement des loyers à Rennes reste incertaine à ce jour

Bilan juridique et pratique de l’expérimentation

Des évaluations locales montrent une efficacité relative :

- À Paris, une stabilisation du marché est constatée, avec des loyers contenus autour des plafonds. Toutefois, selon la Fondation Abbé Pierre, 38 % des annonces dépassaient encore les plafonds en 2023, souvent par l’utilisation détournée du mécanisme du “complément de loyer”, autorisé en cas de caractéristiques exceptionnelles du logement.

- À Lyon, selon une étude de la Métropole, l’écart entre loyers réels et loyers plafonnés a diminué de 36 % à 29 % entre 2022 et 2024.

- À Bordeaux, l’Observatoire local a révélé que près de 70 % des baux signés en 2023 restaient dans les limites légales, mais les compléments restent opaques.

Plusieurs failles juridiques ou pratiques sont identifiées :

- Contournement par le complément de loyer, sans critères objectifs ni encadrement suffisant.
- Manque de moyens des services de la Commission départementale de Conciliation chargée du contrôle,
- Effet dissuasif sur l’investissement locatif, particulièrement dans les marchés très régulés comme Paris, où la rentabilité locative s’érode face à la pression réglementaire.
- Inadéquation entre l’encadrement et les coûts de rénovation énergétique, dans le contexte des obligations issues de la loi Climat et Résilience.
 

Perspectives pour 2025 : réforme ou pérennisation ?

Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale, en lien avec l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), est chargé de remettre un rapport d’évaluation de l’expérimentation de l’encadrement des loyers au plus tard en juin 2025.

Ce rapport vise à analyser les effets de l’encadrement des loyers sur le marché locatif, l’accès au logement, la qualité des logements, et les comportements des bailleurs et locataires.

Ce rapport sera déterminant pour décider de la généralisation, de la prolongation ou de la suppression du dispositif après 2026

Plusieurs pistes sont évoquées dans les rapports parlementaires et les contributions doctrinales récentes :

- Codification autonome du dispositif dans le Code de la construction (hors loi de 1989) ;
- Création d’une base nationale de loyers de référence, pour renforcer la lisibilité et la transparence 
- Restriction du recours au « complément de loyer », voire sa suppression en l’absence de critères précis 
- Élargissement du périmètre expérimental 
- Renforcement des sanctions et simplification des voies de recours pour les locataires.

Si l’encadrement des loyers apparaît comme un outil juridiquement solide et socialement légitime, il montre néanmoins pour le moment certaines limites en pratique. 
Le défi pour 2025 sera de trouver un équilibre entre régulation du marché locatif et préservation de l’offre dans un contexte de pression sur les rénovations énergétiques.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Ludivine TROUVÉ
Clerc
1927 AVOCATS - Poitiers
Saint-Benoît (86)
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