Lettre d'intention

La lettre d’intention constitutive d’une obligation de résultat

Publié le : 11/03/2020 11 mars mars 03 2020

Une société mère qui, par une lettre d’intention, s’engage à faire « le nécessaire afin que sa filiale respecte ses engagements et dispose d’une trésorerie suffisante » fournit à une banque une garantie avec une obligation de résultat.

C. Cass. Com. 18/12/2019 n°18-12287

La Cour de cassation dans un arrêt du 18 décembre 2019 a eu l’occasion de qualifier l’engagement donné par une lettre d’intention.

La lettre d’intention est une garantie définie dans le code civil sous l’article 2322 depuis la réforme de 2006 ne donne pas lieu à autant de contentieux que le cautionnement, autre sûreté personnelle.

« La lettre d’intention est l’engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier. »

Dans cet arrêt de décembre 2019, la Cour de cassation a dû qualifier l’engagement d’une société mère envers sa filiale.

Une société F, filiale d’une Société M, a souscrit un emprunt de 240.000 €. Dans le cadre de la souscription de cet emprunt, la Société mère a adressé une lettre d’intention.

La société mère M s’était engagée « à faire en sorte qu’aucun créancier n’encoure de perte du fait des engagements avec ses filiales » et avait assuré à la banque qu’elle ferait « de toute manière, le nécessaire afin que sa filiale respecte ses engagements et dispose d’une trésorerie suffisante à cet effet ».

La filiale a été mise en liquidation judiciaire. La banque a donc logiquement tenté d’obtenir le paiement de sa dette auprès de la société mère. La banque a assigné la Société M en paiement du montant des sommes dues par la filiale.

La Société M a contesté ces demandes.

La Cour d’appel a estimé que l’engagement donné par la Société mère était une simple obligation de moyen. La banque a formé un pourvoi.

La Cour de cassation casse la décision d’appel et qualifie d’obligation de résultat l’engagement de la Société mère.

Selon la Cour de cassation, l’engagement de la société mère de faire « le nécessaire afin que sa filiale respecte ses engagements et dispose d’une trésorerie suffisante » doit être qualifié d’obligation de résultat.

Cette qualification n’est pas inédite ou ne constitue pas un revirement.

La Cour de cassation avait déjà pu qualifier d’obligation de résultat des engagements similaires.

En 2005, la Cour de cassation avait en effet qualifié d’obligation de résultat les engagements suivants:

s’engager à faire « tout le nécessaire » pour que la société D dispose d’une trésorerie suffisante lui permettant de faire face aux obligations souscrites. (C. Cass. com., 11 janv. 2005, no 02-12370)
s’engager à faire le nécessaire pour que la société V respecte ses engagements à l’égard de la banque et dispose d’une trésorerie suffisante à cet effet (C. Cass. com., 19 avr. 2005, no 03-11567).

En 2004, la Cour de cassation avait qualifié d’obligation de résultat l’engagement d’une société mère de maintenir en permanence son appui de manière à ce que, en toute hypothèse, la Société JL dispose des fonds nécessaires pour assurer la bonne fin de ce concours. (C. Cass. com., 16 nov. 2004, no 00-19.829)

Ce nouvel arrêt de décembre 2019 est donc une confirmation de la jurisprudence antérieure.

Cet arrêt est une bonne illustration de l’efficacité de certaines lettres d’intention.

Compte tenu de cette qualification de l’engagement en obligation de résultat, il suffira en effet alors à la banque de démontrer que le résultat auquel s’était engagé la société mère n’a pas été atteint. Le préjudice de la banque constitué du montant impayé du crédit pourra, en principe, alors être indemnisé dans sa totalité.

La lettre d’intention, lorsque son auteur consent à une obligation de résultat, se révèle aussi efficace que les autres sûretés personnelles, le cautionnement et la garantie autonome.

La lettre d’intention par la simplicité de sa forme et le caractère très varié de son engagement peut paraître souvent moins forte que les autres sûretés personnelles.

La lettre d’intention, si elle constitue une obligation de résultat peut pourtant constituer un engagement fort et surtout simple. Alors que le cautionnement est régit par de nombreuses dispositions et règles de formes, la lettre d’intention est une sûreté peu réglementée mais qui peut se révéler très efficace. La décision de décembre 2019 en est un bon exemple.

Cet arrêt est enfin un rappel pour les sociétés mères ou holdings.

Les lettres d’intention peuvent être rédigées avec un peu moins d’attention que les autres garanties.

La lettre d’intention est pourtant une véritable garantie. Une société qui adresse une lettre d’intention selon les termes employés sera donc plus ou moins liée par cette lettre et pourra être poursuivie par le créancier destinataire de cette lettre.

Attention donc lorsque vous émettez une lettre d’intention à bien vous assurer que l’engagement donné est conforme à vos intentions.


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

VIBERT Olivier
Avocat Associé
Olivier VIBERT
PARIS (75)
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