Loueur en meublé preuve des dépenses professionnelles

Loueurs en meublé : attention à la preuve des dépenses professionnelles !

Publié le : 29/10/2025 29 octobre oct. 10 2025

La Cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 17 octobre 2025 (n° 24PA00187), rappelle avec fermeté que les contribuables exerçant une activité de location meublée doivent être en mesure de démontrer la nature strictement professionnelle de leurs dépenses.
À défaut de justificatifs précis, les charges sont réintégrées et les amortissements corrigés.

L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris le 17 octobre 2025 illustre, avec rigueur, les exigences probatoires pesant sur les contribuables exerçant une activité de loueur en meublé relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), tant en matière de déduction des charges qu’en ce qui concerne la détermination des amortissements.

Les faits et la procédure

Mme E., exploitante individuelle sous l’enseigne « Entreprise B... », exerçait une activité de location meublée. À l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2015 et 2016, l’administration fiscale a remis en cause la déduction de plusieurs dépenses considérées comme étrangères à l’intérêt de l’entreprise (frais kilométriques, abonnements à un club de sport, achat d’un téléphone, frais de presse, consultation psychologique, cotisations de prévoyance), ainsi que les modalités de calcul de l’amortissement d’un immeuble situé à Paris.

La contribuable et son époux ont contesté ces redressements devant le tribunal administratif de Paris, lequel a rejeté leur demande. En appel, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé intégralement la position de l’administration fiscale.

Le principe de la déductibilité des charges

Aux termes de l’article 39 du code général des impôts (CGI), le bénéfice net imposable est établi sous déduction de toutes les charges nécessaires à l’exploitation, à condition qu’elles soient effectivement exposées et justifiées dans l’intérêt direct de l’entreprise.

La Cour rappelle que la charge de la preuve incombe au contribuable : celui-ci doit démontrer, par des éléments précis et circonstanciés, la réalité, le montant et le caractère professionnel des dépenses qu’il entend déduire. À défaut de tels éléments, l’administration est fondée à en contester la déductibilité.

Les dépenses rejetées comme non professionnelles

a) Les frais kilométriques

La contribuable avait comptabilisé des frais de déplacement entre Paris et Cannes, invoquant la nécessité de rencontrer des clients potentiels pour la location de biens haut de gamme. La Cour rejette cet argument, constatant l’absence de pièces justificatives établissant un lien avec l’activité professionnelle. Ces trajets relèvent, selon les juges, d’une convenance personnelle.

b) L’abonnement à un club de sport
Les cotisations versées à un club privé ont été écartées. L’exploitante soutenait que le club servait de lieu de prospection et de rencontres professionnelles. La Cour relève l’absence de tout élément concret démontrant une contrepartie économique réelle. Ces dépenses ont donc été considérées comme étrangères à l’exploitation.

c) L’achat d’un téléphone pour le conjoint et l’abonnement à la presse
Le téléphone acheté au nom du conjoint de la contribuable n’a pas été admis en charge, faute pour ce dernier d’avoir la qualité de conjoint collaborateur. De même, l’abonnement au journal « Nice Matin », souscrit au domicile d’un tiers, a été jugé sans lien avec l’activité de location meublée.

d) Les frais de psychologue
Les époux invoquaient une consultation psychologique justifiée par le comportement d’une salariée. Les documents produits n’établissant pas de lien avec l’entreprise, la déduction a été refusée.

e) Les cotisations de prévoyance
L’administration a limité la déduction des cotisations de prévoyance en appliquant les plafonds fixés par l’article 154 bis du CGI. La Cour estime que les contribuables n’apportent aucune preuve du montant effectivement réintégré dans la base imposable.

Les modalités de calcul de l’amortissement

Sur ce point, la Cour rappelle que les terrains ne sont pas amortissables, conformément à l’article 38 sexies de l’annexe III du CGI. L’administration avait constaté que la contribuable avait amorti la totalité de la valeur d’un immeuble parisien sans distinguer la valeur du terrain ni appliquer la méthode par composants.

Pour rectifier la base amortissable, le service s’est fondé sur des comparaisons d’immeubles similaires situés dans le 16e arrondissement, fixant à 25 % la part du terrain. La Cour juge cette méthode conforme aux usages comptables, tout en validant le taux d’amortissement de 2,5 %, usuel pour des immeubles d’habitation de bonne catégorie.

Les juges précisent que le choix initial d’une méthode d’amortissement constitue une décision de gestion opposable : le contribuable ne peut ultérieurement invoquer une autre méthode plus favorable.

Portée de la décision

Cette décision illustre la rigueur du contentieux fiscal en matière de justification des charges professionnelles et de détermination de la base amortissable. Elle confirme que la déductibilité d’une dépense repose sur des éléments objectifs démontrant son utilité directe pour l’entreprise et non sur de simples allégations.

La Cour administrative d’appel de Paris réaffirme ainsi l’exigence de discipline comptable applicable aux loueurs en meublé : sans preuve concrète de l’intérêt professionnel des dépenses, l’administration est fondée à réintégrer les charges et à rectifier les amortissements.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ARRAS (62)
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