Elément d'équipement à vocation professionnelle

Elément d’équipement à vocation exclusivement professionnelle, la Cour de cassation reconsidère sa position

Publié le : 10/03/2025 10 mars mars 03 2025

L’arrêt qui a été rendu le 6 mars 2025 (Cass, 3ème civ, 6 mars 2025, n°23-20.018, Publié au bulletin) est d’un intérêt absolument certain, ce dont témoigne d’ailleurs sa publication au bulletin. 
Sur le plan factuel, la situation est très simple. 
Une société de lavage automobile a confié à une entreprise, assurée auprès de la société AXA France IARD, des travaux de terrassement, de voirie et de réseau dans le cadre de la réhabilitation d’une station.

Les travaux ont alors consisté en un terrassement des aires de lavage et du local technique, la préparation du fond de forme du terrain et du dallage, la pose des réseaux EDF et gaz, ainsi que des réseaux d’eaux pluviales et d’eaux usées, incluant la fourniture et la pose d’un séparateur d’hydrocarbures destiné au traitement des eaux usées de la station.

Se plaignant de débordements d’eaux non filtrés sur les pistes de lavage, le maître de l’ouvrage a assigné l’entrepreneur en réparation de ses préjudices, lequel a assigné en garantie son assureur RC décennale.

Le chantier s’inscrivant dans le cadre d’une réhabilitation, le litige portait donc sur la réalisation de travaux neufs sur un ouvrage existant.

Par un arrêt rendu le 31 mai 2023, la Cour d’appel de Rennes (Cour d’appel de Rennes, 4ème chambre, 1er juin 2023, n°21/07033) a condamné l’entrepreneur sur le fondement de la responsabilité décennale, et par suite la société AXA France IARD tenue à garantie, au motif que les travaux de voirie et de réseau réalisés dans le cadre de la réhabilitation de la station de lavage participait de la réalisation d’un ouvrage d’une part, et que les débordements d’eaux non filtrées sur les pistes de lavage étaient consécutifs à l’inadaptation du séparateur d’hydrocarbures mis en place, de sorte que, ne s’agissant pas d’un élément d’équipement dont la fonction exclusive était de permettre l’activité de la station de lavage, il ne relevait pas des dispositions de l’article 1792-7 du code civil.

« Les travaux de voirie et de réseaux réalisés par la société T.M participent de la réalisation d’un ouvrage et que les débordements d’eaux non filtrées sur les pistes de lavage sont consécutifs à l’inadaptation du séparateur d’hydrocarbures mis en place lors de ces travaux. »

Sur ce, il sera rappelé qu’aux termes de l’article 1792-7 du code civil, ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4, les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage.

À la lumière tout particulièrement d’un arrêt rendu le 21 septembre 2022, qui avait également eu les honneurs de la publication au bulletin (Cass, 3ème civ, 21 septembre 2022, n°21-20.433, Publié au bulletin), la Haute juridiction considérait que n’était pas éligible aux dispositions de l’article 1792-7 du code civil les éléments d’équipement qui participaient à la réalisation d’un ouvrage dans son ensemble, en l’espèce des panneaux photovoltaïques en assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment, alors par ailleurs que le risque d’incendie du fait de la combustion interne des boîtiers de connexion, constituaient un risque avéré d’incendie de la couverture du bâtiment le rendant impropre à sa destination au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil.

« Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que les panneaux photovoltaïques participaient de la réalisation de l’ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Force est de constater que, dans son arrêt en date du 6 mars 2025, la Cour de cassation revient sur sa jurisprudence, en ne faisant absolument plus référence à la participation de l’élément d’équipement à la réalisation d’un ouvrage « dans son ensemble », pour ne s’attacher qu’à la fonction d’équipement affecté exclusivement à une activité professionnelle :

« En statuant ainsi, après avoir constaté que le séparateur d’hydrocarbures constituait un équipement de traitement des eaux potentiellement chargées de boues et d’hydrocarbures générées par l’utilisation de la station de lavage, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »

Il s’évince donc de cette décision publiée, qu’un élément d’équipement, quand bien même participerait-il à la réalisation d’un ouvrage dans son ensemble, est éligible aux dispositions de l’article 1792-7 du code civil, dès lors qu’il est justifié d’une vocation exclusivement professionnelle, le faisant ainsi sortir du régime de la responsabilité décennale des constructeurs.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Ludovic GAUVIN
Avocat Associé
ANTARIUS AVOCATS ANGERS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ANGERS (49)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur

Historique

<< < 1 2 3 4 5 6 > >>
Navigateur non pris en charge

Le navigateur Internet Explorer que vous utilisez actuellement ne permet pas d'afficher ce site web correctement.

Nous vous conseillons de télécharger et d'utiliser un navigateur plus récent et sûr tel que Google Chrome, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, ou Safari (pour Mac) par exemple.
OK