Révocation du gérant de SARL: de l'importance de bien motiver

Révocation du gérant de SARL: de l'importance de bien motiver

Publié le : 02/10/2018 02 octobre oct. 10 2018

La décision de révoquer un gérant de SARL doit être entourée de précautions :

 
  • elle ne doit pas être abusive ; c’est-à-dire être brutale et / ou s’accompagner de circonstances portant atteinte à la réputation ou à l'honneur du dirigeant (c’est le cas en particulier si la révocation intervient dans des circonstances vexatoires) ;
  • elle doit s’appuyer sur de justes motifs (L223-25 du Code de commerce).
 
Si la loi ne donne pas de définition du juste motif, le contentieux nourri en la matière permet d’appréhender les multiples contours de cette notion.
 
Ainsi, outre la faute / le manquement (faute de gestion, violation de la loi et des règlements, violation des statuts…), on sait que l’inaptitude du gérant (physique ou mentale), la mésentente avec les associés, une perte de confiance, et même une réorganisation interne peuvent constituer de justes motifs de révocation.
 
A noter : si la décision de révocation est dépourvue de justes motifs, le gérant concerné peut agir en dommages et intérêts contre la société (il ne pourra en revanche solliciter sa réintégration dans ses fonctions).
 
La variété des motifs admis par la jurisprudence ne doit cependant pas faire oublier une constante : le motif doit être en lien avec les fonctions de gérance.
 
Cette condition, qui semble participer de l’évidence, est parfois perdue de vue lorsque le gérant concerné occupe également des fonctions salariées dans la société.
 

Illustration avec cette récente affaire jugée par la Cour de cassation en avril dernier.

 
Les faits étaient les suivants : l’associé unique (également gérant) d’une SARL exerçant une activité d’ambulance et transports sanitaires nomme, à compter du 1er janvier 2011, Madame X en qualité de cogérante. Celle-ci travaillait en tant qu’ambulancière pour la société quoiqu’aucun contrat de travail n’ait jamais été établi.
 
Le 17 septembre 2012, Madame X se voit notifiée sa révocation. Il lui est reproché d’avoir abandonné ses fonctions depuis le 07 juillet 2012 et de s’être livrée à des manœuvres de détournement de la clientèle de la société.
 
Estimant ces griefs non fondés, Madame X engage un contentieux en réparation du préjudice causé par la révocation qu’elle estimait dépourvue de juste motif mais également vexatoire (et donc abusive) du fait de la publication du procès-verbal de décision de révocation.
 
Tant la juridiction de première instance que la Cour d’appel diront le juste motif de révocation non établi et condamneront la SARL en dommages et intérêts ainsi qu’au paiement de sommes au titre de cotisations sociales dues par la gérante révoquée.
Le grief de caractère abusif de la révocation sera également retenu.
 
La SARL décide de se pourvoir en cassation considérant que la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve.
 
Un recours nécessairement voué à l’échec compte tenu des erreurs commises dans la motivation de la révocation et de la défense maladroite de la SARL.
 
En effet, pour justifier la révocation, la SARL s’en tenait au fait que Madame X avait cessé ses activités d’ambulancière depuis le 07 juillet 2012 ; fait qui n’était pas contesté par Madame X, qui rejetait la responsabilité de cette situation à la société.
 
A juste titre, la Cour d’appel avait relevé :
  • que les fonctions d’ambulancière de Madame X étaient distinctes de ses fonctions de gérante ;
  • que si au titre de ses fonctions d’ambulancière Madame X devait travailler 16 heures par jour, ses fonctions de gérante n’impliquait pas, elle, une présence quotidienne ; les statuts exigeant simplement que le gérant consacre le temps et les soins nécessaires aux affaires sociales ;
  • que la cessation des activités d’ambulancières (quelle qu’en soit la cause) ne démontre pas ipso facto l’arrêt de l’exercice du mandat de gérant ;
  • que la société ne démontrait pas avoir reproché à Madame X de ne pas avoir exécuté son mandat de gérante, ni de l’avoir mis en demeure de le faire ni que Madame X l’ait refusé.
 
Et le fait que Madame X recevait une rémunération mensuelle unique de 5 000 euros et qu’aucun contrat de travail n’avait été établi ne pouvait en aucune façon justifier l’absence de distinction des fonctions d’ambulancières et de gérante.
 
La Cour de cassation confirma donc logiquement l’arrêt de la Cour d’appel ; précisant que cette dernière n’avait pas inversé la charge de la preuve en condamnant la SARL pour la raison que le juste motif de révocation n’était pas établi.

En effet, le juste motif de révocation ne se présumant pas, la charge de la preuve pesant sur le gérant demandeur ne dispense pas la société défenderesse de la nécessaire démonstration de l’existence et du bien-fondé du motif de révocation.
 
A noter : s’agissant du caractère vexatoire de la révocation, la SARL avait, pour la première fois, devant la Cour de cassation fait valoir que le procès-verbal n’avait été publié que par extraits sans mention des motifs de révocation. Mais parce que nouveau ce moyen était irrecevable.

Cassation commerciale 05 avril 2018, n° 16-18589

 

Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo: © Kromosphere - Fotolia.com


 

Auteur

Fatiha NOURI

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