TUP et crise sanitaire

Comment réaliser une transmission universelle de patrimoine (TUP) en période de crise sanitaire ?

Publié le : 28/04/2020 28 avril avr. 04 2020

Il a été rappelé que l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, ne constitue ni une suspension, ni une  prorogation du délai initialement imparti pour agir. Il permet seulement, pour tous les actes prescrits par la loi ou le règlement qui devaient être réalisés pendant la période juridiquement protégée définie à l’article 1er de l’ordonnance, c’est-à-dire, entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, de les réputer faits à temps s’ils interviennent dans un délai supplémentaire.

Celui-ci correspond au délai légalement imparti, que l’on fait de nouveau courir à compter de cette dernière date, sans qu’il puisse toutefois excéder deux mois.

L’interprétation de ce texte a soulevé des questions de la part des praticiens et des particuliers qui réalisent une transmission universelle de patrimoine régie par l’article 1844-5 du code civil, pendant la période juridiquement protégée.

La transmission universelle de patrimoine est l'opération par laquelle une personne morale associée ou actionnaire unique d'une société, dissout la société par simple décision unilatérale. Cette opération entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique, sans qu’il y ait lieu à liquidation. Dans cette hypothèse, les créanciers de la société dissoute disposent d’un droit d'opposition à la dissolution, qui ne fait pas obstacle à l’opération mais qui leur permet, avant sa réalisation, d’obtenir remboursement ou la constitution de garanties.
 

1- Le droit d’opposition des créanciers

L’opposition des créanciers se traduit par une action en justice. Elle est enfermée dans un délai de 30 jours à compter de la publication de la décision de dissolution. Ce délai est prévu à peine de forclusion : l’opposition ne sera plus recevable après l’expiration du délai pour agir. Les conditions d’application du premier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance ci-dessus citée sont donc remplies. Le droit d’opposition des créanciers en matière de transmission universelle de patrimoine bénéficie donc du mécanisme prévu par cette disposition.

Ce mécanisme ne conduit pas pour autant à suspendre le délai d’opposition, de sorte que le créancier peut valablement former son opposition pendant le délai de trente jours suivant la publication de la décision de dissolution, y compris lorsque ce délai de trente jours expire pendant la période de protection juridique. Toutefois, dans cette même hypothèse, s’il forme son opposition dans le délai  de trente jours suivant la fin de la période juridiquement protégée, cette opposition sera réputée faite à temps.

2- La réalisation de la transmission universelle de patrimoine

Il résulte de l’art. 1844- 5 al. 3 du code civil que « La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées. »

La date de réalisation de la transmission du patrimoine ne correspond pas à un « acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement » au sens de l’article 2 de l’ordonnance. La transmission universelle de patrimoine et la disparition de la personnalité morale sont automatiques : aucun acte n'est nécessaire pour constater cet état ; il s’agit uniquement d’un effet des actions qui ont été accomplies antérieurement (décision de dissolution et publication de cette décision notamment). Le mécanisme  de l’article 2 ne s’applique donc pas à la réalisation de la transmission universelle de patrimoine.

Par ailleurs, « l’issue du délai d’opposition », événement qui sert de référence pour déterminer la date de réalisation de la transmission du patrimoine, n’est pas modifiée par la solution exposée en I concernant la validité d’une opposition des créanciers formée après l’expiration du délai de trente jours. Cette solution, qui permet seulement de déclarer valable une opposition faite hors délai, ne correspond pas, en effet, à une prorogation de délai. Par conséquent, « l’issue du délai d’opposition » n’est pas modifiée.

La solution retenue pour le droit d’opposition ne conduit donc pas à décaler la date de réalisation de la transmission universelle de patrimoine. La transmission universelle de patrimoine est réalisée à l’issue du délai de trente jours suivant la publication de la décision de dissolution ou, si une opposition a été formée dans ce délai, lorsque cette opposition est rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.
Sous réserve de l’appréciation des juridictions, il semble que le créancier qui souhaiterait bénéficier de l’article 2 précité, et qui formerait opposition à la dissolution alors que la transmission universelle de patrimoine aurait déjà produit effet, pourra faire valoir ses droits auprès de l’associé unique. En effet la société initialement débitrice a perdu sa personnalité juridique et transmet l’intégralité de son passif et de son actif à l’associé unique. Il pourra solliciter le remboursement anticipé de sa créance ou la constitution de garanties par la société absorbante (l’associé unique).


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ARRAS (62)
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