Donation

Requalification d'un prêt familial non remboursé en donation indirecte

Publié le : 30/03/2021 30 mars mars 03 2021

L’affaire traitée par la Cour de Cassation dans son arrêt du 27 janvier 2021 n°19/17.793 est assez classique.

Il s’agit de deux concubins qui ont conclu un pacte civil de solidarité.

Durant la période du pacte civil de solidarité, ils ont acquis en indivision un bien immobilier destiné à leur résidence principale.

Le jour même ils ont souscrit deux prêts immobiliers destinés à financer cette acquisition.
Les parties sont soumises aux dispositions de l’article 515-4 alinéa 1 du Code Civil dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006.
Ils se sont engagés à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle est à une assistance réciproque.
L’aide matérielle doit être proportionnelle à leur faculté respective sauf clause particulière du pacs.

En l’espèce, aucune clause particulière n’a été prévue entre les deux partenaires de sorte que cette aide matérielle devait bien être proportionnelle à leur faculté respective.

Monsieur bénéficiait de revenus cinq fois supérieurs à Madame et il procédait au règlement intégral des deux mensualités de prêt immobilier et de la taxe foncière par son propre compte bancaire.

A la dissolution du pacs, il a sollicité le remboursement des sommes prétendument avancées dans l’intérêt de son ex partenaire.

La Cour d’Appel d’Angers avait considéré que la seule circonstance que l’une des parties ait assumé en fait le remboursement de l’intégralité des prêts, les revenus de l’autre partie étant insuffisants pour faire face à la fraction des remboursements lui incombant, ne pouvait être regardée comme révélant la volonté non équivoque des deux parties de faire peser l’intégralité des remboursements sur l’une d’elle.

La cour de cassation a approuvé la Cour d’Appel d’Angers qui a souverainement estimé que les paiements effectués par Monsieur n’avaient été réalisé en proportion de ses facultés contributives pour en déduire que les règlements relatifs à l’acquisition de bien immobilier participaient à l’exécution de l’aide matérielle entre partenaires de sorte que Monsieur ne pouvait, sans inverser la charge de la preuve, prétendre à une quelconque créance.

Cet arrêt a une importance pratique importante.

Dès lors que le pacte n’a rien prévu comme clause particulière, il laisse chacun des partenaires contribuer aux charges du couple en fonction de ses facultés matérielles.

 
  • Peut-on alors prétendre que les règles de l’indivision font présumer une participation aux charges à hauteur des parts dans l’indivision ?
  • Est-ce qu’à défaut de clause particulière dans le pacte, les juges du fond doivent-ils se prononcer sur la répartition des charges en fonction des facultés respectives ?
  • Est-ce que le fait que l’une des parties ait assuré seule le remboursement intégral des prêts et que l’autre ne disposait pas de revenus à la hauteur des remboursements, ne pourrait pas établir une volonté commune non équivoque des parties de faire peser sur l’une d’elle une charge excédant ce qui lui incombait au titre des facultés respectives des parties ?

La Cour d’Appel d’Angers et la Cour de Cassation ont répondu très clairement à ces questions.
Dès lors qu’aucune clause particulière ne vient gérer la répartition des charges respectives et dès lors que l’un des partenaires a des revenus beaucoup plus importants et assume l’intégralité des prêts, il faut considérer qu’il en fait donation à l’autre partenaire au titre de l’aide matériel et qu’il s’engage par la même à ne réclamer aucune créance à la dissolution du PACS.
On aurait pu imaginer une autre solution à savoir que la partenaire qui a cinq fois moins de revenus que son partenaire, contribue à un cinquième du prêt immobilier.

Mais le raisonnement de la Cour d’appel d’Angers et de la Cour de Cassation est à approuver.
A défaut de contractualisation de la situation des parties à propos des charges respectives, il faut considérer que les parties ont convenu de se partager la charge du foyer sans aucune clause particulière de sorte que chacune des parties à la dissolution du pacs ne peut solliciter un quelconque remboursement d’une créance née durant la période du pacs.

Cette situation est non seulement conforme au texte mais elle apparaît également plus équitable et protectrice car elle évite aux partenaires de revenir sur leur fonctionnement après dissolution du PACS en l’absence de toute clause particulière.

Reste à savoir si dans la situation inverse c’est-à-dire si Madame avait réglé l’intégralité des prêts (et rien d’autre compte tenu de la faiblesse de ses revenus), elle aurait pu formuler une prétention de remboursement. A notre sens la même règle posée par la Cour de cassation devrait en logique s’appliquer.


Cet article n'engage que son auteur.

 

Auteur

MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration
GRENOBLE (38)
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