Reclassement du salarié inapte : pas d'obligation pour l'employeur d'assurer une formation sur un métier différent

Reclassement du salarié inapte : pas d'obligation pour l'employeur d'assurer une formation sur un métier différent

Publié le : 08/09/2016 08 septembre sept. 09 2016

L’employeur n’a pas l’obligation d’assurer au salarié inapte une formation sur un métier différent du sien.Lorsqu’à l’issue d’une visite de reprise, le salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, l’employeur doit procéder au reclassement du salarié.

En effet, l’article L. 1226-2 du code du travail prévoit que : « l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. »

Ainsi, tout d’abord, l’emploi proposé doit être approprié aux capacités du salarié.


Cette notion s'apprécie :


  • au regard des capacités physiques de l'intéressé telles que décrites par le médecin du travail. L'employeur doit donc prendre en considération les recommandations du médecin du travail. Si ce dernier n'a formulé aucune proposition, il appartient à l'employeur de les solliciter (Cass. Soc., 13 juillet 2004, n°02-42.134) ;
  • mais aussi au regard de ses capacités intellectuelles et de sa formation.

La Cour de cassation a déjà jugé que : « N'est pas un poste « approprié » le poste qui requiert une formation initiale qui fait défaut à l'intéressé » (Cass. Soc., 7 mars 2012, n°11-11.311).

En outre, l'emploi recherché doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé.

Pour cela, l'employeur ne doit pas omettre d'envisager des mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du poste ou du temps de travail. (C. trav., art. L. 1226-2). Il peut aussi être amené à assurer une formation complémentaire du salarié si elle permet son reclassement dans un poste plus qualifié (Cass. Soc., 7 juillet 2009, n°08-40.328).



Toutefois, la Cour de cassation rappelle, dans son arrêt du 11 mai 2016, que l’employeur n’est pas tenu d'assurer au salarié, frappé d'un avis d'inaptitude, une formation à un métier différent du sien (Cass. Soc., 11 mai 2016, n°14-12.169).



Ainsi, dans ce dernier arrêt, la Cour de cassation confirme sa position : l’obligation de reclassement de l’employeur ne s’étend pas aux postes de travail qui nécessiteraient une formation initiale. En effet, un tel poste ne correspondrait pas aux capacités du salarié.

La Haute juridiction va même plus loin en décidant que l’employeur qui prendrait l’initiative de former le salarié sur un poste différent du sien en assumerait les conséquences :

Dans cette affaire, le salarié déclaré inapte au poste de magasinier cariste s'était vu proposer un poste de guichetier qu'il avait accepté. Pour ce poste, le salarié avait bénéficié d’une formation de 45 jours. Cependant, ce dernier était ensuite licencié pour insuffisance professionnelle. Le licenciement a été annulé au motif que le poste proposé pour le reclassement n'était pas approprié aux capacités du salarié qui avait des aptitudes manuelles mais aucune compétence en informatique et comptabilité (Cass. Soc., 7 mars 2012, n°11-11.311).


Précisons cependant que, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le médecin du travail doit se prononcer sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté dans les cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (C. trav., art. L. 1226-10).

Cette obligation de formation se rapproche alors de celle prévue en cas de licenciement pour motif économique.


En effet, l’article L. 1233-4 du code du travail prévoit que : « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. »


Il ressort de cet article que l’accent est davantage mis sur l’effort de formation de l’employeur.

En effet, l’employeur doit proposer aux salariés concernés des postes accessibles ou rendus accessibles par des mesures de formation, d’accompagnement et d’adaptation (Cass. soc. 29.05.2002, n°00-40475).

Cependant, il semble s’agir, comme en cas d’inaptitude du salarié, d’une formation d’adaptation et non d’une formation qualifiante initiale.

En effet, la Cour de cassation a décidé que dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, si l’employeur est tenu à une obligation de reclassement et d’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi, il n’est pas tenu d’assurer une formation initiale sur une poste totalement différent (Cass. Soc., 20 janvier 2015, n°13-25613).


Il convient néanmoins de s’interroger sur l’évolution d’une telle jurisprudence suite à l’entrée en vigueur de la loi 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle qui prévoit une « obligation nationale » de formation tout au long de la vie du salarié.

Cette obligation nationale « d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi » semble englober deux exigences.

En effet, si l’employeur doit veiller à l’adaptation du salarié aux évolutions de son poste de travail, il doit également s’assurer de son employabilité au-delà du poste occupé….



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Chlorophylle - Fotolia.com

Auteur

ANTOINE Alain
Avocat Associé
Alain ANTOINE
SAINT-PAUL (974)
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