Les contrats internationaux - Du choix de la loi à la gestion des conflits

Les contrats internationaux - Du choix de la loi à la gestion des conflits

Publié le : 10/03/2016 10 mars mars 03 2016

La diversité des législations d'un pays à l’autre rend complexes les règles relatives à la loi applicable à un contrat ; à la compétence des juridictions en matière internationale ; ou encore à l'ordre public de chaque pays.Il convient tout d’abord de consigner par écrit tout ce qui a été convenu. Ensuite, il faut réfléchir ensemble aux difficultés qui pourraient survenir, afin de trouver des solutions pour tenter d’éviter un conflit susceptible d’engendrer une perte d’énergie et des coûts souvent significatifs. Le contentieux peut survenir de votre fait ou de celui de votre cocontractant. Les situations évoluent et les personnes qui ont signé le contrat changent de poste. Il faut enfin penser à faire évoluer le contrat pour l’adapter à la situation de fait.

Un contrat, s'il est « bien » écrit, permettra d'encadrer la relation commerciale avec précision et souplesse, en tenant compte des spécificités liées à sa dimension internationale.

En outre, les parties se trouvent confrontées d’office à un certain nombre de documents : bons de commande, accusés de réception de commandes, conditions générales de vente ou d’achat, contrat-cadre, Incoterms, cahier des charges. Il convient donc de hiérarchiser ces documents et de prévoir ceux qui prévaudront.



I – La conclusion du contrat international

1. La langue et la capacité – Choisir la langue du contrat est un premier élément d’importance ; même si l'anglais demeure la langue des affaires, certains partenaires imposent l'usage de leur langue dans la rédaction du contrat et il faudra, le cas échéant, rédiger en deux langues pour être sûr de bien se comprendre et préciser celle qui prévaudra.

Il est conseillé, en outre, de vérifier que le cosignataire dispose de la capacité pour engager la personne morale qu'il représente, en fonction du droit du pays où la société est immatriculée.



2. Le contexte – Par exemple, une mesure d'embargo prononcée par le Conseil de sécurité de l’ONU aura une influence sur un contrat international et viendra éventuellement compromettre son application. Il faudra alors prévoir dans le contrat des clauses de suspension, de prorogation ou de prolongation des délais pour pallier à cette difficulté, qui peut constituer un cas de force majeure. Il peut être opportun également de stipuler précisément les cas de force majeure en prévoyant des exemples concrets dans le contrat.

Il est prudent également de se renseigner sur l'environnement économique, juridique et social de son futur partenaire.

Par exemple, pour les contrats de distribution exclusive, le distributeur doit demander au fournisseur de lui indiquer de quels droits de propriété intellectuelle il dispose sur ses produits, mais aussi s’il existe d'autres distributeurs qui bénéficient d'une clause d'exclusivité.

Pour un contrat d'agent commercial, il faut savoir que les règles de l'Union Européenne (UE) soumettent ce contrat à un régime plus favorable à l'agent (infra).

Pour les contrats de franchise, certaines lois, à l'instar des lois française, chinoise, et roumaine, encadrent ce contrat en obligeant, en amont de la signature du contrat, le franchiseur à fournir de nombreuses informations au franchisé (expérience, marché potentiel, réseau, durée du contrat, non-concurrence, etc.).

Pour un contrat de fabrication, mieux vaut annexer le cahier des charges dans sa version définitive, afin d'éviter tout conflit d'interprétation ultérieur.

En matière d'accord OEM (Original Equipment Manufacturer), l'acheteur, en fonction de sa capacité de stockage, peut être intéressé par l'ajout d'une clause imposant une production a minima afin de réduire ses dépenses de stockage et ainsi améliorer son flux de trésorerie.

Et dans un contrat de sous-traitance, il est possible également de s'interroger sur les droits du sous-traitant qui, à partir des produits qui lui sont fournis, peut être amené à inventer de nouveaux produits…

L'ensemble de ces exemples non exhaustifs amène alors à s'interroger sur la loi applicable au contrat international.



3. Le choix de la loi applicable – Il convient de bien choisir la loi applicable au contrat : Droit français ? Droit anglais (choisir « England & Wales ou Scottish) ? Droit allemand ? Droit japonais ? Droit de l’Etat de New York - ou d’un autre Etat - et non le droit américain qui n’existe pas, pas plus que le droit européen. En fonction de la loi choisie, les règles applicables ne seront pas les mêmes. Par exemple, contrairement au droit français, le droit de « Common law » (en vigueur dans les pays anglo-saxons) ne donne aucune valeur au préambule d'un contrat, ou à une clause pénale (sous réserve de l’évolution en cours) ; la notion de bonne foi y est par ailleurs inconnue.

Vous devez vous interroger sur la loi qui sera la plus avantageuse pour votre entreprise.

Par exemple, si vous êtes distributeur, choisissez la loi belge ; si vous êtes agent commercial, la loi française.

Le principe, en droit international, est que les parties sont libres de soumettre leur contrat à la loi de leur choix. À ce stade, deux précisions doivent être apportées :

- En premier lieu, pour faciliter son opposabilité, la clause relative au choix de la loi applicable devra être écrite dans le contrat. À défaut, en cas de litige, la loi applicable sera désignée par les règles de conflit de lois que le juge saisi appliquera (infra), sauf accord des parties.

- En second lieu, il existe néanmoins dans certaines législations des limites à la liberté de choix. Par exemple, il a été jugé que la loi bulgare choisie par les parties pour un contrat avec un agent commercial belge peut être écartée au profit de la loi belge, plus favorable envers ce dernier (cf. arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 17 octobre 2013 aff. 184/12, 3e ch. « United Antwerp Maritime Agence NV c/ Navigation Maritime Bulgare »).



4. À défaut de choix de la loi applicable – Ce sera le juge saisi de l’affaire qui désignera une loi applicable en fonction des règles internationales et du droit de son pays. Par exemple, si le juge français est saisi d'un contrat de prestation de services conclu entre un client français et un prestataire italien, il appliquera l'article 4.1 b) du règlement européen « Rome I » du 17 juin 2008, selon lequel la loi applicable est celle du lieu de résidence du prestataire – en l'espèce, la loi italienne. Il convient de préciser qu'il s'agit là d'une règle de conflit propre à l’UE et que, dès lors, un juge hors UE pourra être amené, en fonction de sa législation, à en appliquer une autre – ce qui crée une forme d'insécurité juridique.

Enfin, certaines conventions internationales prévoient – sous réserve de ratification – des règles immédiatement applicables aux contrats qu'elles encadrent, à l'instar de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 relative à la vente internationale de marchandises, plutôt favorable au vendeur.

Si le choix de la loi est contesté par la partie adverse, le contentieux nécessitera un débat long et coûteux sur ce sujet, ce qui retardera d’autant le traitement du fond du litige.



II – Le contentieux relatif au contrat international

5. La prévention du conflit – Quand un conflit survient, le premier réflexe est de relire le contrat.

Un contrat international bien rédigé peut permettre d'éviter un contentieux. Il est, en effet, possible de prévoir des clauses de sortie de conflit, de renégociation, de médiation, obligeant les parties à se rencontrer avant de saisir le tribunal étatique ou arbitral. Par exemple, en cas de désaccord sur l'application d'une clause, il aurait été opportun, en amont, d'insérer une clause de renégociation du contrat afin de trouver un compromis.



6. L'arbitrage international – L'arbitrage international est aussi une solution, coûteuse, mais qui confère en contrepartie des avantages en termes de confidentialité, pragmatisme et coercition. Pour ce faire, on peut soit prévoir un arbitrage « ad hoc » dans le contrat, c'est-à-dire dont les règles de fond et de forme sont élaborées par les parties ; soit recourir à un arbitrage « institutionnel » par un organisme d'arbitrage international, en se soumettant à sa charte ou à son règlement. La présence d'une clause d'arbitrage oblige par ailleurs le juge étatique saisi par une partie à se reconnaître incompétent.

Si la justice d’Etat est souvent plus longue, elle est en général moins chère.



7. Le défaut de choix du juge – Comme pour la loi applicable, à défaut de choix d’un tribunal étatique ou arbitral, ce seront les règles de conflit de juridictions qui détermineront le ou les juge(s) que les parties pourront saisir. Par exemple, le règlement européen Bruxelles I Bis prévoit que le juge européen de l’Etat du domicile du défendeur est, en principe, compétent.



8. Conclusion – Les derniers éléments à prendre en compte dans la conclusion d'un contrat international sont le coût et le temps. Il faut s'interroger sur le coût de la négociation du contrat (préparation, lettre d'intention, pourparlers, honoraires de conseil…), à comparer avec celui que peut engendrer un contentieux évitable...

Prendre le temps de négocier peut faire gagner du temps par la suite.

En outre, dans le cadre des négociations, les anglo-saxons sont toujours assistés de leur(s) conseil(s), avec qui ils préparent leur négociation.

Tenir compte des différences culturelles est un exercice parfois difficile, mais nécessaire pour une meilleure compréhension de son cocontractant.



Cet article a été rédigé par Thierry CLERC, Avocat spécialiste en droit international, et Josselin PESCHIUTTA, Elève avocat.

Thierry CLERC est avocat à Rouen et à Paris (IFL AVOCATS), spécialiste en droit international depuis 1996.

Il est intervenu dans un grand nombre de transactions et procès internationaux.

Membre fondateur, puis membre du conseil, il a été Président d’EUROJURIS INTERNATIONAL, un réseau de 600 cabinets d’avocats implantés dans 50 pays.

Il a acquis une expérience dans plus de 30 pays ; suivi et organisé des formations en droit international ; et publié des articles.

Il anime actuellement le groupe de travail « EUROJURIS INTERNATIONAL CONTRACTS & LITIGATION », qui réunit des avocats d’une douzaine de pays européens et hors Europe, et dont la prochaine session, en mai 2016, traitera des conditions générales de vente et d’achat à l’international.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Kostakostov- Fotolia.com

Auteur

Thierry CLERC

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