La nouvelle régulation communautaire du marché vitivinicole

Publié le : 29/08/2009 29 août août 08 2009

Une organisation commune du marché vitivinicole a été progressivement mise en œuvre dans le cadre de la PAC. Dans ce secteur, le but de la PAC est notamment de stabiliser les marchés et garantir un niveau de vie équitable pour les viticulteurs.

Le marché vitivinicoleUne organisation commune du marché vitivinicole a été progressivement mise en œuvre depuis 1962 dans le cadre de la politique agricole commune (PAC).
Le but de la PAC est d’atteindre les objectifs de l’article 33 du traité CE et, notamment, dans le secteur vitivinicole, de stabiliser les marchés et garantir un niveau de vie équitable pour les viticulteurs. La réalisation de ces objectifs suppose d’une part, l’adaptation des besoins aux ressources en agissant sur l’offre par la gestion approprié du potentiel viticole (1) et d’autre part, le recours à des mécanismes de marché, désignés sous les termes de mesures de soutien dans le règlement OCM n° 479/2008 du 29 avril 2008, pour préserver son équilibre et éviter les excédents.

La nouvelle organisation commune du marché vitivinicole issue du règlement (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008 est la sixième depuis l’OCM fondatrice adoptée par le Règlement 24 du 4 avril 1962. Le règlement n° 479/2008 est globalement entré en vigueur le 1er août 2008, à l’exception de l’intégration dans le régime du paiement unique est intervenu à compter du 1er janvier 2009 et des dispositions concernant les pratiques œnologiques, la protection des appellations d'origine, les indications géographiques et les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation…(chapitres II, III, IV, V et VI du titre III) qui ne seront en vigueur qu’à partir du 1er août 2009 (2).

Cette sixième OCM vitivinicole est aussi la dernière propre à la filière, puisque, à la suite du vote du Parlement européen en 2007, la perspective de simplification (3) proposée par Commission européenne de modifier le règlement n° 1234/2007 du 22 octobre 2007, appelé « OCM unique », qui englobe déjà 21 règlements relatifs à des OCM afin qu’il intègre le secteur vitivinicole a été adoptée. Ainsi, le 1er août 2009, date d’entrée en vigueur de nombreuses dispositions du règlement OCM vitivinicole, a aussi été le jour de l’abrogation de ce règlement, dont les dispositions ont été intégrées à droit constant dans le règlement OCM unique n° 1234/2007 en application du règlement (CE) n° 491/2009 du 25 mai 2009 qui modifie le règlement OCM unique précité pour y introduire les dispositions propres au secteur vitivinicole.


Pourquoi une nouvelle régulation communautaire ? Les raisons profondes qui ont guidé cette réforme tiennent à notre sens à la nécessité d’une double harmonisation. En premier lieu, il convenait de faire progresser l’harmonisation du droit communautaire viticole avec les différents accords qui s’imposent dans le cadre de l’OMC, notamment l’accord sur l’agriculture, et qui sont incontestablement la source principale d’évolution du droit agricole européen orienté vers une réduction des mesures de soutien considérées comme des distorsions de concurrence. En second lieu, et en partie de façon subséquente, la Commission souhaitait qu’intervienne une intégration du droit communautaire vitivinicole plus affirmée dans la politique agricole commune au moyen d’une incorporation dans un règlement portant OCM unique du secteur agricole.

Le texte du nouveau règlement est donc marqué par cette double orientation vers davantage d’adaptation au marché mondial, par une harmonisation nationalement modulée (I) et vers une progression de la réglementation horizontale se traduisant par l’extension des mécanismes de la PAC au secteur viticole (II).



I. La recherche d’une adaptation au marché par une harmonisation nationalement modulée

La nouvelle organisation commune du marché vitivinicole est marquée par un vent de libéralisme qui a pour conséquence immédiate une plus grande liberté des Etats membres dans la mise en œuvre des mesures de soutien et de gestion du potentiel viticole.
La première manifestation importante de cette renationalisation des politiques communautaires réside dans l’approche des mesures d’aides spécifiques qui, bien que définies et financées par des fonds communautaires, sont librement sélectionnées, en fonction de ses particularités, par chaque Etat membre (A) qui assume la responsabilité de leur mise en œuvre (4) par l’emploi des ressources allouées sous forme d’enveloppes nationales.

L’importance accordée à l’intervention des Etats membres tant dans le choix des programmes d’aides que dans leur financement conduit certains à évoquer « l’infléchissement nationaliste de la nouvelle OCM » (5). Cet infléchissement est d’autant plus accentué qu’il existe aussi à l’égard de la gestion du potentiel de production (B).

Même si ce point, ne sera pas évoqué ici, la nouvelle OCM consacre aussi une liberté plus grande en faveur des opérateurs qui se traduit par deux orientations (6). La première correspond à un assouplissement de la réglementation viticole tant en ce qui concerne les pratiques œnologiques que l’étiquetage des produits viticoles, tandis que la seconde voit significativement progresser le domaine de l’autorégulation des opérateurs à l’égard de la gestion des AOP/IGP et des interprofessions.


A) Le rôle prépondérant des Etats membres dans l’application des mesures de soutien

Les programmes d’aides, au nombre de 11, sont définis aux articles 9 à 19 du règlement n° 479/2008. Hormis le régime du paiement unique, envisagé par l’article 9 et analysé plus loin, ce sont donc 10 mesures spécifiques de soutien qui sont prévues, parmi lesquelles chaque Etat membre choisit celles qu’il applique sur son territoire (1). Ce choix est financé par le système des enveloppes nationales (2).

1) Les choix nationaux des mesures de soutien prévues par la nouvelle OCM

Les mesures de soutien peuvent viser à la restructuration et la reconversion des vignobles (reconversion variétale, y compris par surgreffage, réimplantation de vignobles et amélioration des techniques de gestion des vignobles mises en œuvre sous la forme d’une indemnisation des producteurs pour les pertes de recettes consécutives à la réalisation de la mesure ou d’une participation aux coûts).

D’autres mesures ont pour objet l’amélioration de la production vitivinicole et consistent dans la promotion sur les marchés des pays tiers, le soutien aux investissements matériels ou immatériels dans les installations de transformation, dans l’infrastructure de vinification et la commercialisation du vin et la distillation des sous-produits pour éviter le surpressurage des raisins et la remise en fermentation des marcs et lies qui conduit à la production de vins de mauvaise qualité. La distillation d’alcool de bouche se rattache aussi à cette catégorie de mesures.

Enfin, une troisième catégorie de mesures se rapporte à la gestion des situations de crise. Ces mesures sont de nature préventive telles que l’assurance-récolte, les fonds de mutualisation et la vendange en vert ou, plus traditionnelles, et consiste dans des aides aux distillations de crise ou à l’utilisation du moût de raisin concentré qui ont fait l’objet d’âpres négociations entre d’une part, la Commission européenne favorable à leur suppression pour respecter les engagements pris dans le cadre de l’OMC et d’autre part, les Etats membres attachés à leur maintien. Un compromis a finalement été trouvé dans leur maintien pendant une période transitoire.

L’aide aux mesures traditionnelles de gestion des crises n’est maintenue que jusqu’au 31 juillet 2012. Concernant la distillation de crise (7), le plafond de l’aide communautaire est fixé par rapport à un pourcentage dégressif des fonds communautaires disponibles pour l’ensemble des programmes d’aides, le plafond étant de 20% en 2009 pour tomber à 5% en 2012. Mais les Etats membres ont la possibilité de compenser la diminution des fonds communautaires par l’allocation de fonds nationaux selon un plafond progressif jusqu’en 2012. Au-delà du 1er août 2012, la distillation de crise restera possible mais sous la forme d’une aide d’Etat devant être approuvée par la Commission et dont le montant ne peut dépasser 15 % de l’aide communautaire allouée à cet Etat pour l’année considérée (8).

Le régime de l’ensemble ces aides est précisé par le règlement (CE) de la Commission n° 555/2008 du 27 juin 2008.

Ces mesures qui remplacent les « mécanismes de marché » prévus par le règlement n° 1493/1999 portant la précédente OCM sont le résultat d’un compromis difficilement obtenu. Ainsi, la Commission européenne entendait se conformer plus directement à l’Accord sur l’agriculture en faisant disparaître toutes les mesures de soutien incitant à la production ayant des effets de distorsion en raison du couplage entre la production et le montant de l’aide, classées à ce titre dans la « boite orange » et appelées en vertu de cet accord à beaucoup régresser.

Ainsi, les aides aux stockage privé définies par les articles 24 à 26 du règlement n° 1493/1999 n’existent plus dans le règlement n° 479/2008 portant la nouvelle OCM. De même, la Commission européenne était favorable à la suppression des mesures de distillation de crise qui n’ont été réintroduites qu’en fin de parcours législatif sur pression des Etats membres et seulement à titre transitoire.

Parmi les onze mesures d’aide, en ce compris le RPU, les Etats membres sélectionnent librement celles qu’ils entendent mettre en œuvre sur leur territoire dans le cadre d’un programme d’aide sur cinq ans. Un projet de programme devait être soumis à la Commission européenne avant le 30 juin 2008. A ce titre, le conseil de direction spécialisé de Viniflhor « filière viticole », a décidé de mettre en œuvre en France, six des onze mesures : les aides à la promotion, à l’investissement, à la restructuration, à l’assurance-récolte, à l’utilisation du moût concentré et aux prestations viniques.

L’application de certaines de ces mesures est précisée dans trois arrêtés ministériels du 16 février 2009 concernant les distillations des sous-produits de la vinification, l’enrichissement par addition de moût concentré (et concentré rectifié) et les opérations de promotions ; ces arrêtés ont été pris en application du décret n° 2009-178 du 16 février 2009.

Ce principe de la sélection par chaque Etat membre des mesures de soutien parmi celles définies par le règlement n° 479/2008 est le résultat du constat de la très grande diversité des situations nationales qui rend préférable le choix des mesures par chacun des Etats en fonction de ses spécificités. La contrepartie réside dans le fait que « les Etats membres assument la responsabilité de la mise en œuvre des programmes (9) » de soutien. Cette responsabilité étatique est d’autant plus logique qu’ils ont la libre disposition des ressources par le système dit « des enveloppes nationales ».

2) Le financement par le système des enveloppes nationales

Le débat entre les Etats membres sur le budget communautaire à allouer au secteur vitivinicole s’est révélé très difficile. Plusieurs lignes de partage sont apparues entre Etats membres producteurs et non producteurs, allocataires traditionnels du budget et nouveaux Etats membres producteurs… (10) Le compromis finalement obtenu consiste à attribuer à chaque Etat membre producteur une ligne budgétaire de fonds communautaire dont il a la libre disposition et qu’il répartit librement en faveur de chacune des mesures qu’il a sélectionnées.

Ainsi, en France, le conseil de direction de Viniflhor a décidé d’attribuer, pour 2009, près de 75 % de l’enveloppe nationale allouée à la France à trois mesures de soutien seulement (principalement la restructuration puis la promotion et les prestations viniques) sur les six sélectionnés (11). Les enveloppes nationales seront progressivement augmentées jusqu’en 2015 parallèlement à la disparition des mesures traditionnelles de régulation du marché telles les distillations de crise. Par ailleurs, les Etat membres peuvent inclure dans l’enveloppe nationale un régime de paiement unique (RPU) pour certains producteurs sur la base de critères objectifs et non discriminatoires

Les trois principaux Etats membres bénéficiaires sont par ordre décroissant l’Espagne dont la dotation progressera de 213,820 millions d’Euros en 2009 à 353,081 millions à partir de 2014, l’Italie avec une dotation allant de 238,223 à 336,997 millions d’euros pour la même période et la France dont la dotation augmentera de 171,909 à 280,545 million d’euros durant la période de référence (12). Tous les autres Etats membres ont des dotations (annexe II) très inférieures, et ce d’autant plus qu’ils ne bénéficient pas, contrairement aux trois Etats précités de dotation budgétaire au profit du développement rural (annexe III).

Certains voient dans cette liberté des Etats une renationalisation de la politique vitivinicole et le germe de l’éclatement de la nouvelle OCM (13).


B) Liberté des Etats dans la gestion du potentiel de production

Cette liberté se manifeste dans la mise en œuvre de la politique d’arrachage (1) et dans une certaine mesure pour les droits de plantation (2).

1) Liberté des Etat dans la mise en œuvre de la politique d’arrachage

Si un programme ambitieux d’arrachage (175 000 ha sur trois ans jusqu’à la fin de la campagne 2010-2011) moyennant une prime dégressive de 2008 à 2011 (voir dotation de l’annexe VII) est prévu par le règlement portant la nouvelle OCM, la liberté des Etats membres n’est est pas moins préservée dans sa mise en œuvre. Instrument traditionnel de limitation de l’offre, le programme d’arrachage est surtout conçu dans le cadre du règlement n° 479/2008 comme une mesure sociale (14). Ainsi, les primes seront versées en priorité aux viticulteurs qui arrachent la totalité de leur vignoble et aux demandeurs âgés de plus de 55 ans (15).

Cette politique communautaire d’arrachage est ainsi mise en œuvre par chaque Etat membre qui dispose d’une liberté non négligeable. Ainsi, un Etat membre pourra mettre un terme à l’arrachage si la superficie concernée dépasse 8% de son vignoble ou 10% de la surface totale de la région concernée (16).

Il pourra aussi s’opposer à l’arrachage dans les zones de montagne ou de forte déclivité (17) ainsi que pour des questions environnementales (18) (à cet égard plus de 100 000 ha de vignobles ont été déclarés inéligibles au programme d’arrachage dans l’annexe VIII). Enfin, il pourra octroyer une aide nationale complémentaire qui ne doit toutefois pas dépasser 75% de la prime communautaire à l’arrachage.

Les demandes doivent être transmises par chaque Etat membre, avant le 15 octobre, à la Commission européenne en raison de l’admission au bénéficie de tous les viticulteurs situés sur le territoire communautaire. Si le montant total des demandes excède les ressources de l’année, la Commission européenne indique le pourcentage de demandes qui peuvent être honorées, ce pourcentage étant le même pour tous les Etats membres. Les demandes non satisfaites sont reportées à l’année suivante mais, en raison de la dégressivité de la prime, ne bénéficieront pas d’une prime aussi élevée (19).

Considérant les nouvelles préoccupations environnementales, le règlement (CE) n° 479/2008 conditionne, ce qui est nouveau, la prime au maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales après l’arrachage. En conséquence, si un viticulteur n’a pas respecté pendant les trois années qui ont suivi le versement de la prime, les exigences réglementaires en matière de gestion et de bonnes conditions agricoles et environnementale, la prime peut être réduite ou annulée en tout ou partie selon la gravité du manquement, le viticulteur devant rembourser la prime qui lui avait été versée.

Il est à noter que le compromis sur l’arrachage inclut un accord sur les plantations illégales, car réalisées sans droits de plantation après le 31 août 1998 et les plantations irrégulières car réalisées sans droits avant le 31 août 1998. Les premières sont arrachés sans primes alors que les secondes donnent droit au paiement d’une redevance (fixée par les Etats membres et correspondant au moins à deux fois la valeur moyenne du droit de plantation correspondant dans la région concernée) si elles interviennent avant le 31 décembre 2009. Après cette date, dans ce deuxième cas, l’arrachage est au frais du viticulteur.

2) Disparition nationalement ajustée des droits de plantation

Les droits de plantation seront abolis au niveau communautaire après le 31 décembre 2015 (20), ce qui représente une prolongation du principe d’interdiction de plantation de vigne qui était prévu par l’OCM antérieur jusqu’au 31 juillet 2010. Ainsi, en principe après 2015, les producteurs pourront procéder à de nouvelles plantations librement sans avoir de droits de plantation, considérés par la Commission européenne comme ayant un effet négatif car ils représentent une barrière administrative à l’entrée dans ce secteur. Il s’agit d’une libéralisation importante du secteur viticole.

Néanmoins, est laissée aux Etats membres la liberté de prolonger le régime transitoire des droits de plantation nouvelle (21) et de replantation (après arrachage) (22) ainsi que l’interdiction conséquente de procéder librement à la plantation de vigne jusqu’au 31 décembre 2018 (23). Pendant toute la durée du régime transitoire, les Etats membres peuvent maintenir les réserves nationales (ou régionales) de droits de plantation.



II. L’extension des mécanismes de la PAC au secteur viticole

La perspective d’une OCM unique est énoncée dès le considérant 8 du règlement n° 479/2008 selon lequel, en substance, « il convient que le règlement n 1234/2007 du 22 octobre 2007 portant OCM dans le secteur agricole (dit OCM unique) couvre aussi à terme le secteur vinicole. (…) Pour faciliter l’incorporation ultérieure au règlement OCM unique, il convient d’aligner, dans toute la mesure du possible, les dispositions du règlement portant OCM vitivinicole qui concernent les questions horizontales sur celles du règlement OCM unique ».

En conséquence, dans le but de faire progresser l’intégration annoncée dans l’OCM unique, la nouvelle OCM viticole perd une partie de son particularisme historique. La distinction entre les VQPRD et les vins de table est ainsi abandonnée au profit de la distinction AOP-IGP qui prévaut pour l’ensemble des produits agricoles.

De plus, les mécanismes de régulation du marché de l’OCM viticole se voient progressivement et partiellement intégrés dans les mécanismes communs de la PAC. A cet égard, la spécificité de la réglementation communautaire en matière vitivinicole qui était encore le maître mot sous l’empire de la précédente OCM établie par le règlement (CE) n° 1493/1999 du 17 mai 1999 perd du terrain au profit d’une réglementation horizontale gouvernant l’ensemble du domaine agricole. Ce développement de l’horizontalité en matière vitivinicole s’opère selon deux axes distincts.

En premier lieu, certains mécanismes, comme les échanges avec les pays tiers, prévus par le règlement (CE) n° 1234/2007 du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole dit « OCM unique » sont présents dans la nouvelle OCM vitivinicole. Comme ces mécanismes concernent des accords gérés par l’OMC qui ne distinguent pas le secteur viticole des autres secteurs agricoles, il était logique de leur appliquer la réglementation horizontale issue du règlement « OCM unique » (24).

En deuxième lieu, une orientation vers une intégration progressive dans la PAC est réalisée par l’application aux viticulteurs de règles élaborées dans ce cadre. Cette orientation vers l’application des mécanismes de la PAC au secteur viticole, désignée sous l’expression d’horizontalité communautaire pour indiquer que le secteur viticole se voit appliquer des mesures communes à tout le secteur agricole, est imprimée par les articles 9 et 23 du règlement n° 479/2008.

Le premier texte autorise et même incite les Etats membres à soutenir les viticulteurs par l’allocation d’aides découplées dans le cadre du régime du paiement unique établies par le règlement (CE) n° 1782/2003 du 29 septembre 2003 relatif au régime de soutien direct dans le cadre de la PAC (A), le second prévoyant le transfert des fonds communautaire pour financer dans les régions viticoles des mesures de développement rural définies par le règlement (CE) n° 1698/2005 du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Feader (B).

A) La possibilité de recourir au RPU : l’incitation aux aides découplées

Première mesure d’aide spécifique énoncée dans la section 3 du titre I du règlement n° 479/2008, le régime de paiement unique est en réalité un soutien aux viticulteurs d’une nature différente des dix autres mesures d’aide qui sont propres à la matière vitivinicole et concernent soit la restructuration ou la reconversion du vignoble, soit les situations de crises de surproduction. Le régime de paiement unique, n’est pas en effet spécifique au secteur vitivinicole mais relève au contraire du règlement (CE) n° 1782/2003 du 29 septembre 2003 qui établit des règles communes pour les régimes de soutien directs aux agriculteurs.

Le régime du paiement unique (RPU) défini par ce dernier règlement constitue une aide découplée qui n’est pas fonction de la production mais qui cherche à assurer la gestion des terres arables dans de bonnes conditions agricoles et environnementales (25).

Même en l’absence d’exploitation, les terres doivent être maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales pour bénéficier du RPU. Ainsi, après arrachage, les surfaces agricoles anciennement plantées en vigne pourront prétendre automatiquement au statut de zones bénéficiaires du régime de paiement unique et donner lieu au paiement du montant moyen régional de l'aide directe découplée, qui ne pourra dépasser 350€/hectare. Mais ce régime concerne aussi les vignes exploitées dans les conditions agricoles et environnementales précitées puisque l’article 123 du règlement n° 479/2008 modifie l’article 51 du règlement n° 1782/2003 qui ne visait que les terres non exploitées.

Il s’agit donc d’une aide au revenu du producteur détachée de la quantité produite mais déterminée par hectare dont la gestion respecte les conditions d’allocation de l’aide définie par chaque Etat membre. Cette aide découplée s’inscrit dans le contexte de l’OMC en allant dans le sens préconisé par l’Accord sur l’agriculture annexé à l’Accord de Marrakech instituant l’OMC, dès lors qu’elle s’avère être une alternative à certaines mesures de soutien par les Etats (soutien interne) comme certains dispositifs de prévention de crise (aides aux stockage, distillations) considérés comme provoquant des effets de distorsion.

A cet égard, le considérant 85 du règlement n° 479/2008 précise qu’afin d’incorporer le secteur vitivinicole au régime du paiement unique, toutes les superficies viticoles activement cultivées doivent être éligibles au titre de ce régime.

L’incitation à l’option du régime du paiement unique réside dans le caractère « irréversible » (26) du transfert du budget vers cette modalité d’aide, ce qui a pour effet direct de réduire d’autant et définitivement le budget alloué aux dix autres mesures de soutien énoncée par les articles 10 à 19 du règlement n° 479/2008 portant la nouvelle OCM.


B) Le transfert financier vers le développement rural

Dans une même perspective d’intégration horizontale dans la PAC et de conformité aux mesures de soutien considérées favorablement par l’Accord sur l’agriculture, le règlement portant la nouvelle OCM vitivinicole prévoit, dans son article 23, un transfert, à compter de l’exercice budgétaire 2009, des fonds communautaires pour financer, dans les régions viticoles, des mesures relevant des programmes de développement rural soutenus par le fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) relevant du règlement (CE) n° 1698/2005 du 20 septembre 2005.

Cette aide structurelle permet l’application au secteur viticole des mesures énoncées par le règlement n° 1698/2005 telles que l’installation de jeunes agriculteurs, l’investissement dans des équipements techniques, l’aide à la retraite anticipée des agriculteurs qui acceptent de transmettre leur exploitation à d’autres agriculteurs (27). Le transfert des moyens financiers au profit du budget relevant du développement rural dans le secteur viticole est progressif, les montants libérés pour chaque année civile étant de 40, 5 millions d’euros en 2009, 80, 9 millions d’euros en 2010 et de 121,4 millions à partir de 2011.

Le plus intéressant est aussi que ces fonds communautaires ne sont pas alloués à tous les Etats membres produisant du vin mais répartis entre seulement les trois principaux pays producteurs définis à l’annexe III du règlement n° 479/2008 qui sont par ordre décroissant d’allocation des fonds, l’Espagne, l’Italie et la France (28). Ces trois Etats membres sont ainsi dotés non seulement au titre des programmes d’aides (annexe II) mais aussi au titre du développement rural (annexe III).

Pour les autres Etats membre, à défaut d’allocation spécifique pour le développement rural, ils peuvent décider de transférer les fonds communautaires perçus au titre des mesures de soutien des articles 9 à 19 du règlement n° 479/2008 qui sont déterminés pour chacun à l’annexe II du même règlement vers l’annexe III, afin de les utiliser dans le cadre de leurs programmes de développement rural, à condition d’avoir notifié ce transfert à la Commission européenne avant le 30 juin 2008 pour qu’elle modifie les annexes II et III.


Index:

(1) On lira avec intérêt, F. Roussel et E. Agostini, La gestion du potentiel de production dans la nouvelle OCM vitivinicole, Rev. droit rural, octobre 2008, étude 34, p. 21.
(2) Règl. n° 479/2008, art. 129.
(3) Cette perspective de simplification est très contestable : voir D. gaboriau Sorin, Le règlement « OCM unique » : une simple consolidation de l’existant ?, Rev. Droit rural, décembre 2007, p. 43, n° 363.
(4) Considérant 9 du règlement n° 479/2008.
(5) Cf. A. Vialard, De l’OCM vitivinicole à l’ONM vitivinicole : vers l’organisation nationale du marché vitivinicole, in Les pouvoirs publics, la vigne et le vin (Histoire et actualités du droit), éd. Féret 2008, p. 181 et s.
(6) Sur ces orientations, voir J.-M. Bahans et M. Menjucq, La nouvelle OCM : une réforme communautaire sous l’inspiration de l’OMC, Rev. Droit rural octobre 2008, p. 13 et s., n°43 à 51.
(7) Article 18 du règlement n° 479/2008.
(8) Article 119 du règlement n° 479/2008.
(9) Considérant 9 du règlement n° 479/2008.
(10) Voir T. Gracia Azcarate et M. Thizon, La réforme de l’organisation commune du marché du vin, Revue du marché commun et de l’UE, n° 518, mai 2008, p. 320.
(11) Sur la répartition de l’enveloppe nationale de 2009 à 2013, voir Viti, septembre 2008, n° 343., p. 12.
(12) Voir annexe II du règlement n° 479/2008.
(13) Voir A. Vialard, De l’OCM vitivinicole à l’ONM vitivinicole : vers l’organisation nationale du marché vitivinicole, article précité.
(14) Voir F. Roussel et E. Agostini, La gestion du potentiel de production dans la nouvelle OCM vitivinicole, Rev. Droit rural octobre 2008, p. 21 et s., n° 7 à 9.
(15) Règl. (CE) n° 479/2008, art. 102, § 5, b).
(16) Règl. (CE) n° 479/2008, art. 104, § 1.
(17) Règl. (CE) n° 479/2008, art. 104 § 3..
(18) Règl. (CE) n° 479/2008, art. 104 § 5.
(19) Sur cet effet de la dégressivité, voir F. Roussel et E. Agostini, La gestion du potentiel de production dans la nouvelle OCM vitivinicole, article précité, n° 8.
(20) Voir F. Roussel et E. Agostini, La gestion du potentiel de production dans la nouvelle OCM vitivinicole, op. cit. n°11.
(21) Règl. (CE) n° 479/2008, art. 91.
(22) Règl. (CE) n° 479/2008, art. 92.
(23) Règl. (CE) n° 479/2008, art. 90 § 6.
(24) Voir J.-M. Bahans et M. Menjucq, La nouvelle OCM : une réforme communautaire sous l’inspiration de l’OMC, article précité, n° 26 et 27.
(25) Article 5 du règlement n° 1782/2003.
(26) Considérant n° 14 du règlement n° 479/2008.
(27) Considérant 17 du règlement n° 479/2008.
(28) L’annexe III du règlement n° 479/2008 prévoit que pour les années 2009, 2010, 2011, la dotation au profit de l’Espagne s’élève, en milliers d’euros, à 15491, 30950, 46441, celle bénéficiant à l’Italie est de 13160, 26287, 39447 et celle de la France est de 11849, 23663, 35512.



MENJUCQ Michel



Cet article n'engage que son auteur.

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