Les conditions de recevabilité du permis de construire fondé sur un avis de l'ABF

Publié le : 09/02/2009 09 février févr. 02 2009

Contester un permis de construire délivré après avis conforme de l’ABF : le recours préalable devant le Préfet de Région est-il obligatoire ?

Le recours préalable devant le Préfet de Région est-il obligatoire ?Le Tribunal Administratif de Versailles vient de rendre un jugement sur une procédure sur laquelle le juge administratif ne s’était pas encore prononcé : celle de l’ancien article R 422-8-1 du Code de l’urbanisme créé par le décret du 12 février 2004 portant application de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

Cet article R 422-8-1 prévoit que : « lorsque le projet objet de la déclaration de travaux est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ou dans un secteur sauvegardé, le préfet de région est saisi par lettre recommandée avec demande d'avis de réception soit :
a) Par le maire ou l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France ;
b) Par le pétitionnaire, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'opposition. ».

Il s’agit d’une procédure de recours contre l’avis conforme de l’ABF (donc en secteur sauvegardé, en ZPPAUP et aux abords des monuments historiques), qui nécessite de saisir le Préfet de Région. Celui-ci émet, après consultation de la Commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l’ABF.

Ainsi, le maire ou l'autorité compétente pour délivrer l’autorisation ou la déclaration d’urbanisme, qui est dans une situation de compétence liée, ne peut s’y opposer qu’en engageant une procédure de recours auprès du Préfet de Région.

S’agissant du recours du pétitionnaire, le Tribunal Administratif de Versailles, dans sa décision du 3 juin 2008 (1), a considéré que :

« si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent en principe, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être utilement invoqués devant le juge saisi de cette décision ; que cette possibilité n’est cependant pas ouverte lorsque les voies spécifiques de contestation de ce refus d’accord n’ont pas été exercées ;
Considérant que l’article R 422-8-1 du code de l’urbanisme permet au pétitionnaire auquel a été refusé une autorisation de travaux, lorsque ce refus est fondé sur le refus de visa de l’architecte des bâtiments de France, de saisir le préfet de région dont l’avis, rendu après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, se substitue à celui de l’architecte des bâtiments de France ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que M. PARAT aurait saisi le préfet de région, comme le prévoient les dispositions précitées ; que, par suite, M. PARAT ne peut utilement contester le bien-fondé de l’avis rendu par l’architecte des Bâtiments de France à l’appui de ses conclusions dirigées contre la décision d’opposition à travaux du 8 avril 2005 ».

Il en résulte que la possibilité d’invoquer des moyens tirés de la régularité et du bien-fondé de l'accord préalable de l’ABF à l’appui du recours contre une autorisation ou déclaration d’urbanisme ne serait ouverte que si les voies spécifiques de contestation de ce refus d’accord, et donc la saisine du Préfet de Région, ont été exercées.

A défaut d’un tel recours préalable, la contestation du refus de permis et de l’opposition à déclaration ne pourrait alors pas être fondée sur des moyens tirés de l’irrégularité ou de l’absence de bien fondé du refus d’accord de l’ABF, qui seraient irrecevables.

On peut toutefois, dans cette hypothèse, s’interroger sur la combinaison des procédures et des délais de recours : d’une part, le recours contre une décision de refus ou d’opposition de deux mois à compter de sa notification et, d’autre part, la saisine du Préfet de Région du refus d’accord de l’ABF dans ce même délai.

On peut alors penser que cette saisine du Préfet, contre le refus d’accord de l’ABF, prolonge le délai de recours contre la décision de refus ou d’opposition de l’autorisation ou de la déclaration, mais ce point n’est pas explicitement tranché par la jurisprudence. Mais quant est-il alors lorsque les motifs invoqués à l’appui d’un recours contre un refus de permis ou d’opposition à déclaration préalable ne sont pas seulement relatifs au refus de l’ABF, mais à d’autres éventuelles irrégularités de la décision elle-même ? Pour plus de sécurité juridique, il pourra être envisagé d’introduire, en parallèle, un recours gracieux contre le refus de permis ou l’opposition à déclaration devant le maire ou l’autorité compétente.

L’article R 422-8-1 a depuis été abrogé par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, décret d’application de l’ordonnance du 5 décembre 2005 portant réforme des autorisations d’urbanisme, mais on trouve, dans les nouvelles dispositions, une procédure équivalente (2). Il est désormais prévu, s’agissant des immeubles situés dans des secteurs sauvegardés ou dans le champ de visibilité d'un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit (l’avis conforme étant supprimé pour les immeubles situés dans une ZPPAUP (3)), qu’en cas de désaccord entre, d'une part, l'architecte des Bâtiments de France et, d'autre part, soit le maire ou l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation, soit le pétitionnaire, le Préfet de Région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France.

Le Préfet de Région est alors saisi, par le pétitionnaire, dans les conditions de l’article R 424-14 du Code de l’urbanisme: « en cas de refus de permis ou d'opposition à une déclaration préalable fondés sur une opposition de l'architecte des Bâtiments de France, le demandeur peut […] dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision. »

On peut se demander, compte tenu de cette nouvelle rédaction, si la saisine préalable du Préfet de Région est toujours obligatoire pour le pétitionnaire pour pouvoir invoquer des moyens tirés de l’illégalité du refus d’accord de l’ABF. On ne peut donc que conseiller de procéder à cette saisine préalable du Préfet de Région...


Index:
(1) TA Versailles, 3ème Chambre, 3 juin 2008, M. Gérard PARAT, N° 0505196
(2) Conformément aux dispositions combinées des articles L 313-2 du Code de l’urbanisme, L 621-31 (5ème alinéa) ou L 642-3 (2ème alinéa) du Code du patrimoine, ainsi que l’article R 424-14 du Code de l’urbanisme
(3) L’avis conforme des architectes de bâtiments de France (ABF) aux permis et déclarations préalables de travaux, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) est supprimé par la loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, adoptée, dans les conditions prévues à l'article 45, alinéa 3, de la Constitution par le Sénat le 29 janvier 2009 (article 22 de la petite loi, modifiant l’article L 642-3 du code du patrimoine).





Cet article n'engage que son auteur.

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