Vente et garantie d’éviction des servitudes non-apparentes

Garantie d’éviction des servitudes non-apparentes : le vendeur ne peut s’exonérer que par une clause l’excluant expressément

Publié le : 30/04/2025 30 avril avr. 04 2025

Par un arrêt du 13 février 2025 (Cour de cassation, 3e chambre civile, 13 février 2025 – n° 23-17.636), la Cour de cassation a apporté un éclairage sur l’étendue des obligations du vendeur dans le cadre d’une vente immobilière.
Dans le cas d’espèce, Mme et M. N et M. X ont vendu une maison à Mme K.

Le contrat de vente prévoyait entre autres une clause au profit du vendeur, stipulant : 

« L’acquéreur prendra le bien dans l’état où il se trouve à ce jour, tel qu’il l’a vu et visité […] Il n’aura aucun recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, notamment en raison : des vices apparents, des vices cachés. »

Postérieurement à l’acte de vente, l’acquéreur, Mme K, s’aperçoit de la présence d’un réseau d’évacuation des eaux usées sous sa maison, qui n’avait pas été déclaré dans l’acte de vente.

Mme K a donc assigné ses vendeurs, Mme et M. N et M. X, aux fins de résolution de la vente et de paiement de dommages et intérêts au titre de la garantie des charges non déclarées.

La Cour d’appel avait d’abord rejeté les demandes de l’acquéreur en faisant une stricte application de la clause exonératoire de responsabilité stipulée dans l’intérêt du vendeur.

Au visa des articles 1638 et 1627 du Code civil, la Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel en faisant au contraire primer la garantie des charges occultes de l’article 1638 sur une clause favorable au vendeur mais insuffisamment précise.

Pour rappel :

L’article 1638 du Code civil permet à l’acquéreur de demander une indemnisation et/ou la résiliation du contrat en cas de découverte de servitudes non déclarées et non apparentes, lorsque celles-ci sont d’une importance telle qu’il y ait lieu de présumer qu’il n’aurait pas acquis le bien s’il en avait eu connaissance lors de la vente.

Il s’agit donc d’une application du principe général de la garantie d’éviction, lequel oblige le vendeur à garantir à l’acquéreur la possession paisible de la chose vendue.

- L’article 1627 du même code constitue une exception à l’application de ce principe puisqu’il autorise les parties, par des conventions particulières, à modifier voire supprimer la garantie d’éviction.

La Cour de cassation pose ici des limites au pouvoir dérogatoire de ce dernier article qui, pour pouvoir écarter l’application de la garantie d’éviction, doit précisément y faire référence.

En effet, la Cour de cassation estime qu’une clause de « prise des lieux en l’état », propre à l’état du bien, et ne faisant référence qu’aux vices apparents ou cachés, n’exclut pas expressément la garantie de l’article 1638 protégeant l’acquéreur contre les servitudes non apparentes non déclarées.

En conséquence, si de telles servitudes sont découvertes par l’acquéreur postérieurement à la vente, ce dernier peut en demander la résiliation, outre une indemnisation, même en présence d’une clause exonératoire, dès lors que celle-ci ne mentionne pas spécifiquement la garantie des charges occultes.

Sans que cette décision soit surprenante, elle rappelle néanmoins plusieurs points essentiels :

 
  • A défaut de convention expresse contraire, le vendeur demeure tenu à la garantie contre les charges occultes. Cet arrêt, en rappelant la primauté de la garantie d’éviction sur des clauses exonératoires imprécises, s’inscrit dans une logique jurisprudentielle de protection de l’acquéreur
 
  • Une clause d’exclusion de la garantie des vices cachés ne permettant pas d’exclure la garantie des servitudes occultes, il faut en déduire qu’une servitude non apparente ne constitue pas un vice caché. La Cour de cassation avait déjà statué en ce sens dans un arrêt n°11-28.783 du 27 février 2013.
 
  • Par ailleurs, sans pour autant le citer, la Cour de cassation suit le raisonnement de l’article 1190 du Code civil disposant « Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé ». Ainsi de façon plus générale, cette décision est également l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler qu’en présence d’une clause imprécise dans un contrat de vente immobilière, celle-ci sera interprétée en faveur de l’acquéreur.

Cet arrêt, publié au Bulletin, appelle donc les notaires et autres rédacteurs d’acte à redoubler de vigilance dans la formulation des clauses exonératoires, qui, trop générales, peuvent échouer à protéger le vendeur contre une action en garantie de l’acquéreur.


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Camille HERROU
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL BORDEAUX
BORDEAUX (33)
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