50 pas géométriques spécificité ultramarine

Les « 50 pas géométriques » : une spécificité domaniale ultramarine

Publié le : 27/06/2025 27 juin juin 06 2025

Les 50 pas géométriques constituent une zone littorale appartenant en principe au domaine public de l’État dans les territoires d’outre-mer. 
Héritage colonial et outil de régulation foncière, cette bande soulève aujourd’hui des enjeux majeurs en matière de droit de la propriété publique, d’aménagement du territoire, de régularisation d’occupations illicites et de protection de l’environnement.

Instituée dans un contexte de stratégie militaire et d’usage public du littoral, la notion de “50 pas géométriques” a été formalisée par l’ordonnance royale du 28 septembre 1827, qui imposait la création d’une réserve domaniale littorale de 50 pas de 1,62 mètre chacun, soit 81,20 mètres, mesurés à partir de la laisse de haute mer. 

Bien que cette disposition ait disparu en France métropolitaine, elle a été maintenue dans les territoires d’outre-mer à la suite de la loi du 19 mars 1946. 

Son maintien a été confirmé par plusieurs textes, dont le décret n° 55-881 du 30 juin 1955, puis intégré dans le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), notamment à ses articles L5111-1 et suivants.

Le régime des 50 pas géométriques soulève de nombreuses problématiques pratiques, en particulier dans les îles antillaises, où l’étroitesse du territoire et la pression foncière exacerbent les tensions.

Comme tout domaine public, la zone des 50 pas géométriques est en principe inaliénable et imprescriptible (art. L3111-1 du CG3P). Nul ne peut en acquérir la propriété par prescription acquisitive, et les cessions ne peuvent être opérées que selon des procédures dérogatoires spécifiques.

Les terrains inclus dans cette zone ne peuvent, en principe, faire l’objet d’une acquisition privée. 

Les revendications de propriété sont systématiquement écartées en l’absence de titre antérieur à 1827 ou d’une cession régulière de la part de l’État. De nombreux particuliers se trouvent ainsi en situation d’occupation sans droit ni titre, souvent à leur insu, ce qui rend les opérations immobilières ou patrimoniales incertaines.

Face à l’ampleur du phénomène, le législateur a organisé un cadre permettant, sous conditions strictes, une régularisation des occupations illégales. L’État peut procéder à des cessions à titre onéreux, après déclassement du domaine public, à condition que les constructions soient compatibles avec les documents d’urbanisme et ne portent pas atteinte à l’environnement.

Nombre de terrains situés dans la zone des 50 pas géométriques abritent des écosystèmes sensibles (mangroves, récifs, plages) protégés par le code de l’environnement (zones protégées, site classé, zone humide, etc.). 

La combinaison de ces régimes renforce les contraintes d’urbanisation et limite les possibilités de régularisation.

En vertu de la loi Littoral (n° 86-2 du 3 janvier 1986), applicable dans les outre-mer, l’urbanisation du littoral est encadrée strictement, ce qui confère à la zone des 50 pas un statut juridique hybride et complexe.

L’occupation de la zone demeure possible sous réserve d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public maritime conférant un droit précaire et révocable sans constitution de droit réel et sous réserve du respect de la réglementation en matière d’urbanisme, des règles de protection de l’environnement et du versement d’une redevance tenant compte des avantages de toute nature procurés à l’occupant (article L2125-3 CG3P).

Néanmoins, de nombreuses situations de fait subsistent où des constructions ont été édifiées sans autorisation préalable. 

Ces occupations sans droit ni titre constituent des occupations illégales du domaine public, susceptibles de faire l’objet de procédures de régularisation sous conditions ou de mesures d’expulsion et de démolition lorsque la régularisation est impossible (atteinte à l’environnement, occupation postérieure aux lois de régularisation, risque pour la sécurité publique).

La zone des 50 pas géométriques reste une illustration vivante de la complexité du droit domanial ultramarin. Son régime oscille entre protection du domaine public, reconnaissance de situations sociales particulières et impératifs environnementaux. 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Ludivine TROUVÉ
Clerc
1927 AVOCATS - Poitiers
Saint-Benoît (86)
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