Panneaux photovoltaïques

Panneaux photovoltaïques et éléments d'équipement

Publié le : 10/08/2023 10 août août 08 2023

L’arrêt qui a été rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 8 juin 2023 (Cass, 3ème civ, 8 juin 2023, n° 21-25.960) est d’un intérêt absolument certain et permet de recadrer le débat sur l’application, aux installations photovoltaïques, des dispositions de l’article 1792-7 du code civil, dont il résulte que :  
« Ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. »  

En l’espèce, un exploitant agricole avait commandé la fourniture et la pose de capteurs photovoltaïques destinés à être positionnés en toiture d’un bâtiment lui appartenant. 

Après la réception des travaux, l’installateur, assuré auprès de la société AXA France IARD, avait informé l’exploitant agricole de la défectuosité des boitiers de connexion équipant l’installation photovoltaïques (boitiers de connexion), qui présentaient un risque d’échauffement pouvant conduire à un incendie. 

La décision avait donc été prise par le maître d’ouvrage d’arrêter l’installation photovoltaïque et une expertise judiciaire avait été ordonnée. 

A l’issue des opérations d’expertise judiciaire, le maître de l’ouvrage avait assigné l’installeur et ses assureurs en réparation de ses différents chefs de préjudices, sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil. 

Par un arrêt en date du 23 septembre 2021, la cour d’appel de Nîmes avait déclaré l’installateur responsable des désordres affectant l’installation des panneaux photovoltaïques sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil, sous la garantie de son assureur RC décennale, la société AXA France IARD (Cour d’appel de Nîmes, 23 septembre 2021, n° 19-04036). 

Si le pourvoi de la société AXA France IARD est rejeté par l’arrêt du 8 juin 2023, la motivation retenue par la Haute juridiction s’avère extrêmement intéressante et confirme un courant jurisprudentiel qui semblait sans doute à tort discuté. 


Dans un premier temps, l’arrêt caractérise la notion d’impropriété à la destination, au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil, en relevant que les boîtiers de connexion équipant les panneaux photovoltaïques, affectés d’un défaut sériel, présentaient un risque d’échauffement susceptible de provoquer un incendie, lequel était déjà survenu sur certaines installations, de sorte que seule une décision de mise hors service de l’installation était de nature à éviter le risque d’incendie susceptible de se communiquer à l’entier bâtiment avant l’expiration du délai d’épreuve de la garantie décennale. 

L’analyse de la Haute juridiction est ici tout à fait classique. 


Dans un second temps, l’arrêt rejette l’application des dispositions de l’article 1792-7 du code civil, au seul motif que les panneaux photovoltaïques avaient été intégrés à la toiture du bâtiment agricole : 

« Ayant constaté que les panneaux photovoltaïques avaient été intégrés à la toiture, elle en a exactement déduit, répondant en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, qu’ils ne relevaient pas des éléments d’équipement visés à l’article 1792-7 du code civil, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ». 

Et l’arrêt de retenir alors l’application des dispositions de l’article 1792 du code civil, dès lors que : 

« Le risque avéré d’incendie, durant le délai d’épreuve, rendant en lui-même l’ouvrage impropre à sa destination, et la cour d’appel ayant énoncé à bon droit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, engagent la responsabilité décennale du constructeur lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, elle a retenu que la responsabilité de la société ENAIRSOL se trouvait engagée sur le fondement de l’article 1792 du code civil ». 


Il en résulte donc, à contrario, que si l’installation photovoltaïque n’est pas intégrée à la toiture, mais est installée en surimposition, les dispositions de l’article 1792-7 du code civil ont bien vocation à s’appliquer, excluant ainsi la mise en œuvre de la garantie décennale des constructeurs. 

 
A cet égard, il sera rappelé que l’arrêt rendu le 21 septembre 2022 (Cass, 3ème civ, 21 septembre 2022, n° 21-20.433, Publié au bulletin) avait semé un certain trouble, laissant à penser que l’article 1792-7 du code civil n’avait pas vocation à s’appliquer au dysfonctionnement d’une centrale photovoltaïque installée en surimposition d’un bâtiment existant pour produire de l’électricité destinée à la vente. 

Il avait alors été indiqué par la Haute juridiction que « les panneaux photovoltaïques participaient de la réalisation de l’ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment ». 

De fait, il avait été considéré que l’installation photovoltaïque était intégrée à la toiture, ce qui ne résultait pas nécessairement des faits exposés dans l’arrêt cassé de la cour d’appel de Pau, ce que la cour d’appel de renvoi devra apprécier très certainement à l’aulne de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 juin 2023, dont l’esprit apparait beaucoup plus conforme à un courant jurisprudentiel illustré par de nombreuses décisions. 

Cour d’appel de Montpellier, 5 février 2015, 1ère chambre, section A01, n° 14-03241 : 

« Une installation incorporée dans un bâtiment existant est qualifiée d’ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil dans la mesure où elle constitue un élément de l’ossature, du clos ou de couvert ». (…) 

« Ces ouvrages ont nécessité la dépose de l’ancienne toiture et son remplacement.  

Assurant ainsi une fonction de clos, de couverture et d’étanchéité du bâtiment dans lequel les panneaux sont intégrés ils doivent donc recevoir la qualification d’ouvrage ».  

Et la cour d’appel de Montpellier de poursuivre que : 

« Les panneaux photovoltaïques ne doivent pas être considérés comme des éléments d’équipements dissociables puisqu’ils ne sont pas simplement posés mais intégrés dans les bacs aciers avec lesquels ils forment donc un ouvrage d’ensemble intégré au bâti existant ».  

Encore, dans un arrêt rendu le 7 octobre 2019, la cour d’appel de Toulouse a retenu la qualification d’ouvrage à une installation photovoltaïque constituée de panneaux qui avaient été installés en lieu et place de tuiles sur toute la surface de couverture : 

Cour d’appel de Toulouse, 1ère chambre, section 1, 7 octobre 2019, n° 17/04654 : 

« Les mentions portées sur le bon de commande indiquent que le contrat porte sur une installation « intégrée », ce qui est conforté par la description faite de l’installation par l’expert judiciaire dans son rapport du 25 novembre 2015 dont il résulte que les panneaux photovoltaïques sont montés sur un cadre installé sur le toit en remplacement de tuiles. Les photos jointes au rapport d’expertise permettent de retenir que les panneaux sont ainsi intégrés dans la partie du toit correspondant à toute la superficie de l’installation, partie dépourvue de tuiles, de sorte que cette installation doit assurer le clos et l’étanchéité de la maison d’habitation en lieu et place des éléments traditionnels.  

Cette constatation suffit à remettre en cause l’analyse du premier juge selon laquelle l’installation serait seulement posée sur les tuiles et non intégrée au toit.  

Par suite l’incorporation à l’immeuble des divers éléments composant l’installation photovoltaïque, qu’il s’agisse des 16 panneaux, ou encore de l’onduleur, de la toile isolante Wakaflex, des disjoncteurs et parafoudre conduit à retenir la présomption de responsabilité de l’entreprise qui a procédé à cette installation. »  

De la même façon, dans un arrêt le 14 janvier 2014, la cour d’appel de Dijon a pris soin de ne pas s’arrêter à la dénomination « administrative » du contrat de rachat d’électricité, afin d’analyser la réalité physique des travaux réalisés, afin de retenir la qualification d’ouvrage au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil : 

Cour d’appel de Dijon, 14 janvier 2014, n° 12/01765 : 

« Attendu qu’il ressort de l’expertise judiciaire que les panneaux photovoltaïques sont posés « en intégration », l’expert précisant que l’ensemble du système constitué par les panneaux et les divers éléments techniques destinés à assurer la fixation et l’étanchéité viennent en lieu et place de la couverture préexistante ; que d’ailleurs ce type d’intégration en bâti est confirmé par les mentions figurant sur la demande de contrat d’achat d’énergie électrique produite en pièce n° 5 par le GAEC et décrivant l’installation concernée ». 

Sur ce, convient-il de considérer qu’une installation photovoltaïque ne peut recevoir la qualification d’ouvrage que si elle assure la fonction de clos, de couvert et d’étanchéité, contribuant ainsi à la réalisation d’un ouvrage plus global, ce qui n’est pas le cas d’une installation positionnée sur une toiture existante, en surimposition, afin de produire de l’électricité destinée à la revente. 

Le principe selon lequel l’élément d’équipement dissociable de l’ouvrage qui, en vertu de l’article 1792-3 du code civil relève de la garantie de bon fonctionnement ou de la garantie décennale en cas de défaut portant atteinte à la destination de l’ouvrage dans son ensemble, ne vaut que si le désordre affecte un élément d’équipement dissociable d’un ouvrage et non le process (ou l’accessoire) d’un élément d’équipement à vocation professionnelle exclusive.  

En raison de sa finalité de revente de l’énergie, l’installation photovoltaïque a bien une destination professionnelle qui est exclusive de l’application des dispositions des articles 1792 à 1792-3 du code civil. 

Cass, 1ère civ, 1er juillet 2020, n° 18-22.461 :  

« 4. L'acquisition de panneaux photovoltaïques et son financement ne peuvent constituer des actes de commerce par accessoire que si l'électricité produite par l'installation n'est pas principalement destinée à un usage personnel. » 

Le principe s’impose quand bien même les parties n’avaient pas entendu se soumettre aux dispositions du code de la consommation, dès lors que le contrat a pour finalité la revente totale de l’électricité produite par une installation photovoltaïque (Cass, 1ère civ., 9 mars 2022, n° 20-20.390, Publié au bulletin). 

De la même façon, dans un arrêt en date du 19 mars 2019, la cour d’appel de Besançon a été amenée à considérer que constitue un acte de commerce, l’acquisition de panneaux photovoltaïques en cas de revente totale de l’électricité (Cour d’appel de Besançon, 19 mars 2019, n° 17/02069) :  

« Mais attendu qu'il n'est pas discutable que l'opération de production et de vente de la totalité de l'électricité produite, exclusive de toute consommation personnelle, constitue une activité économique s'inscrivant dans la durée et, par voie de conséquence, un acte de commerce par nature au sens de l'article L.110-1 précité. » 

L’analyse selon laquelle la destination de l’installation photovoltaïque est de procurer un revenu complémentaire par la revente de l’électricité produite est bien ce qui a guidé l’analyse de la cour d’appel de Paris dans son arrêt en date du 24 février 2015 (Cour d’appel de Paris, 24 février 2015, n° 13/16719) : 

« En raison de sa finalité de revente d’énergie entre professionnels, le générateur photovoltaïque a une destination professionnelle exclusive de l’application des dispositions des articles 1792 à 1792-3 du code civil ». 


Cet article n'engage que son auteur

Auteur

Ludovic GAUVIN
Avocat Associé
ANTARIUS AVOCATS ANGERS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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