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Prescription & Avocat : Revirement ! Quel point de départ du délai de prescription pour agir en justice contre son avocat ?

Publié le : 27/10/2023 27 octobre oct. 10 2023

Le 14 juin dernier (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 14 juin 2023, n°22-17.520), la première chambre civile de la Cour de Cassation a rendu une décision qui change radicalement la donne en matière de responsabilité contre les Confrères & les Consœurs.
Jusqu’à présent, notamment rappelée à l’occasion d’un arrêt du 14 janvier 2016, ce point de départ se prescrivait à compter du prononcé de la décision juridictionnelle. Ce qui était somme toute assez logique, puisque – certes, avec réserves – tant que la procédure est en cours, on peut toujours espérer corriger le tir et esquiver une mise en cause.

Mais la chose n’était pas sans inconvénient pour le client, d’abord sur la clarté du terme, et puis surtout sur sa longueur. Quand se termine véritablement une procédure en justice ? 

M’enfin, cela correspondait rien de moins qu’à la lettre de l’article 2225 du Code civil :

« L'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission. »

Et pour autant, cette décision du 14 juin 2023 va bouleverser cette fragile mécanique.

Brièvement, il y était question d’un jugement de divorce dont il est fait appel, et ce dernier est frappé de caducité. Action en responsabilité.

Sauf que cette action contre l’avocat est engagée plus de cinq ans après cette ordonnance de caducité.

Et l’article 2224 du Code civil rappelle bien que :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Combo avec 2225 : cinq ans depuis la décision de caducité.

Donc, l’action devrait être prescrite. C’est ce positionnement qu’a adopté la cour d’appel d’Agen dans son arrêt du 6 avril 2022.

Pourvoi en cassation, et d’office, patatra :

« […] le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date »

Ce qui, tout en constituant un revirement évident, correspond à une lecture logique des textes, puisque la décision mettant fin à l’instance n’est définitive que lorsque son délai de recours est passé. 

Somme toute, cet arrêt pourrait avoir le mérite d’établir un terme parfaitement fixe désormais.

Sauf que.

D’une part, quid des décisions qui ne sont jamais signifiées, et dont le délai de recours en dépend ? Va-t-il falloir signifier à tour de bras ? Au risque de se frotter au spectre de l’imprescriptibilité en raison d’un délai qui n’aurait jamais commencé à courir ?

Heureusement, l’article 528-1 du Code de procédure civile instaure un délai butoir des voies de recours, deux années après son prononcé.

Ce qui reviendrait factuellement à allonger le délai de prescription de cinq à sept années.

Et encore, 528-1 ne concerne pas toutes les décisions de justice, même si son objet est très vaste :

« Cette disposition n'est applicable qu'aux jugements qui tranchent tout le principal et à ceux qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l'instance. »

Donc, pas les instances arbitrales ou les ordonnances d’instruction.

Aussi, autre enseignement majeur : la primauté de la fin de mission antérieure. Fin de mission dont la date est à démontrer par le professionnel. 

D’où une singulière attention qu’il faudra porter à la révocation du mandat, qui doit être effectuée de manière « non équivoque ».

L’article 419 du Code du procédure civile disposant sur ce point que :

« Le représentant qui entend mettre fin à son mandat n'en est déchargé qu'après avoir informé de son intention son mandant, le juge et la partie adverse.

Lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie ou, à défaut, commis par le bâtonnier ou par le président de la chambre de discipline. »

Dans ce métier, il n’y a décidément que des adversaires, ou des adversaires en germe. 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Etienne MOUNIELOU
Avocat Collaborateur
MOUNIELOU
SAINT GAUDENS (31)
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