Artificialisation des sols

De l’ardente nécessité d’un débat public sur l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN)

Publié le : 06/12/2019 06 décembre déc. 12 2019


 

​L’érosion de la biodiversité à l’échelle mondiale est une réalité. L’artificialisation des sols en est une des causes importantes. Selon le commissariat général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP) qui a publié en juillet 2019 un rapport sur le sujet, « L’étalement urbain et le grignotage progressif des sols par des constructions, des infrastructures routières ou des parkings sont en effet à l’origine de la destruction d’habitats naturels et de continuités écologiques permettant à la faune sauvage de circuler ».

La notion d’artificialisation des sols n’est pas récente. Toutefois, en France, le débat public sur le sujet n'en est qu'à ses balbutiements. Comme bien souvent en matière d’environnement, il a été mis en lumière à l’occasion de la réalisation de grands projets.

L’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes n’est évidemment pas sans lien avec la problématique d’artificialisation des sols. Le récent abandon d’Europacity, annoncé lors du troisième Conseil de défense écologique du mois de novembre dernier, semble aussi devoir s’analyser comme une mesure concrète et forte en faveur de la lutte contre l’artificialisation des sols

Mais le sujet n’a pas vocation à rester cantonné aux grands projets. C’est sa généralisation qui, aujourd’hui, est en question.

Le 29 juillet dernier, faisant suite au plan biodiversité présenté le 4 juillet 2018, le Gouvernement a diffusé auprès de ses services une instruction relative à l’engagement de l’État en faveur d’une gestion économe de l’espace.

Dans cette instruction, l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols a été officiellement proclamé. Il y est indiqué que l’action de l’Etat intervient dans la trajectoire « qui consistera à rendre applicable l’objectif zéro artificialisation nette du territoire, dans les délais qui seront confirmés par le président de la République ». Selon cette instruction : « Ceci suppose dans un premier temps d’infléchir la consommation, puis de la stopper par un usage sobre de l’espace et par des actions de type compensatoire ». 

L’objectif de zéro artificialisation nette s’invite aussi, en parallèle, dans l’élaboration des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) qui, à l’échelle de chaque région, doivent fixer les objectifs et les principes en matière d’aménagement du territoire. Enfin, dans leurs avis sur des projets ou sur des programmes, les Missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) n’hésitent pas, d’ores et déjà, à faire référence à cet objectif de zéro artificialisation nette.

Si la démarche entreprise est des plus louables, la méthode suivie et ses modalités de mise en œuvre posent question.

D’une part, c’est une évidence de rappeler qu’il n’y a pas de logements, d’activités économiques, d’équipements publics sans sol. L’idée même de ne plus pouvoir construire sur les espaces naturels, agricoles ou forestiers interroge la capacité des territoires à répondre à leurs propres besoins, ainsi que les incidences économiques et sociales du ZAN.
La situation des métropoles n’est d’ailleurs probablement pas identique à celle des territoires ruraux. Le sujet est donc particulièrement sensible, notamment pour les communes et les intercommunalités qui définissent la politique locale d’urbanisme en s’appuyant sur de nombreux instruments de planification, comme les plans locaux d’urbanisme. 

D’autre part, si le code de l’urbanisme fixe un principe de gestion économe de l’espace, il n’évoque pas le principe de zéro artificialisation nette. La notion même d’artificialisation n’est pas définie, aujourd’hui, en droit français. La difficulté est donc grande de mettre en œuvre un objectif qui n’a pas été traduit, pour le moment, dans le corpus juridique, et dont les modalités de mise en œuvre ne sont ni fixées ni connues des acteurs concernés.

Dans de telles circonstances, il est important, comme le souligne d’ailleurs le commissariat général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP) dans son rapport de juillet 2019, d’engager une « large consultation des parties prenantes afin d’affiner le diagnostic posé et d’évaluer la recevabilité des recommandations ». 

Ce besoin de débat est urgent. L’instruction du 29 juillet dernier adressé aux services de l’Etat leur demande « d’ici 18 mois de faire un bilan des actions mises en œuvre par l’État autour de cet enjeu pour conjuguer les efforts de l’ensemble des acteurs ». En l’absence de consultation et de concertation préalables de ces acteurs et notamment des communes et des intercommunalités, le risque existe d’une opposition plus ou moins radicale à l’objectif poursuivi. 

Enfin, en ce qui concerne la population, les évènements sociaux de ces derniers mois ont souligné l’importance de concilier transition écologique et justice sociale. Les conséquences économiques et sociales de la lutte contre l’artificialisation des sols méritent assurément d’être analysées, évaluées et débattues, à la lumière notamment du sentiment de « fracture territoriale ».


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

ROUHAUD Jean-François
Avocat Associé
LEXCAP RENNES
RENNES (35)
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